Mother Mother

Après le rock métallique méconnu des bourrins bien coiffés Billy Talent, c'est au tour de la musique de Mother Mother de passer totalement inaperçue en France : certains échos canadiens nous parviennent mal. Et pourtant, O My Heart, deuxième album de Mother Mother, a été réédité en France en 2010, alors pourquoi ce silence ? "Il y a tellement de choses qui sont mises sur le marché chaque mois, vous savez" me direz-vous. Certes, mais des choses aussi excellentes que cet album à la pochette qui sent le poisson pourri, ça ne court pas les étagères.

En premier lieu, il serait effectivement facile de rapprocher Mother Mother de Billy Talent, notamment en écoutant le single "O my heart" et en se disant "Oh, des canadiens !". Cette façon d'enchaîner les riffs et d'envoyer sa voix au loin avec énergie n'est pas sans rappeler les compositions de Billy Talent, il est vrai. Mais la comparaison s'arrête là, car une simple écoute d'O My Heart suffit à révéler une douceur certaine, une subtilité et un côté beaucoup plus pop que ce que le single annonçait. Single qui, il faut le préciser, est d'excellente facture, et dont le rythme hypnotique et les voix emmêlées à la perfection vous feront osciller du bassin à travers la pièce.

Les douze titres de l'album sont si variés que leur écoute ne laissera pas l'auditeur se lasser. Ainsi, des titres comme "Try to change" et le magnifique "Ghosting" étonneront par leur délicatesse et leur ambiance mélancolique au milieu de petites bombes pop/rock bourrées d'énergie comme cette étrange comptine tribale "Hayloft" aux paroles surprenante déclamées par des voix aiguës : "My daddy's got a gun, you'd better run". Certaines autres subtilités participent de l'originalité et de la diversité de l'album, comme l'ouverture de "Wrecking Ball" au banjo, le piano sur "Miles", les accompagnements de "Body" au violon, mais surtout, surtout, les voix. Véritable instrument chez Mother Mother, elles sont un pur délice, à commencer par celle, tantôt énergique et puissante, tantôt douce et féminine de Ryan Guldemond. Seule ou accompagnée par celles des autres musiciens, elle passe parfois le relais à celles, particulières, de Molly et de Jasmin, et ces changements peuvent s'opérer au sein d'une même chanson, comme une chorale qui aurait sacrément bien préparé ses variations.

L'ensemble de ces douze titres est au final particulièrement frais, s'échappant de la lignée classique des autres productions de pop/rock grâce à son énergie maîtrisée et sa subtile originalité. Jouissifs par moments, agréables par d'autres, les instants passés en compagnie de Mother Mother vaudront en tout cas largement le coup qu'on se procure cet album, qui, finalement, ne sent pas du tout le poisson pourri. Au contraire.