
Last Train
Après son troisième album III aussi massif que ses chiffres romains, pilastres qui posent une base solide de leur tournure de carrière (tournée vers/ à l'internationale), il est temps d'aller voir Last Train sur scène lors de leur première date au Grand Mix De Tourcoing. On a le droit à une belle première partie façon Idles campée par un chanteur habillé en Luigi, avec un discours dans un bon anglais (l'accent, et tout) par les lillois de Dalaïdrama qui sont venus défendre leur EP The ABCs OF Newism plein d'énergie épileptique, avec un point d'orgue en la reprise de "Satisfaction" (qui se souvient ?).
Et c'est dans un Grand Mix plein comme un oeuf (les places sont parties en vingt minutes) qu'arrivent les petits prodiges du rock français, tout en t-shirts noirs amples et batterie trônant en promontoire. Les deux premiers titres "Home" et "The Plan" suivent l'ordre du nouvel album et permettent une intro façon défibrillateur avec ses silences et ses riffs balancés par surprise. "Est ce que vous êtes prêts le Grand Mix ?" lance Jean-Noël à une assemblée qui a depuis longtemps sa carte fidélité.
Et la partition se déroule ainsi sans accro, entre nostalgie avec le mélo-héroïque "On Your Knees", et le bien plus feutré "Golden Songs", livrés pour la foule, la houle, de gens abonnés ayant déjà vu le groupe quatre fois dans cette même salle. "I Hate You" et ses projecteurs en forme de barreaux. Lumières vertes alien pour "All To Blame". Le visuel porte plus que jamais le propos, et le guitariste et bassiste peuvent grimper à loisir sur des genres de blocs pour se mettre à hauteur du batteur.
Le chef d'orchestre (au-delà du dernier album symphonique) Jean-Noël use de son charisme et des ses tips de fils d'instit (se taire pour que les gens se taisent aussi) pour capter l'attention du public, et ça fonctionne, on entend "chut" dans les spectateurs quand quelqu'un se permet de papoter par dessus sa binouze. Est-ce qu'on a au moins le droit d'aller aux toilettes ? "This Is Me Trying" appuie les talents mélodiques du groupe et sonne déjà comme un classique et "The Big Picture" achève de faire fondre les coeurs, après un petit soulevé rituel du chanteur façon série épique Hunger Games (on espère qu'il n'y aura pas d'épreuves).
Mais la dame ici n'est pas là pour faire un podcast-je-suis-contente-de-te-recevoir-dans-mon-émission, consensuel (et votre serviteur Albumrock est aussi là pour ça, être honnête) et elle va le dire: elle n'a pas été convaincue, après l'avoir été par l'album par contre. L'engouement live certes est présent surtout dans les premiers rangs (qui sont constitués finalement par les trois quarts de la salle) mais on se demande un peu si on est dans une mini prise d'otage, et la journaliste n'aime pas ça.
S'il est tout à fait compréhensible, sensé (oserais-je dire : prévisible, car tout cela a l'air bien préparé en amont) que Last Train soulève l'audience, quid de ce système au sein duquel les quatre alsaciens proposent sans que chacun dispose, vraiment ? Le contrôle de la situation, l'enchainement des titres au cordeau, les moments où le public devient le cinquième membre du groupe, (trop) chaudement remercié, micro tourné vers lui (la spontanéité il faut le dire, comme truquée). Oui bon, mais ça harangue sans doute de trop. Et est-ce qu'on n'est pas à deux doigts de se faire engueuler si on n'écoute pas (dans le fond ?). Ou alors faut carrément faire de l'acoustique, si on se veut intimiste.
Et vient-on en concert pour se faire un peu coincer dans un concept qui n'appartient qu'au groupe au départ ? Les accolades (sans doute sincères) révélées sur scène plutôt que réservées aux coulisses, la sortie par devant plutôt que par derrière (toute expression scabreuse réservée), esprits libres, fuyez (si vous en avez le cran !) (et si vous êtes pas repérés !) (Hunger Games !). Le groupe rend copie parfaite, maitrise ses instruments, son set... Et nous avec. Quitte à lancer à la fosse: "Attendez au vu de votre réaction, vous donnez à notre concert un 6/10, c'est ça ?" *les applaudissements s'étoffent du coup* "Ah donc un 8 ?". Aller chercher l'attention coûte que coûte, alors qu'il y a pas besoin.
Last Train est l'élève parfait, sérieux, soucieux de bien faire. Et c'est là à la fois toute sa force et toute sa faiblesse. Le groupe alsacien, plein de panache et d'intelligence contrôle le déroulé/son identité/ son fonctionnement et c'est tout à son avantage... Mais ce bon côté révèle aussi l'exact endroit où ça coince. Je n'ai pas été happée, et pourtant la curiosité portée au cas des ces quatre-là (via des interviews) est belle est bien là. Dommage quoi. Dans une certaine mesure il est agréable pour un public d'être contenu, de se laisser guider. Mais il y a une limite et pour ne pas la franchir Last Train gagnerait à se relâcher (le train) et à cesser de vouloir trop performer.
Setlist de Dalïdrama:
- I Have Got It
- What Could It Be
- Drool
- Kiss Me On The Lips
- Neat
- Satisfaction
- So fun
- Beautiful song
Setlist de Last Train:
- Home
- The Plan
- Way Out
- On Our Knees
- Disappointed
- I Hate You
- Golden Songs
- One By One
- All To Blame
- Fragile
- Between Wounds/ One Side Road
- This Is Me Trying
Rappel:
- The Big Picture