
Nemo
Le Ver dans le Fruit
Produit par
1- Stipant Luporum / 2- Trojan (Le Ver Dans Le Fruit) / 3- Milgram, 1960 / 4- Verset Xv / 5- Un Pied Dans La Tombe / 6- Neuro-Market / 7- Le Fruit De La Peur / 8- A La Une / 9- Triste Fable / 10- Allah Deus / 11- Opium / 12- Arma Diania


Exercice incontournable dans le rock en général, et dans les musiques progressives en particulier, le double-album est toujours une expérience périlleuse. Le risque est bien celui d’en faire trop, de bavarder, de se perdre dans le remplissage. Ne vous inquiétez pas, Nemo relève le défi sans anicroche ou du moins, sans qu’on ne s’ennuie un seconde au fil de l’album. Au contraire même, tout s’enchaîne avec grâce, de l’introduction monacale au final grandiose. Cela grâce à des titres cohérents et bien composés, qui ne s’étendent pas abusivement (jamais plus de dix minutes) à une exception près (et quelle exception ! on y reviendra). Le tout est servi par une pochette sublime aux couleurs luxuriantes, et par des textes toujours aussi peu optimistes sur la condition humaine, soumise à la fabrique du consentement voire à la manipulation de masse.
Nemo est un groupe de rock progressif, attendez-vous donc à des morceaux plus ou moins alambiqués dans leur construction avec des démonstrations techniques impressionnantes. Le côté très électrique et metallique est exacerbé sur certains titres, et ce d’ailleurs dès le magnifique "Trojan (Le Ver dans le Fruit)" qui navigue entre riff et groove purplien Mark VIII et moments plus incisifs et virtuoses à la Dream Theater. Toujours entre deux eaux et avec un souci mélodique indéniable, Nemo propose des compositions accrocheuses, contrastées, et surprenantes.
Les changements d’ambiance au sein de l’opus permettent aussi d’être maintenu à flot tout au long de l’écoute : on passe du très groove "Milgram", où guitare et claviers dialoguent avec brio, sur une palette sonore variée, au plus atmosphérique "Verset XV" qui dispense des lignes instrumentales tout en douceur dont un solo mémorable (et un très bon duel croisé basse-guitare en guise de pont avant un final en crescendo, imparable). L’économie interne du Ver dans le Fruit est d’ailleurs pensée pour alterner des titres plus musclés avec d’autres plus doux (l’efficace "Neuro-Market" puis le plus progressif et mélancolique "Le Fruit de la Peur").
En outre, une belle pièce doit être mise en avant, "Triste Fable", non seulement pour ses qualités mélodiques et harmoniques, mais également pour son clin-d’œil à l’esthétique de la scène française de rock progressif des années 1970 par un passage narré.
Et il y a la fresque finale, l’exceptionnel "Arma Diania", un des titres parmi les plus réussis de leur carrière. L’introduction calme lance une montée inexorable vers un riff endiablé, la batterie maintenant une cadence infernale, tandis que les claviers installent une atmosphère sidérale. A des plans de guitare très lourds répondent des passages chantés beaucoup plus doux et épiques. Nemo pousse également à son paroxysme ses digressions celtisantes dans la deuxième partie du morceau : d’abord par un pont rythmiquement syncopé, puis avec des mélodies typiquement folkloriques. Sans oublier les multiples passages instrumentaux très variés qui donnent une densité importante au titre, magistralement organisée pour que tout s’enchaîne sans accrocs.
Le Ver dans le Fruit est un des meilleurs albums du groupe, qui saura séduire l’auditeur le plus exigeant comme le néophyte. S’il fallait encore le démontrer, la capacité du groupe à produire un double-album sans tomber dans les affres de l’exercice confirme la qualité musicale de Nemo, formation essentielle de la scène hexagonale.