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Critique d'album

The Virgins


The Virgins


(23/02/2009 - Atlantic/Warner - pop rock - Genre : Pop Rock)
Produit par

1- She's Expensive / 2- One Week Of Danger / 3- Rich Girls / 4- Teen Lovers / 5- Fernando Pando / 6- Murder / 7- Hey Hey Girl / 8- Private Affair / 9- Radio Christiane / 10- Love Is Colder Than Death
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"La sensation pop-punk-funk de l'hiver dernier à (re)découvrir instamment cet été"
Maxime, le 17/08/2009
( mots)

La scène se passe au printemps dernier, lors de ces longues nuits solitaires où le chroniqueur abat péniblement sa besogne, la fumée de sa cigarette s’évanouissant en de brumeuses volutes vers les moulures de son appartement désolé, la stéréo crachant le disque pour lequel quelque obscure force lui a demandé son Saint Avis, la télévision mise en sourdine sur une chaîne musicale quelconque afin qu’il puisse cueillir une image de-ci de-là lorsque son labeur lui fatigue trop intensément les rétines. Son regard fut arrêté par les yeux. Ceux, cerclés de noir comme deux astres emmêlés en une ténébreuse éclipse, d’une sublime créature, vierge madone rock’n’roll venue le délivrer de ses pêchés, coincée entre une vidéo de r’n’b sirupeux et la pitoyable performance d’un chanteur français déclamant une prose pataude et convenue, propre à n’émouvoir qu’une âme simple, ignorante des cruels tourments qu’engendrent l’amour. Le clip montre une jeune femme pénétrant dans un bar grimaçant sous les néons blafards, le genre de bouge tapi dans les entrailles de Soho ou du Queens que Scorsese sait si bien filmer. Elle prend à partie un client accoudé au bar, s’assoit sur le long comptoir en bois, puis lui déverse le contenu de sa pinte de bière sur le visage, tout en lui dévoilant les divines courbes de sa cuisse. La scène se poursuit en backstage ou au sous-sol de l’établissement, où elle se livre à un strip-tease suave, embrasant les regards d’un groupe de rock se produisant au même moment. La sublime apparition repart bien vite, aussi abruptement qu’elle venue, et reprend ses déambulations esseulées, probablement à la recherche d’autres mâles à troubler. Le tout n’a duré que trois minutes. En bas de l’écran luisent ces mots : The Virgins – "Rich Girls".

Dans la poitrine du chroniqueur, c’est une déflagration. C’est la possibilité d’un infini rédempteur qui s’abat en trombes dans les tréfonds de son corps miséreux, secouant les gonds de son cœur sec en d’abyssales commotions. Une partie de son être s’effondre devant l’arabesque parfaite de ses lèvres, l’ovale de ses joues qui trahissent la beauté profane d’une femme encore enfant, ses yeux de chat que l’on n'oserait soutenir du regard de peur de les souiller, l’élancement d’un corps céleste d’où brillent sur le continent duveteux de son torse l’affolante prunelle de ses seins. Qui est cette rich girl ? D’où vient-elle ? Où va-t-elle ? Dans quels bras va-t-elle enfouir ses tourments, ses espoirs et l'intimité de ses secrets ? Le chroniqueur n’est plus qu’un amas de chair pantelante, un sac difforme où flottent en de bourbeux remous ses sentiments flasques. Cette femme sera son obsession, son impossible issue. Nuit et jour, il traque sur les canaux hier honnis l’enchanteresse apparition afin de baigner son regard misérable dans les eaux laiteuses de son visage poupin, prostré, honteux devant la douce chaleur irradiante de son sourire mutin. Il est, semblable au héros renfrogné des Sous-sols de Dostoïevski, une petite chose ruminant dans son isolement ses turpitudes, en quête de rédemption devant l’absolu féminin. Il songe à Piskariov, l’un des deux héros de "La perspective Nevsky", ce sublime récit tiré des Nouvelles de St-Pétersbourg de Gogol, dans lequel un jeune peintre naïf s’amourache d’une brune créature qu’il croise lors de ses promenades. Exacerbé par les sentiments, il se met à accrocher ses pas dans les siens, la guettant à chaque coin de rue, fantasmant l’existence de sa promise qu’il ne peut imaginer que vivant au milieu d’un luxueux intérieur bourgeois. Il la suit jusqu’à son appartement, ouvre la porte. Il atterrit dans un bordel. L’objet de ses désirs l’accueille. Sa bouche angélique vomit un langage de charretier. Terrifié, Piskariov sombre dans la folie.

Ce thème de la femme, à la fois déesse et putain, et de la torpeur révérencieuse qu’elle suscite chez les hommes qui la convoitent, est très bien repris dans le clip. Sans jouer au psychanalyste à deux balles, il est évident que le désir y est évoqué sur le plan de la castration. Seul personnage féminin du métrage, la rich girl est déterminée, prédatrice, entreprenante. Les hommes ne sont qu’une masse informe, le cul vissé sur le canapé, s’abandonnant à la débauche rock’n’roll, mais se gardant bien d’aborder la demoiselle de front. Elle seule mène les débats. On assiste ainsi à un inversement face à l’ordre traditionnel qui veut que ce soit l’homme qui prenne les devants. Logiquement, la rich girl possède tous les attributs phalliques, que soit la cigarette qu’elle arrache à un musicien, la barre contre laquelle elle danse, la bouteille de vodka avec laquelle elle asperge les membres du groupe. Le plan est explicite : elle tient la bouteille au niveau de son aine, mimant ainsi la jouissance du sexe masculin. C’est elle qui impose sa libido en d’éjaculatoires gerbes alcoolisées.

La fièvre analytique du chroniqueur se double d’une soif infinie de connaissances sur l’identité de la rich girl. Une poignée de clics fiévreux sur Google le conduit bientôt sur les photos de tournage du clip. On a manifestement proposé à la demoiselle un déjeuner à base de falafels. Un nom apparaît. Behati Prinsloo. Un océan entier d’ignorance disparaît alors. Le chroniqueur va bientôt tout savoir de l’objet de ses émois nocturnes. Behati Prinsloo est un top model de 20 ans originaire de Namibie, Afrique du Sud. Découverte dans un supermarché de Cape Town à 16 ans, elle se lance dans le mannequinat au sein de l’agence Storm Model. L’impressionnant nombre de couvertures de magazines qu’elle tient à son actif prouve qu’elle est promise à une jolie carrière dans le métier. Une vidéo sur You Tube montre la demoiselle s’amuser dans sa chambre d’hotel avec son amie Coco Rocha au son de "My Hair Looks Fierce" d’Amanda Lepore. D’autres vidéos dévoilent des bribes d’interviews. Et c’est la douche froide. La créature tant fantasmée disparaît sous les traits anecdotiques d’une espèce de Kate Moss juvénile. Son regard n’a plus l’incandescence du clip. Son corps soyeux sublimé par la pénombre de la vidéo ne ressemble plus qu’à l'enveloppe brindilleuse et standardisée d’un mannequin anorexique. Semblable à Piscariov, le chroniqueur est abattu par le torrent de banalités que déversent ses lèvres. Tout indique que le degré de surchauffe de son cerveau ne doit pas excéder la température anale d’un cadavre de blatte. Tant de nuits passées à exacerber pour rien ses désirs de soumission devant l’image de la beauté absolue strie son esprit de violentes écorchures qui ne pourront que suppurer avec le temps. La désillusion est atroce dans son effarante crudité. Tout cela n’était qu’un clip lambda où un groupe roublard utilisait la présence d’une jolie fille (finalement pas si jolie que ça) pour appâter le téléspectateur. Le chroniqueur est tombé dans le panneau avec la même ardeur désolante que le dernier des puceaux pré-pubères.

Ce brutal retour à la réalité pousse le chroniqueur à monter le volume de sa télévision lors d’un nouveau passage du clip, chose qui ne lui était jamais venue à l’esprit auparavant. Peut-être est-ce dû à un état de décomposition libidinale avancé qui lui aurait anesthésié tout sens critique, mais il trouve ça bon, franchement pas mal, même. Le titre est articulé autour d’une basse ronflante et dansante, la batterie pulse en un martèlement entraînant, comme du disco raffermi à l’exercice du punk-funk, la mélodie est bien fichue, portée par un chant goguenard qui trahit dans ses respirations avec une touchante lucidité les limites de son pouvoir d’attraction. La prise de contact est suffisamment engageante pour que le chroniqueur achète le disque, avec la promesse de disposer du clip de "Rich Girls" sur piste CD-Rom en haute définition, et ainsi dire adieu aux images pixélisées de You Tube. Le chroniqueur l’a donc jugé sur pièce de toute sa subjectivité : The Virgins est un groupe hautement sympathique. Dégaine de branleurs new-yorkais encore plus négligés et cools que les Strokes, titres efficaces dès leur premier enfournement dans le canal auditif, album concis (à peine une demi-heure), voilà un quartet qui ne promet pas plus qu’il ne donne, à savoir 10 titres de pop-rock rythmés, acidulés, destinés à l'usage immédiat. On y trouve des singles imparables ("Teen Lovers", "Private Affair", "One Week Of Danger"), des morceaux aux guitares débraillées où la voix nonchalante de Donald Cumming fait merveille ("Fernando Pando", "Radio Christine"). Quelle meilleure preuve du pouvoir œcuménique de l’œuvre de Michael Jackson peut-on donner que ce "Murder" dont le groove syncopé renvoie directement à "Thriller" ou "Wanna Be Startin' Something" ? Dans le genre album de l’été, The Virgins se pose là, à déguster sans arrière-pensées et promesses de lendemain sous la chaleur estivale. Exactement le genre de friandise qui excite les papilles et lasse le palais au bout de deux tours dans la bouche et que l’on balance, à l’image de la pochette, d’un geste blasé sur le trottoir comme un vieux chewing-gum mâchouillé. Un plaisir aussi sucré qu’amer qui illumine brièvement l’existence telle une vision subliminale d’un paradis trop beau pour être vrai. Comme le visage de Behati Prinsloo dans le clip de "Rich Girls".

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