Contrairement à ce que l’on pense, le rédacteur (la rédactrice) rock n’est pas, même s’il (elle) aime entretenir cette légende, un être mystérieux et omniscient qui ne s’abreuve que de la musique du Diable. Derrière la collection officielle de disques qui occupe les étagères du salon, il y a un "Enfer", cette alcôve où sont cachées des œuvres épouvantables et "interdites". Ces musiques maudites doivent rester à l’abri du regard et de l’ouïe car elles pourraient dévaster la réputation de leur propriétaire auprès de ses pairs ou de ses lecteurs et lectrices. Les albums de l’Enfer ne sont écoutés que dans le plus grand secret (tentures fermées, éclairage tamisé et, évidemment, casque sur les oreilles).
Heavy Rotation dévoile les trois titres qui ont été réellement écoutés en boucle par les membres de la rédaction durant ces derniers jours. Alors, bienvenue au Paradis ou bienvenue en Enfer ?
Daniel
The Bowstrings – "Find A Way". Croyez-le ou non, mais ce duo trouve ses racines dans le bitume de la Route 66. Pas la 66 d’Amérique. Non, la 66 d’Alsace ! Celle qui traversait naguère la région pour tracer jusque Bâle. Il est difficile de savoir si The Bowtrings fuient ou poursuivent quelque chose. Mais le récit de leurs errances est absolument magnifique…
Ry Cooder – "Paris, Texas". Pour rester dans l’ambiance du vagabondage (physique ou mental) sans vraiment changer de route (seulement de continent) … Quelques notes. Un paysage définitivement plombé par la moiteur qui fait que chaque vibration inspirée de la slide-guitar enlumine les images de Wenders.
Ronnie James Dio – "And The Fools Sail Away". A force de penser au voyage, l’on s'en remet souvent à Dio qui savait si joliment écrire en utilisant l’encre des contrastes. "Ils te disent à quel point tu es magnifique. Ils te promettent que leur porte te sera toujours ouverte. Mais les portes sont définitivement closes pour les enfants qui n’ont pas été exposés au péché…" Une semaine pour méditer là-dessus…
François
Fleetwood Mac - "Sister of the Moon". Moins mémorable que que son auguste prédécesseur, Tusk possède tout de même quelques arguments de poids dont cet excellent titre aussi doux que puissant.
Riot City - "Severed Ties". Preuve que même dans la très balisée scène Heavy revival, il peut y avoir de nouveaux chefs-d'œuvre (et quel chant !).
Gojira - "Backbone". Encore eux ? Evidemment.
Maxime L
Radiohead - "Reckoner". Si In Rainbows n'est pas mon album préféré des Anglais, il comporte pourtant certaines de mes compos favorites du groupe. À commencer par ce "Reckoner", qui s'il comporte la patte Radiohead immédiatement identifiable, se trouve être inspiré par le jeu de guitare d'un certain...John Frusciante.
Blondshell & Bully - "Docket" : Je vous ai parlé de Blondshell ? Oui, un peu. En revanche, on ne vous pas a sans doute pas assez parlé de Bully, dont l'album Lucky For You vaut le détour. Les 2 américaines se retrouvent, le temps d'un single pour un morceau qui sent bon l'indie-rock Nineties, dans la droite lignée du meilleur album de 2023.
Khruangbin & Leon Bridges - "Texas Sun" : En voilà une alliance qui fait des merveilles. La pureté du son de Khruangbin, dont le style est aussi difficile à définir que la place du H dans son nom, ajoutée à la beauté du timbre Soul de Leon Bridges. L'EP est brillant, et ce "Texas Sun" en est la plus belle pièce, avec en prime, le meilleur son de caisse claire entendu depuis bien longtemps.
Diego
Local Natives - "April" : le quintet californien rejoint donc le club de plus en plus nombreux des artistes proposant deux albums à seulement quelques mois d'intervalle. But I Will Wait For You répondra donc prochainement à Time Will Wait For No One, sorti l'été dernier. Le premier aperçu, au travers du bien nommé "April", est toujours aussi lumineux.
LCD Soundsystem - "All My Friends" : quelque part entre le Krautrock et "Baba O'Riley", cet hymne de la secte vouée à James Murphy est la parfaite alchimie entre tempo soutenu, riff répétitif et nostalgie de boomer. Un titre monumental et éternel.
This Is The Kit - "More Change" : ne cherchez plus votre bande originale de début de soirée d'un dimanche teinté des couleurs du printemps.
Valentin
Marvin Gaye - "Mercy Mercy Me (The Ecology)". Le charisme naturel, évident de Marvin Gaye sur ce qui deviendra l’un des meilleurs singles soul de tous les temps arrive presque à nous distraire de ses préoccupations écologiques, vieilles de plus de cinquante ans mais pourtant encore dramatiquement réalistes.
yeule - "softscars". Un hommage agressif au rock alternatif 90’s sur cet extrait du dernier opus de yeule, mais parfaitement recontextualisé dans l’univers macabre et romantique de l’artiste.
toe - "two moons". Entre math rock et post-rock, "two moons" dévoile tout le talent du groupe japonais toe pour insuffler leurs textures mélancoliques de schémas mélodiques généreux et de rythmes téméraires.
