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Critique d'album

Vista Chino


Peace


(03/09/2013 - Napalm Records - Stoner (ex-Kyuss) - Genre : Rock)
Produit par

1- Good Morning Wasteland / 2- Dargona Dragona / 3- Sweet Remain / 4- As You Wish / 5- Planets 1&2 / 6- Adara / 7- Mas Vino / 8- Dark And Lovely / 9- Barcelonian / 10- Acidize / The Gambling Moose
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"So long, Kyuss."
Nicolas, le 13/09/2013
( mots)

On aurait tous souhaité que les choses se passent différemment. De la réunion providentielle de Garcia, Bjork et Oliveri au Hellfest en 2010 à la sortie de ce Peace, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et pas la plus limpide qui soit, malheureusement. Emporté dans un marasme boueux et nauséabond, le retour de Kyuss, de tournées en procès, de guerre d’interviews en changements de line-up erratiques, a égayé notre fil d’actualité durant trois années d’envie et d’effroi. Alors que la voix judiciaire a finalement rendu son verdict, remisant le patronyme légendaire dans une naphtaline éternelle, alors que Nick Oliveri a fini de tergiverser entre faits divers sordides et allégeance fluctuante entre les deux camps en faction en prenant nettement ses distances vis à vis de la paire John Garcia - Brant Bjork, l’heure du verdict a sonné pour Vista Chino. Et contre toute attente, la marmite desert rock a encore de bien belles choses à nous livrer.


L'affaire n'apparait pas forcément évidente de prime abord, et il n'est pas toujours vain d'asséner des évidences : Kyuss n'est plus et ne sera plus jamais, du moins tant que Josh Homme continuera à le vouloir ainsi. L’effectif présent sur Peace, soit 75 % de ceux qui étaient aux commandes de Blues For The Red Sun, n’aurait théoriquement rien à envier, en terme de légitimité, à celui qui a accouché de l’éponyme (ou de Welcome To Sky Valley, on ne va pas ranimer les querelles stériles à ce propos), et ne parlons même pas du suivant qui ne comptait dans sa conception que la moitié de l’équipe d’origine. Mais le gratteux rouquin n’est plus là, et ça change tout. Tout le monde sait qu’Homme n'a pas été le seul compositeur au sein du carré de Palm Desert, mais il est tout de même l'auteur de trois bons quarts de son répertoire. Oui, sa patte manque à l’appel. Oui, Bruno Fevery, le fan-boy belge adorateur transi des californiens, élu comme successeur officiel de la reine de l’âge de pierre, peine à égaler ses goulée blues ondulantes et ses épaisses volutes de fumée âcre et hallucinogène. Néanmoins, il nous faut rester lucide : n’importe quel péquin est capable de brancher sa guitare sur un ampli de basse et, moyennant quelques bidouillages et effets, peut parfaitement reproduire le son glouton, opaque et collant que Big Josh imprimait à Kyuss. Le reste n’est qu’une question de personnalité, et alors que l’on craignait que Fevery serait incapable de marquer ces nouvelles compositions d’une empreinte personnelle, on se plaît à apprécier ses solos pourtant plus stéréotypés, et on finit au bout du compte par oublier l’ancien roi du désert. A minima, le pari de Peace, sur ce point, apparaît réussi d’une façon relativement satisfaisante, même si les choix effectués sur cet album entérinent par les faits le décès des anciens Dieux du Désert.


Si la légitimité kyussienne de l’entreprise semble douteuse, que penser alors de ses à-côtés ? Pourquoi réactiver, du moins dans l'esprit, dix huit années après sa chute, un monstre sacré à qui une armée de fidèles dévots voue un culte absolutiste, risquant ainsi de détruire l’un des mythes les plus essentiels du stoner rock ? Si l’envie d’en découdre à nouveau ensemble peut aisément se concevoir de la part d’une triplette californienne qui s’est faite relativement discrète depuis 1995 - Fevery ne faisant que prendre la locomotive en marche, on ne niera pas que le dieu dollar a eu son mot à dire dans toute cette histoire. Mais qui le reprocherait honnêtement aux intéressés ? Aussi bien Oliveri que Bjork ne roulent pas sur l’or malgré des carrières signifiantes (le premier via son bébé Mondo Generator). Quant à Garcia, on rappellera qu’après la fin de Kyuss. il fut contraint de reprendre son travail dans une clinique vétérinaire pour boucler ses fins de mois entre plusieurs projets prometteurs mais cordialement méprisés par le music system (Slo Burn, Unida, Hermano). Tandis que Josh Homme cartonnait en tête des charts et récoltait en solo tous les lauriers initiés par les Generator Parties du désert de Mojave, ainsi que les subsides inhérents à ce succès, les trois autres, tout comme Scott Reeder, rongeaient leur frein en attendant leur heure si celle-ci devait advenir un jour. D’un certain côté, on peut parfaitement concevoir que les ex-Kyuss tentent eux aussi de tirer à eux la couverture et de profiter d’une manne qui leur a été toujours refusée. Néanmoins, du peu d'informations ayant filtré jusqu'à nous, on retiendra tout de même, de la part du tandem Bjork - Garcia, une vile tentative de spolier totalement Homme de ses droits d'auteur sur son groupe de jeunesse, et si la contre-attaque judiciaire intentée par l'Elvis rouquin a pu nous écoeurer de prime abord, l'analyse objective des faits, à froid, plaide tout de même assez largement en faveur de Homme. En fin de compte, le seul floué, probablement définitivement, dans cette histoire, c’est le pauvre Scott Reeder qui, quels qu’aient été les résultats des procédures judiciaires entamées par le grand roux à l’égard de Brant Bjork (qu’il déteste par ailleurs ouvertement) et des trois autres, n’aurait pas vu l’ombre d’un kopek atterrir dans son escarcelle. Quand on pense qu’il a été assez naïf pour suppléer Oliveri lorsque ce dernier était une fois de plus derrière les barreaux… c’est d’autant plus navrant que ce dernier a depuis mis les voiles à bonne distance de Bjork et Garcia, et qu’il n’est plus officiellement considéré comme un membre du groupe. N’aurait-il pas mieux valu que les deux hommes misent sur l’autre cheval ?


On ne savait pas vraiment à quelle sauce un post-Kyuss de quadras allait pouvoir se trouver cuisiné, les hypothèses étant rendues encore plus incertaines par le fait qu’en son temps héroïque, le combo de Palm Desert n’a jamais accouché deux fois du même disque. La première inconnue se voit levée d’entrée de jeu avec le robuste "Dragona Dragona", censé reprendre les choses là où ...And The Circus Leaves Town les avait laissées. ...ATCLT, ou plutôt, bien sûr, Blues For The Red Sun, avec une composition brute de décoffrage, puissante, rêche et hargneuse, à l’image d’un John Garcia qui chante en sursaturation dans un micro prêt à exploser. Le son grave et flûté des moteurs en fusion est bien présent, mais, Chris Goss n’étant plus de la partie, on sent bien qu’il manque de la densité et de la graisse pour recréer complètement l’écrasant mur de briques rougeoyantes d’antan. Si la batterie de Mister Cool fait toujours des ravages, on peine en revanche à distinguer la basse de Nick Oliveri, tant d’un point de vue stylisitique que sonore. Il est vrai que le chauve à bouc n’a jamais été un bassiste exceptionnel, et que l’on a plutôt retenu de ses prestations chez les Queens Of The Stone Age ses gueulantes de putois et ses déviances exhibitionnistes. Difficile, de surcroît, de passer derrière Scott Reeder qui, lui, a vraiment façonné une strate supplémentaire du son Kyuss en apportant substance et groove aux guerriers du désert.


Ainsi se poursuit le jeu des différences avec "Sweet Remain", aussi délicat qu’un marteau pillon venimeux, et très vite on se rend compte que Vista Chino n’a pas souhaité jouer la carte du passéisme immobile. Peut-être pour mieux se démarquer de l’empreinte gênante de Homme, peut-être aussi pour ne pas coller aux standards galvaudés depuis par des centaines de formations qui n’ont eu de cesse de reproduire les fulgurances adolescentes de la légende, le carré stoner s’évade très vite des sentiers battus et nous offre une version différente, mûre et éclatée de l’exercice kyussien. Sur une intro de basse rugueuse (eh non, ce n’est pas à Oliveri qu’on la doit, mais à Mike Dean), "As You Wish" gratte la couche de crasse et de sueur sur un riff gaillard qui s’évade vers des élans tribaux racés (Bjork, sauvage à souhait), réveillant ensuite un metal grassouillet que survole un Garcia entre aplomb et fausse nonchalance ("Planets 1 & 2"). Le traitement vocal de Peace a de quoi étonner, car le renard des sables n’a jamais vraiment tenté de varier son jeu dans sa jeunesse. Ici, il ne se fait clairement pas prier : aboiements à en faire crever les enceintes ("Dagona Dragona"), aigus attrapés en haute altitude ("Sweet Remain"), phrasés plantureux et séducteurs ("Dark and Lovely"), jusqu’à un petit pied de nez offert à son pote Josh Homme en adoptant le détachement et la cool-vibe du géant roux ("Acidize… The Gambling Moose"), John Garcia fait plus que jamais plaisir à entendre. Mais revenons à nos chansons, car si le début des festivités assure la mise forme sans forcément donner des gages irréfutables de pertinence, la seconde moitié de l’album se rattrape à merveille, curieusement lorsque la chape de plomb des cordes se fait moins omniprésente. L’engouement prend la forme d’un motif de guitare tout con et tout bonnement génial ("Adara", irrésistible), d’un trip sous acide haletant de violence et de d’entêtement psychotique ("Dark And Lovely", le moment où Fevery fait clairement oublier Homme), l’enchaînement tout bonnement parfait sur le très pop "Barcelonian", impeccable de mélodie et de dégaine, et le très net appel du pied aux Queens Of The Stone Age réalisé avec "Acidize...", avec le riff automatique, la voix de camé, les volutes de marijuana et l’attitude débonnaire, le tout se retrouvant ensuite broyé sous les assauts d’un blues écorché et pervers. On n’oubliera pas le petit instrumental qui va bien, halte alcoolisée à l’ombre pour recharger les batteries après avoir échappé à un soleil inhumain ("Mas Vino", ombre !).


Evidemment, on n’empêchera pas ceux qui hurlent à l’hérésie face à cette pseudo-résurrection un peu louche de brailler leur mécontentement. Vista Chino et Peace ne sont clairement pas au niveau de Kyuss, c’est l’évidence même, et le contraire aurait pour le coup été vraiment très surprenant. Loin d’un nouveau chef d’oeuvre définitif du desert rock sulfurisé, mais pour autant à des années lumières du naufrage que beaucoup avaient annoncé, ce retour amputé du gang de Palm Desert offre un peu la même satisfaction que certains ont pu trouver avec le Death Magnetic de Metallica, commis par une équipe aux trois quarts conforme au mythe métallique après de longues années d’errances en tout genre : la satisfaction brûlante de découvrir que ceux que l’on avait enterré à tout jamais pouvaient encore susciter un réel enthousiasme. Pas celui de leur jeunesse, mais largement de quoi tenir la dragée haute à de nombreux descendants actuels. A ce niveau là, clairement, Peace donne encore envie d’en entendre d’avantage, et tant pis pour Oliveri. Tâchons d'oublier les odieuses malversations entourant les origines du projet, et souhaitons bonne chance à Garcia et Bjork pour cette nouvelle traversée du désert commune. So long, Kyuss, bienvenido, Vista Chino.


 


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