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Critique d'album

John Frusciante


Shadows collide with people


(24/02/2004 - Warner Music Group - Guitariste des Red Hots ! - Genre : Rock)
Produit par John Frusciante

1- Carvel / 2- Omission / 3- Regret / 4- Ricky / 5- Second walk / 6- Every Person / 7- Negative 00 Ghost 27 / 8- Wednesday's song / 9- This Cold / 10- Failure33object / 11- Song to sing when I'm lonely / 12- Time goes back / 13- In relief / 14- Water / 15- Cut-out / 16- Chances / 17- 23 go in the end / 18- The Slaughter
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Le début de la période la plus prolifique et la plus intéressante de John Frusciante"
Maxime L, le 13/02/2020
( mots)

Nous avions laissé un John Frusciante en 2001 ragaillardi par sa cure de désintoxication, et surtout revigoré par la perspective de pouvoir mener de front 2 carrières diamétralement opposées mais nécessaires quant à son développement artistique et davantage encore pour sa santé mentale. Après le succès tellurique de Californication en 1999, c’est donc « To record only water for ten days », son troisième opus solo qui sort en 2001, avec un succès d’estime bien plus confidentiel. Mais Frusciante ne fait pas des disques solo pour battre des records de vente ; pour cela, son travail avec les Red Hot Chili Peppers lui suffit. Quasiment sans aucune promo, ses disques sont plus proches de l’auto-production qu’autre chose, et Frusciante ressent ce besoin de garder ce contrôle sur ses disques, des compositions à la pochette en passant par les arrangements.


2001-2004 est la période la plus prolifique pour le génial guitariste. Après son troisième album solo, Frusciante rejoint Kiedis, Flea et Chad Smith pour l’enregistrement et la sortie de By the way, album certes décrié par les fans, mais qui se vendra par palettes entières, grâce, entre autres à des singles où les rythmiques funk de Frusciante tapent très fort (« Can’t stop »). Entre-temps, en 2001, Frusciante part se ressourcer lors d’une de ses rares (si ce n'est la seule ?) tournées en solo, avec des concerts devenus mythiques à San Francisco, New York ou Amsterdam, seul avec une guitare sèche, et agrémentant ses sets de reprises de Depeche Mode, Black Sabbath, Bowie ou Elton John. Toutes ces prestations sont trouvables sur Youtube, dans une qualité plus que douteuse mais qui contribuent quelque part au mythe de cette quasi unique tournée solo. 


C’est aussi durant cette période qu’il va commencer à collaborer avec d’autres artistes qui partagent sa vision psychédélique et un peu bordélique de la musique. On le retrouve en 2003 sur le premier album des déjantés de The Mars Volta, De-loused In the Comatorium. S’il n’y fait que quelques lignes de guitare sans même en être crédité, il va se lier d’amitié avec Omar Rodriguez-Lopez, le guitariste du groupe, avec qui il partage la même créativité débordante et avec qui il enregistrera des dizaines d’heures de musique, via The Mars Volta ou les albums de Rodriguez-Lopez.


2004 arrive et Frusciante monte un nouveau projet avec 2 amis, Joe Lally (bassiste du groupe Fugazi) et Josh Klinghoffer, fidèle collaborateur de Frusciante et futur ex gratteux des Red Hot Chili Peppers. Ce projet, nommé « Ataxia » aboutira sur 2 albums expérimentaux, à ne surtout pas négliger, et dont le premier volet Automatic writing sortira cette même année 2004. 


La rencontre avec Klinghoffer, qui nous le verrons est déterminante, remonte à 1997, et Frusciante se retrouve complètement dans le jeune musicien, multi-instrumentiste, et qui baigne dans la musique depuis son plus jeune âge. C’est d’ailleurs assez savoureux de constater que l’histoire peut sembler se répéter (sans le côté tragique,fort heureusement) avec Klinghoffer, fidèle acolyte de Frusciante, plus jeune de 10 ans, et qui finira par le remplacer au sein des Red Hot, un peu comme Frusciante prenant la suite de son mentor Hillel Slovak en 1988.


A peine l’enregistrement et la parution du premier Ataxia bouclés (avec des ventes encore confidentielles), Frusciante retourne immédiatement en studio pour enregistrer donc ce Shadows collide with people, son (déjà) quatrième album solo.


Shadows collide with people est l’album du renouveau définitif pour Frusciante, et ce à plusieurs titres. 


Déjà, c'est la première fois qu’il réussit à s’entourer et qu’il ne s’enferme pas seul avec sa créativité. Outre Klinghoffer qui cosigne 2 titres, on retrouve Flea qui joue de la basse sur un morceau, Chad Smith derrière les fûts de toutes les chansons, et Omar Rodriguez-Lopez, qui participe également à quelques lignes de guitare.


Le fait de savoir s’entourer est une première, et c’est une franche réussite, déjà au niveau de l’ambiance générale du disque. Là où les disques précédents étaient des œuvres sinueuses et torturées, ce Shadows collide with people, dans sa grande majorité respire la sérénité et porte tous les signes d’un artiste « en vie ».


L’autre nouveauté, qui découle indubitablement de la première, c’est l’accessibilité du disque. Il fallait du temps, parfois du courage, voire une bonne dose de masochisme pour aller au bout des 3 albums précédents, ce Shadows collide with people après 1'30 d'intro bidouillée rentre dans le vif du sujet avec un "Carvel" aussi pop qu'immédiat. Ce qui détonne dans ce premier titre, outre sa fraîcheur, c'est surtout la capacité qu'a Frusciante a se « lâcher » vocalement. Il reste un chanteur techniquement limité, mais il semble réellement libéré, et ose se lancer dans des gros refrains très efficaces. On est très loin des cris de chats des premiers albums (et c’est tant mieux) et Carvel est une entrée en matière excellente qui ne nous donne qu'une seule envie : continuer à découvrir avidement ce disque. "Omission", est tout autant à la hauteur et constitue un des potentiels "singles" de l'album, avec une multitude de bonnes idées en moins de 5 minutes : le chant en espèce de canon partagé entre Frusciante et Klinghoffer, le pont très catchy avec toujours ce falsetto très caractéristique et une fin en roue libre, entre accélération du tempo et un solo de guitare qui est un des rares passages de l'oeuvre de Frusciante qui n'aurait pas dépareillé sur un album des Red Hot Chili Peppers. 


Sans rentrer dans le détail des 18 titres, qui serait un peu fastidieux, l'album se déroule avec une facilité déconcertante, et on est surtout rassuré par l'état de santé mentale de John Frusciante, il semble définitivement débarrassé de ses addictions, là où quelques morceaux de To record only water for ten days pouvait laisser entrevoir un homme encore fragile. A-t-il enfin fait le deuil de sa vie de junkie ? C'est en tout cas ce qu'il semble dire sur la très sobre et bien intitulée "Regret" avec pour seule phrase répétée tout au long du morceau "I regret my past, stay alone".


John Frusciante va bien, et c'est finalement un disque très enthousiaste, parfois très sucré, sans être pour autant indigeste. Entre la candeur d'une chanson comme "Ricky" et l’énergie rock très communicative de titres comme "Second Walk" ou "This Cold", John Frusciante nous fait complètement taper du pied, et ça c'est une putain de bonne nouvelle !


La production en nette amélioration y est sans doute pour beaucoup dans ce nouvel état d'esprit et cette impression de second souffle. Sur ses disques précédents, Frusciante avait travaillé seul, sans aucun regard extérieur et on sentait bien que c'était très artisanal, c'est même ce qui faisait parfois le sel de certains morceaux. Les ventes colossales de By the way y aidant certainement, Frusciante a bénéficié d'un budget plus conséquent pour l'enregistrement de ce disque ; même l'objet en lui même fait plus "fini", que ce soit l'artwork ou le livret, qui ressemblent enfin à un vrai album.


Au sujet du livret justement, c'est en l'ouvrant que l'on se rend compte de l'importance de Josh Klinghoffer dans le projet. Déjà, on retrouve son visage en photo, quasiment dans les mêmes proportions que Frusciante lui même. Ensuite, en jetant un œil aux crédits (passage en mode vieux con : quel pied et quelle mine d'informations que ces crédits dans les livrets des cd, chose hélas impossible avec la musique dématérialisée), il y a apparaît au même rang que Frusciante : " Josh Klinghoffer and John Frusciante : Vocals, Guitar, Bass, Synthesizers, keyboards and percussion". 


Est-ce réellement un album solo de Frusciante ou une vraie collaboration ? Il tranchera lui même de façon très officielle en expliquant qu’effectivement, ils avaient enregistré ensemble tout l'album, mais que 16 des 18 titres étaient signés de lui et que par conséquent, il semblait logique de sortir ces morceaux sous un album solo de John Frusciante.


L'autre "composition" signée des 4 mains de Frusciante et Klinghoffer est "Negative00Ghost27", sans nul doute la piste la plus oubliable du disque (a égalité avec "Failure33Object"), sortes de collages sonores sans aucun intérêt, ayant en plus la fâcheuse tendance à casser la dynamique du disque. Heureusement, elle est immédiatement suivie de la vraie pépite de l'album "Wednesday's song", absolument irrésistible. Sous ses airs de bluette faussement naïve se cache une vraie chanson "pop » au sens le plus noble du terme, où Cat Stevens rencontrerait les Bee Gees avec le sens de la mélodie d'un R.E.M ; admettez que le programme est alléchant.


C'est frais, truffé de bonnes trouvailles (les harmonies vocales, le piano à 2'00 entre autres) et mérite à elle seule l'écoute attentive du disque et s'écoute presque en miroir de l'autre joyau du disque "Song to sing when I'm lonely", pop song là encore absolument parfaite et qui mériterait d'être diffusée partout et tout le temps tant c'est pur, simple, lumineux et qui possède cette "couleur" typiquement "Frusciantesque" :  mélancolique sans être larmoyante, avec ce qu'il faut d'espérance pour continuer à avancer le sourire en coin et le cœur léger.


Si les disques précédents étaient des œuvres sombres, parfois automnales, faites le test d'écouter les deux titres pré-cités un matin de printemps ensoleillé, et vous en sortirez galvanisés par l’aura qui entoure ces chansons.


Vous l'aurez compris, c'est un vrai beau disque que l'on tient là, l'oeuvre d'un homme nouveau, apaisé, libéré et bien accompagné. Un album tantôt pop, tantôt rock, tantôt folk, et ça n'est heureusement toujours pas un album de guitariste qui se regarde jouer.


Bien sûr, le disque à ses défauts, quelques titres un peu trop expérimentaux et hors de propos sur l'ensemble, une longueur trop importante (plus d'une heure sur 18 morceaux), une production qui a un peu vieilli (le tambourin sur "Omission", les trémolos sur "Regret"), mais on a facilement 10-12 morceaux excellents, voire brillants. Un bonheur n'arrivant jamais seul, et conscient qu'une partie de ses fans aimaient le côté brut et acoustique de certaines chansons, John Frusciante mit à disposition gratuitement sur internet, une version de ce Shadows Collide with People entièrement acoustique, absente des plateformes de streaming, mais disponible ici.


Cette version est absolument admirable, d'aucuns diront qu’elle est supérieure à l'originale (je ne suis pas loin d'en faire partie, le passage en acoustique de "Wednesday's song" transformant le morceau en complainte déchirante est brillantissime) et une version qui se trouve en plus délestée des morceaux électro sans intérêt évoqués plus haut, preuve une nouvelle fois de la générosité d'un artiste presque au sommet de son art.


Pourquoi presque ? Parce qu'après la sortie de ce Shadows collide with people en avril 2004, John Frusciante annonce vouloir se lancer dans un pari à la démesure de sa créativité et de son talent : sortir 6 albums solo en 6 mois...

Commentaires
MaximeL, le 25/05/2020 à 11:44
Merci Kefran, beaucoup de fans préferent ma veesion acoustique. C’est mon cas aussi !
Kefran , le 23/05/2020 à 13:18
Album très agréable à écouter de part son côté accessible et immédiat. Il est vrai que l’album est un peu trop long et que les quelques pistes expérimentales comme Negative00Ghost27 casse complètement le rythme. J’irai jeter une oreille à cette fameuse version acoustique !
MaximeL, le 24/02/2020 à 11:58
Merci Benji pour votre commentaire. Je ne sais pas si c'est cet album qui a bénéficié du plus gros budget en terme de production (The Empyrean est peut être devant) mais en tout cas, Shadows Collide with People est en effet le premier de sa discographie a en bénéficié de façon très conséquente oui. Production qui a je trouve un peu vieilli, et je fais partie de ceux qui écoutent presque davantage sa version acoustique.
Benji, le 22/02/2020 à 04:55
Bonjour, Je tombe par pur hasard sur vos chroniques et c'est toujours un plaisir de lire des avis les œuvres de Frusciante. Étant un inconditionnel de sa discographie, je me permets de rajouter qu'au final cet album reste très à part en terme de production car c'est finalement celui qui a eu le plus de budget et qui a eu une production très prononcée (pop/accessible). Si je ne dis pas de bêtises, cette "sur" production a même engendré une certaine frustration chez John - d’où la nécessité de sortir les titres en versions acoustiques, plus raw forcément - qui est fondamentale pour comprendre la production des albums suivants ou il souhaitera une plus grande spontanéité (exemple : plus besoin de refaire 50 fois une prise..etc). En tout cas merci pour votre papier !
MaximeL, le 16/02/2020 à 12:12
Merci beaucoup Jimmy pour votre retour. Je ne sais pas si tous les 6 albums à venir seront abordés, mais tout ce que je peux dire, c'est que le meilleur reste à venir...
Jimmy, le 15/02/2020 à 18:12
Ah ! J'attendais avec impatience la suite des chroniques sur Frusciante. Merci pour cet article bien fourni en infos sur l'album, mais également sur les à-côtés. Un plaisir de vous lire (et de découvrir ces albums au rythme de vos parutions). Et bon courage pour les 6 albums d'un coup... héhé.