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Critique d'album

Midwife & Vyva Melinkolya


Orbweaving


(12/05/2023 - The Flenser - Slowcore/Shoegaze/Dream Pop - Genre : Rock)
Produit par Ed Brooks

1- Miss America / 2- Hounds of Heaven / 3- NMP / 4- Plague X / 5- Orbweaving
Note de 3/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Les vrais miracles font peu de bruit"
Valentin, le 22/05/2023
( mots)

Orbweaving a été enregistré dans le petit home-studio de Madeline Johnston (Midwife) sous la chaleur aride du désert de Chihuahua. La néo-mexicaine et Angel Diaz (Vyva Melinkolya) évoluaient jusque-là séparément autour des sons éthérés du shoegaze et se sont rapprochées en 2020 malgré l’immobilité de la pandémie, pour se rejoindre physiquement dans la touffeur de l’été suivant. Jusqu’à présent, Midwife dictait sévèrement les vapeurs incolores d'une musique austère parfois catégorisée de "heaven metal", tandis que Vyva Melinkolya préférait simplement la tendresse routinière des guitares brumeuses – mais par une union qui a finalement dépassé le simple cadre artistique, les deux américaines aspirent désormais les lentes vibrations d’une dream pop grondante et dénudée, dans un glissement perpétuel de sable et de poussière. 


"If it’s all just the same to you
Would you take my hand?
"


Ce premier album en commun s’est formé au cours d’aventures nocturnes menées sur les routes brûlantes de Las Cruces, menant principalement à la rencontre de serpents à sonnette ou d’orbitèles (araignées qui tissent des toiles circulaires, ce qui n’est pas systématique contrairement aux représentations communes). On retrouve dans Orbweaving des traces de cette ardeur mais dérobées sous une flamme réservée et délicate, qui s’attache à rassurer les esprits agités par le vertige de l’obscurité et de l’inconnu. L’introduction "Miss America" et sa guitare slide hallucinée répète inlassablement ses arpèges entrelacés jusqu’à ce que l’on cède aux visions réconfortantes des mirages lointains. Les lignes vocales se limitent à des chuchotements amputés de leurs fréquences extrêmes, comme suspendus aux lèvres de la moiteur du désert. Postérieurement, les guitares s’endurcissent et rôdent avec fermeté sur les dunes, mais ne se manifestent presque jamais au-delà de la force d’un frisson. La distorsion est intense, mais paradoxalement effacée, minimaliste ; elle agit telle la texture sensible de la fragilité des deux chanteuses et finit souvent absorbée dans leur romance, en particulier sur les derniers instants de "NMP" et de son ascension intangible.


Derrière la porte mystérieuse du visuel de Orbweaving se cache sans doute simultanément une araignée de jardin et une éventuelle ouverture pour traverser cette prison de toile. Une manière d'anticiper la tension entre le péril et la quiétude au cœur de cet album : Johnston et Diaz marchent tout au long de "Hounds of Heaven" sur le fil du danger avec une imprudence teintée de croyances insensées, comme un retrait volontaire de la réalité ("The Hounds of Heaven runs like hell / I know it’s all just a game to you / Was it part of the plan?"). La rythmique mécanique, presque industrielle, constitue ici la seule véritable incarnation de civilisation évoquée sur le disque, dont le regard se pose surtout sur les infinités magnétiques du désert et de ses secrets, ses troubles. "Plague X" embrasse l’horreur et les impuretés cachées dans le sable avec une fascination aggravée puis introduit le morceau-titre, une pièce instrumentale sobre, répétitive et méditative caractéristique de l’ambient : les deux compositions partagent le même bourdonnement grave et souterrain pour des finalités distinctes mais complémentaires. Orbweaving atteint le comble de son aura sur "NMP" (No More Pain), qui s’abandonne lentement dans un dernier écho de flammes déformées jusqu’à l’arrivée d’un orgue libérateur, pareil à une dernière adresse divine, amère et solitaire.


"Sing of love / Sing of death
Give up your body / No regrets
(I’m still here)
"


Par bien des aspects, Orbweaving s’apprécie davantage comme un album d’ambient. Notre attention s’y fixe et se délite sans ordre ou proportions particulières et indépendamment de l’éventuel progrès des compositions. On pense alors facilement à Liz Harris et son projet Grouper, entre ambient et dream pop, qui développe depuis presque 20 ans cette esthétique feutrée et nébuleuse (touchant l’excellence sur Dragging a Dead Deer Up a Hill et Ruins) mais sans se risquer aux expériences doucement bruyantes de Johnston et Diaz. En seulement cinq titres et une trentaines de minutes, Midwife et Vyva Melinkolya réalisent alors un petit miracle avec cet opus envoûtant à la croisée de sous-genre discrets : au delà de ses plages éternelles, l’expérience invoque tendrement ces crépuscules lointains où l’on finit par céder paisiblement à la fatigue, bercé par les images rutilantes de la journée écoulée.

Commentaires
ValentinAR, le 25/05/2023 à 13:39
Merci pour vos retours @Hugo_chuz et @Alexx !
Alexx, le 25/05/2023 à 09:16
Pour faire simple, c'est ce qu'on appelle comparer des pommes et des poires. Dans la vie, on essaie d'éviter... Moi je l'aime bien cet album, merci pour la découverte !
Hugo_chuz, le 23/05/2023 à 08:19
Merci pour cette review !
ValentinAR, le 22/05/2023 à 15:04
Tant pis alors. Je retourne lire Télérama en écoutant le dernier Benjamin Biolay.
Noel, le 22/05/2023 à 13:32
Franchement Valentin, je ne comprend pas ce que vous essayez de m'expliquer. J'ai l'impression, en vous lisant, d'être en "bobocratie".
ValentinAR, le 22/05/2023 à 10:16
J'ai été volontairement provoquant sur mon avis en première écoute de Yes parce que je ne tire sincèrement presque aucun plaisir de ce genre d'albums qui ne fait globalement que tirer une corde déjà bien usée depuis des années (Yes n'a rien d'essentiel depuis un certain point dans les années 80). Pour être honnête le morceau d'introduction m'a été sympathique, le reste je préférerais ne pas avoir à le réécouter, pas parce que c'est fondamentalement mauvais mais plutôt parce que cela m'est hautement ennuyeux et insignifiant toutes choses considérés. Dans ce style, il y a naturellement des centaines de disques mieux exécutés ou bien plus inventifs, alors sanctionner l'album ne me paraît pas abusif. Maintenant je ne suis pas un dingue de rock progressif contemporain et je laisserais d'autres aborder le sujet si cela les intéresse. Pour parler de cette chronique, c'est très facile et un peu vain d'utiliser mon avis sur un autre groupe/style avec déjà une certaine légitimité indépendamment du contenu de l'album pour décrédibiliser mon avis sur Orbweaving. Ça n'a pas de sens de comparer un disque de rock progressif, qui pour schématiser se veut virtuose et technique, avec un disque de shoegaze, de slowcore et d'ambient, dont les aspirations sont presques opposées. L'analyse s'exerce dans le contexte de ces genres respectifs : est ce qu'il s'agit d'univers avec lesquels vous êtes familiers ?
Noel, le 22/05/2023 à 08:02
Quel ennui !!! Comment peut-on considérer le dernier album de YES très faible, même si je le conçois ce n'est pas le firmament, mais au moins musicalement il y a des choses interessantes, alors que cet album que vous considérez excellent, est à mon avis, d'une composition assez faible.