Gazpacho
Il aura fallu s’armer de patience pour voir débarquer Gazpacho et Pure Reason Revolution à Paris pour leur unique date dans l’hexagone. Initialement prévu le 24 octobre 2020, le concert aura été reporté par 3 fois, avant de pouvoir enfin avoir lieu le 16 avril 2022. Une date que les fans n’auraient raté sous aucun prétexte, tant les derniers albums des deux formations (tous deux sortis en 2020) se sont montrés d’un niveau exceptionnel : quand les Norvégiens de Gazpacho confirmaient encore une fois toute l’étendue de leur talent avec un onzième album (Fireworker) aussi hermétique que captivant, les Britanniques de Pure Reason Revolution effectuaient leur grand retour après 10 ans d’absence (le groupe s’étant reformé en 2019 autour de John Courtney et Chloë Arper) avec un Eupnea qui a pu se hisser parmi les meilleures réalisations de l’année.
Cette incroyable affiche (pour les amateurs de prog moderne) s’est déroulée au Petit Bain - une grande structure flottante amarrée sur les quais de Seine dans le 13ème arrondissement de Paris - bien connu pour son cadre atypique et pour la qualité de ses représentations. Programmer le concert durant le week-end de Pacques était un pari risqué, pourtant le public a répondu présent, attendant patiemment sur les quais par une magnifique journée ensoleillée… Il est 18h30, nous rentrons tranquillement et découvrons une salle qui, contre toute attente, offre une très belle superficie. Aucun doute, la soirée s’annonce bouillonnante !
Dans un coin de la salle, le stand merch arbore les T-shirts officiels de la tournée. On remarque avec amusement que certains d’entre eux sont floqués des années "2020" et "2021" barrées en rouge. A peine le temps de passer par le bar que Pure Reason Revolution fait son entrée sur scène avec "Silent Genesis", morceau idéal pour débuter cette soirée avec une belle montée en intensité. Le public semble conquis, ravi de retrouver la bande après toutes ces années. Certains auront sûrement remarqué l’absence de Chloë Arper. Engagée sur un autre projet, la chanteuse (mais aussi claviériste et bassiste) n’a malheureusement pas pu se joindre à la tournée, et se voit remplacée temporairement par Annicke Shireen (membre du groupe de folk expérimental Heilung). Même s’il est clair qu’on n’atteint pas le niveau des harmonies vocales du duo Courtney-Arper, la chanteuse se montre particulièrement convaincante, reprenant de manière énergique les différentes compositions du combo. On saluera également le retour de Greg Jong (guitariste de PRR de 2005 à 2011), celui-ci ayant réintégré la bande dans le cadre du futur album à paraître en mai 2022. Car oui, il est déjà question d’un nouvel album du côté des Anglais (à défaut de pouvoir défendre Eupnea sur scène, Courtney et Arper sont retournés immédiatement en studio), et c’est avec un plaisir certain que nous accueillons le nouveau single "Phantoms", qui enthousiasme la foule avec sa rythmique électronique. Le groupe enchaine ensuite avec plusieurs titres emblématiques issus de leur premier album (The Dark Third) : l’excellent "Apprentice of the Universe" ou encore le massif "The Bright Ambassadors of Morning" dont les longues boucles psychédéliques se montrent tout aussi captivantes en live. PRR impressionne par la qualité de son set, et fait encore monter la température de la salle de quelques degrés avec les guitares acérées de "Ghosts & Typhoons". Alors qu’on ne pensait pas avoir droit à des morceaux issus de l’album Amor Vincit Omnia (l’opus le plus inclassable dans la discographie des Anglais : le plus électronique, mais aussi le plus lumineux), voilà que les premières notes de l’imparable "Deus Ex Machina" retentissent pour le plus grand plaisir des amateurs de la bande. Un final en apothéose, qui se voit bonifié par un dernier rappel au son de "AVO" et de son refrain fédérateur.
Une première partie d’une telle qualité laisse complètement rêveur sur ce qui nous attend par la suite, et autant dire que nous n’avons pas été déçus. Après une courte pause permettant un nouveau détour par le bar, nous nous rapprochons de la scène tandis que la foule se densifie petit à petit. Les six Norvégiens prennent alors place dans la pénombre et débutent leur set par l’irrésistible "Fireworker", issu de l’album du même nom, qui prend ici une tout autre dimension. Le groupe propose un show à son image, à savoir délicat et raffiné. On est alors saisi par la légèreté d’un "Emperor Bespoke" (Soyuz), tout en étant captivé par la prestation du chanteur Jan-Henrik Ohme qui illumine par sa justesse et l’émotion qu’il véhicule. Le groupe semble ravi d’être là, et le fait clairement sentir au public. Nous enchainons avec un titre plus relevé ("Golem") issu de l’album March Of Ghosts - sûrement l’opus le plus accessible du groupe - qui se démarque avec sa rythmique tribale entrainante. La suite maintient ce niveau en reprenant tous les moments forts de la discographie des Norvégiens, renforcés par différentes projections vidéo en arrière-plan. Le point d’orgue arrive lors du titre "Upside Down" (Night) avec son somptueux solo de violon en clôture de morceau. Un moment d’osmose rare, apprécié dans un silence contemplatif. Il faut d’ailleurs saluer la prestation du guitariste/violoniste Mikael Krømer, ce dernier navigant avec brio entre ses différents instruments à cordes. Alors que l’on se rapproche de la fin du spectacle, le chanteur nous fait part avec humour des difficultés rencontrées pour définir une setlist quand on est un groupe de progressif. Une bonne manière d'introduire le titre "Sapien" qui culmine du long de ses 15 minutes. Quinze minutes qui passent finalement extrêmement vite, signe encore une fois de la capacité de Gazpacho à nous transporter hors du temps. Bien sûr, la bande avait prévu quelques "titres rappel" afin de prolonger un peu plus cette magnifique soirée ("Vera" et "Winter Is Never").
Nous ressortons de la salle l’esprit chargé d’images et de mélodies inoubliables, bien conscients d’avoir assisté à un concert de haute volée. Le rendez-vous est pris pour une prochaine tournée, en espérant cette fois-ci que l’attente sera moins longue.
Setlist :
Pure Reason Revolution :
- Silent Genesis
- Phamtoms
- Apprentice of the Universe
- The Bright Ambassadors of Morning
- Arrival / The Intention Craft
- Bullitts Dominæ
- Ghosts & Typhoons
- Deus Ex Machina
Rappel :
- AVO
Gazpacho :
- Fireworker
- Emperor Bespoke
- Golem
- I've Been Walking (Part 2)
- Clockwork
- Hell Freezes Over I
- Upside Down
- Black Lily
- Tick Tock, Part 3
- Sapien
Rappel :
- Vera
- Winter Is Never