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Kula Shaker
Pilgrims Progress
Produit par
1- Peter Pan RIP / 2- Ophelia / 3- Modern Blues / 4- Only Love / 5- All Dressed Up (And Ready For Love) / 6- Cavalry / 7- Ruby / 8- Figure It Out / 9- Barbara Ella / 10- When A Brave Needs A Maid / 11- To Wait Till I Come / 12- Winter's Call
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Cette fin de décennie aura vu la britpop nineties mordre définitivement la poussière : Oasis explosé, Blur lessivé, Supergrass éreinté, sans parler de Pulp ou Suede, déjà hors-course depuis des années. C’est pourtant dans cette atmosphère de fin de règne que Kula Shaker a choisi de revenir sur le devant de la scène à la faveur d’un troisième disque (Strangefolk), sorti en 2007 après un hiatus de près de 10 ans. Lors des grandes heures du mouvement, le combo londonien avait, aux côtés de Cornershop, brillamment porté haut les couleurs hindoues de la pop sixties, quelque part entre psychédélisme soyeux et mélodies teigneuses. Revenu du purgatoire avec un line-up à peu près intact, Kula Shaker a quelque peu lissé son bouillant panachage musical. Les joutes de wah-wah cisaillant leur album phare K, tout comme les choucroutes psychés du non moins réussi Peasants, Pigs & Astronauts ont laissé place sur Strangefolk à de douces ballades sur lesquelles guitares acoustiques et instruments traditionnels (tablas, sitars et compagnie) règnent en seul maîtres. On a prié Jimi Hendrix, Jerry Garcia, Ravi Shankar et John Lennon de bien vouloir quitter le salon pour laisser George Harrison converser paisiblement avec les nains de jardin de son All Things Must Pass autour d’un Darjeeling fumant servi dans des tasses en porcelaine. Pilgrims Progress ne fait que parachever cette évolution.
Face à ce constat, deux évaluations distinctes s’imposent, selon le public visé. Soit on connaît le quatuor depuis ses débuts, et on ne pourra alors que déplorer l’absence d’un sauvage "303", d’un envoûtant "Govinda", d’un schizophrénique "Grateful When You’re Dead" ou d’un suave "Shower Your Love", et de trouver tout cela bien tiède. Ou bien aborder ce quatrième effort avec des oreilles neuves, comme si c’était le premier, et de se retrouver alors face à aimable album apaisé et délicat, où la pop se marie volontiers à un folk aux fragrances épicées. Cet auditeur aux oreilles vierges se promènerait alors avec un délice certain au milieu de ces 12 pistes. Il apprécierait les mélopées ondulant majestueusement au son des flûtes orientales ("Ophelia", "Only Love"), se délecterait de la pop baroque tapissée sur velours de violoncelles ("Peter Pan RIP", "Ruby"), goûterait aux enluminures nasillardes du chant de Crispian Mills, hautain et maniéré à la fois ("All Dressed Up") et se piquerait des rares coups sangs de l’album où se disputent sporadiquement blues tamisé, marches psychédéliques et flirts morriconiens poussés ("Modern Blues", "Figure It Out", "When A Brave Needs A Maid"). Nul doute que, sans être transcendé par l’expérience, il sortirait ravi de ce petit trip davantage proche du pétard pas trop chargé consommé sur canapé que du dézinguage de neurones à coups de giclées d’acide.
Reste à savoir de quel côté de la barrière on se trouve. Cela dit, même les fans de la première heure ne pourront nier le charme subtil, à défaut d’être enivrant, de la dernière livraison de ce combo à la santé retrouvée.