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Critique d'album

The Rolling Stones


Goats Head Soup


(31/08/1973 - Rolling Stones - - Genre : Rock)
Produit par

1- Dancing With Mr. D / 2- 100 Years Ago / 3- Coming Down Again / 4- Doo Doo Doo Doo Doo (Heartbreaker) / 5- Angie / 6- Silver Train / 7- Hide Your Love / 8- Winter / 9- Can You Hear the Music / 10- Star Star
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Sans amour dans nos âmes et sans un sou au fond de nos poches, on ne peut pas dire que nous étions heureux – Jagger / Richard(s)"
Daniel, le 18/03/2023
( mots)

Mise en abyme

Fin du mois d’août 1973. Les vacances scolaires touchent à leur fin. Il pleuvine et j’ai un peu le blues. Quelqu’un sonne à la porte. C’est un de mes meilleurs potes. Alain est le "passeur" qui m’a enseigné patiemment le rock. Particulièrement The Rolling Stones qu’il vénère avec un souci presque maladif du détail. Alain vient de se farcir quinze kilomètres de route abrupte à vélo, en pédalant "à la hollandaise", assis sur la selle et les pieds bien à plat. Le Sturmey Archer de sa bécane urbaine ne compte que trois vitesses. Mon ami est hors d’haleine. Et fou de rage. Il balance un objet sur le sol : "Ils ont trahi !" Puis il s’en va.

Par terre, il ne subsiste de cette brève visite que le nouveau single des Rolling Stones (pressé en France - référence WEA RS 19 105) dont la pochette cartonnée a été écornée par son vol plané. "Angie" en face A. "Silver Train" en face B. Il s’agit d’une édition spéciale pour la Belgique : au verso, deux concerts sont annoncés, le 15 octobre à Anvers et le 17 octobre à Bruxelles. Le concert de la capitale sera complété par le mythique "concert français" réservé aux fans de l’Hexagone.

La pochette annonce également la prochaine parution de l’album Goats Head Soup… Damnation, une soupe de tête de bouc… Marqueur satanique…

Je pose le 45 tours sur ma platine Lenco et je comprends la "trahison". La Face A est "populaire". Elle renvoie à la variété. Ce n’est plus du rock. Dorénavant, les Rolling Stones vont hanter tout autant les radios généralistes (1) que les rares émissions nocturnes qui sont destinées aux petits rockers. Mon pote n’achètera plus jamais un disque des Anglais. Il se contentera de me demander de temps à autre : "T’as écouté leur dernière merde ?" Et je répondrai toujours : "Pas mal… " Ce qui reste vrai. Aujourd’hui encore… (2)

Retour aux affaires

Un demi-siècle s’est écoulé depuis la sortie de Goats Head Soup et la question fondamentale reste posée : s’agit-il du dernier "bon album" des Stones ou du premier "mauvais album" des Stones ?

En fait, cette question est mal posée parce que le premier "mauvais album" des Stones est déjà sorti. En 1972. Exile On Main Street a marqué la séparation physique et musicale du couple Jagger / Richard(s). Enregistré dans la confusion, et étrange incarnation rock du Syndrome de Diogène, le double album est un foutoir calamiteux.

Par conséquent, si Goat’s Head Soup avait été enregistré avant Exile On Main Street, il aurait été l’album parfait pour conclure la période dorée des Anglais.

Le problème est qu’en 1973, le quintet ne se trouve plus sur le toit du monde ; il n’y a plus de réelle corrélation entre la qualité de sa musique et son statut. Les Rolling Stones sont définitivement débordés par une génération affamée de jeunes loups irrespectueux aux dents acérées.

Au début des seventies, les petits rockers ne sont pas encore ces conservateurs qui sacrifient leurs économies pour un Meet & Greet avec les icônes moribondes d’un cover-band. Un slogan gronde dans les écoles : "On se fout des Stones, donnez-nous Led Zeppelin !" Et, en octobre 1973, après les concerts belgo-français de la tournée, Pierre Vermandel (alias Piero Kenroll, l’inventeur du métier de rock critic en Belgique) tirera un trait sur le sujet en écrivant des mots cruels : "Après dix ans de carrière, les Stones ont vieilli. Pour le moment assez mal. Vont-ils devenir des vieillards qui refusent de reconnaître leur âge ?"  (3)

A la réécoute, Goats Head Soup – qui fait partie des préférés de Mick Jagger – est clairement un album culte qui pourrait figurer sur le podium stonien, juste après Beggar’s Banquet et Let It Bleed. Dans les eaux de Sticky Fingers, histoire de situer le contexte.

Comme Keith Richard(s) est poursuivi par les polices de la plupart des pays occidentaux (à l’exception de la Suisse), c’est en Jamaïque que le groupe pose ses valises. Le studio Dynamic Sound est réservé sous le nom de code Muddy Waters. Bill Wyman est resté au pays. Il ne sera crédité que sur trois titres ("Angie", "Winter" et "Star Star"). Les autres lignes de basse seront essentiellement partagées entre Keith Richard(s) et Mick Taylor, ce qui modifie forcément les fondamentaux ; le jeu des deux guitaristes reste plus "générique" et l’on ne retrouve pas vraiment l’osmose habituelle entre la basse et la batterie de l’exceptionnel Charlie Watts.

L’enregistrement sera bouclé en quelques semaines au tournant des années 1972 – 1973, tout le monde étant prié de s’impliquer et de s’appliquer. A la limite de la discipline militaire. C’est probablement pour cette raison que Goats Head Soup forme un tout cohérent et inspiré, ce qui en fait, malgré l’absence du bassiste, la dernière œuvre collective des Rolling Stones. Les albums suivants tiendront plus du patchwork, même si une unité de façade sera préservée par la signature conjointe Jagger / Richard(s) de toutes les compositions…

Le seul défaut de l’album est également sa principale qualité : son titre-phare – le clivant "Angie" (4) qui occupera longtemps les sommets des charts mondiaux – écrase toute concurrence et occulte l’excellence des autres compositions.

L’histoire a donné raison aux Rolling Stones : "Angie" fait aujourd’hui partie de l’inconscient rock collectif. C’est également devenu un B-A BA de la guitare acoustique en trois accords mineurs (et en mode "drague à deux balles"). Et ça restera à jamais la plus délicieuse ballade des Anglais, même si d’aucuns lui préfèrent la plus virile "Wild Horses" sur Sticky Fingers.

Pour autant que l’on excepte l’aspect très générique de  "Can You Hear The Music" (et que l’on accepte l’amertume générale du propos), Goats Head Soup, superbement produit par Jimmy Miller, ne compte que des titres frôlant la perfection, entre démonstrations musclées et très convaincantes – "Dancing With Mister D", "DooDooDooDooDoo (Heartbreaker)" ou "Star Star" (5) –, archétypes bluesy ("Silver Train") ou purs moments de paix ("Winter").

En contrepoint de Keith Richard(s) qui déroule ses gammes favorites, Mick Taylor se montre particulièrement sublime dans son rôle d’enlumineur, démontrant à qui en douterait encore que, sans jamais être vraiment un Rolling Stone, il aura été le meilleur six-cordiste de studio de la longue histoire du groupe.  

L’album terminé, il faut lui trouver un costume. A l’origine, l’emblématique tête de bouc marinant dans son diabolique bouillon de légumes aux vertus aphrodisiaques devait figurer sur la pochette du vinyle. Mais la firme de disques refuse le concept. Une séance de shooting est organisée en catastrophe avec David Bailey (6) et c’est l’horrible trombine de Mick Jagger, en mode Katherine Hepburn fofolle sur fond pisseux (7), qui décroche la timbale.

Même si on aime les livres, il faut admettre que leurs pages sont faites pour être tournées. Les dernières notes de Goats Head Soup marquent la fin de la période "classique" d’un des plus grands groupes de l’histoire du rock.

That’s All, Folks !


(1) Aux côtés de Sheila & Ringo, Michel Sardou, Drupi, Mike Brant, … Et puis Julien Clerc. Effectivement, ça fait pleurer le Bon Dieu (La-La)…

(2) Alain pensait que le disque s’était brisé dans sa chute. Je ne lui ai jamais avoué qu’il était resté intact et qu’il figure toujours en bonne place dans ma collection. Ca, c’est fait.

(3) – En 1973, Mick Jagger a trente ans. Paradoxe temporel : en 2023, Mick Jagger a toujours trente ans et les vieux fans attendent un nouvel album avec intérêt…

(4) Personne ne sait vraiment qui est Angie. Ou, pour mieux formuler le propos, tout le monde sait qui est Angie mais ce n’est jamais la même personne. Selon Keith (qui, en ce qui me concerne, assume clairement la paternité de la mélodie), il s’agirait de sa propre fille, Dandelion Angela (née en 1972). "Angela" aurait été ajouté par les sage-femmes de la maternité parce que Dandelion n’était pas un prénom chrétien. Il est cependant évident qu’un texte qui parle de désespérance relationnelle en des termes explicites ne peut être inspiré par une enfant de quelques mois. Mick aurait expliqué que "Angie" parlait de la fin de sa relation avec Marianne Faithfull. Ou avec Angie Dickinson. Ou avec Andy Warhol. Admettons. Une rumeur insistante a circulé selon laquelle Mick aurait dédié le titre à Angela Bowie, la femme de David, pour se faire pardonner du traumatisme vécu par la demoiselle qui avait surpris les deux hommes au lit. Mais la théorie la plus amusante serait que le titre concerne l’héroïne dont Keith Richard(s) essayait vainement de se détacher. En ce sens, le texte devient cohérent de bout en bout.

(5) Originellement "Starfucker" (puis "Star***"), le titre (musicalement emprunté à Chuck Berry) évoque explicitement Carly Simon. Mick Jagger – qui avait pourtant prêté sa voix au titre "You’re So Vain" – semble ici régler inélégamment ses comptes avec la demoiselle qui papillonne entre New-York et Hollywood.

(6) – David Bailey a révolutionné l’iconographie de la mode en mettant en valeur les modèles plutôt que leurs vêtements. Son ami Mick Jagger a été témoin de son mariage avec Catherine Deneuve sur laquelle Bailey avait jeté son dévolu tout en estimant qu’elle était trop petite et trop grosse. Fin de la parenthèse sexiste et "Jet Set" …

(7) – Les hypermnésiques auront remarqué que cette couleur est la même que celle que l’on retrouve sur les murs du WC répugnant qui illustrait Beggar’s Banquet

Commentaires
DanielAR, le 31/10/2023 à 11:09
Je suis plus âgé que le groupe et j'étais fidèlement "là" à chaque sortie d'album. Mais je ne prétends absolument pas connaître les Stones. Un peu Ron Wood parce que je suis en contact avec lui (de très loin) car j'aime bien ce qu'il fait comme illustrateur et que je suis collectionneur d’œuvres dédicacées. Ceci dit, je n'ai jamais dit que "Exile" était un mauvais album. J'ai écrit qu'il "avait été enregistré dans la confusion, et que c'est un étrange incarnation rock du Syndrome de Diogène". Je ne pense pas qu'il y ait un mot "injurieux" dans mes termes que je revendique. Sur le site Albumrock, j'ai par ailleurs également rédigé la chronique (assez détaillée) de la genèse de ce double opus que j'ai crédité de trois étoiles et demi (soit "très bon album"). Mais c'est loin d'être celui que j'écoute le plus souvent. Là-dessus, je file me réentendre "Hackney Diamonds" !
Giono, le 31/10/2023 à 07:48
Dire que Exile On Main Street est un mauvais album te rend illisible. Connais-tu vraiment les Stones.