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Critique d'album

Mark Lanegan


Field Songs


(08/05/2001 - Beggars Banquet - - Genre : Rock)
Produit par

1- One Way Street / 2- No Easy Action / 3- Miracle / 4- Pill Hill Serenade / 5- Don't Forget Me / 6- Kimiko's Dream House / 7- Resurrection Song / 8- Field Song / 9- Low / 10- Blues For D / 11- She Done Too Much / 12- Fix
Note de 5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"En s'éloignant du blues-grungy des débuts, Field Songs marque une évolution stylistique très marquée de Mark Lanegan. La première d'une longue série, et pas la moins réussie."
Maxime L, le 15/11/2022
( mots)

Mark Lanegan. Voilà un type qui semble avoir eu plus de vies qu’un chat. Du moins jusqu’au 22 février dernier, date de sa disparition. On a connu le Lanegan chanteur paumé des Screaming Trees, puis bluesman écorché sur sa trilogie solo, on le connaitra plus tard chantre d’un rock indé sentant bon le sable et la poussière californienne, et l’artiste américain se muera même en songwriter adepte de folktronica sur la fin de sa discographie.


Des périodes créatives qui correspondent presque à autant d’ères personnelles bouleversées par la dépression, les addictions, le deuil, et la mort qui rôde autour de l’artiste américain telle un vautour volant en rond en attendant le moment opportun pour se jeter sur sa proie désarmée. Et s’il est une période où Lanegan apparait complètement désarmé, c’est bien celle qui précède la sortie, l’enregistrement et la genèse de Field Songs.


Nous sommes à la toute fin des années 90, et Lanegan, en plus d’être englué dans ses diverses addictions, se retrouve seul, à la rue, réduit à dealer de la dope pour survivre dans les quartiers les plus sordides de Seattle. Deux personnes vont alors lui tendre la main. La première, de façon assez surprenante*, c’est Courtney Love, qui va l’inciter à aller en cure de désintoxication, et en un mot comme en cent : lui sauver la vie.


" J’étais devenu sans-abri. Un flic m’a arrêté et m’a dit que je devais soit aller en désintoxication, soit quitter la ville. Je suis allé chez le prêteur sur gages pour lui demander s’il avait toujours “ce truc que Courtney a apporté ici pour moi ?”. La documentation qu’elle m’avait laissée parlait d’une organisation appelée M.A.P., un programme d’aide aux musiciens pour aider les gens qui n’avaient pas d’argent. Cette association a payé pour ma désintox. Mais j’ai réalisé que j’avais besoin de beaucoup plus que cela ; Courtney a payé mon loyer pendant des mois. Je me souviens de m’être réveillé au centre de désintoxication et la pièce que j’occupais alors était remplie de sacs de vêtements neufs qu’elle m’avait envoyés."**


La seconde personne à qui Lanegan doit une fière chandelle, c’est Duff McKagan des Guns And Roses, qui en connait un rayon en termes de came et de repentance, et qui va l’accueillir et l’héberger à sa sortie de désintox, pour l’aider à reprendre pied. Lanegan va mettre de longs mois à refaire surface, à reprendre sa vie en main tant bien que mal et après avoir retrouvé un semblant de vie et de paix intérieure, il est à nouveau en mesure d’enregistrer de la musique. D’abord via un album de reprises, I'll Take Care Of You en 1999, et deux ans plus tard, donc, avec ce Field Songs original.


Ce cinquième album solo est donc un petit miracle en soi, compte tenu des ténèbres que Lanegan vient de traverser, une nouvelle fois. Un miracle créatif qui, une fois encore passe inaperçu, à l’époque bien sûr mais aujourd’hui également, le disque étant coincé entre la trilogie “grungy-blues” connue uniquement par les fidèles (et le lectorat d’albumrock désormais), et le très sablonneux Bubblegum, en 2004, album made in le Rancho de La Luna et souvent considéré comme l'oeuvre la plus solide de tout le catalogue de l’Américain. Sauf que nous avons tout faux à ce sujet. Avec un peu de recul, et une réécoute assidue d’une bonne partie de l’oeuvre de Lanegan, je peux l’affirmer : Field Songs est non seulement un disque trop méconnu et singulier, mais c’est aussi la plus belle réussite du songwriter américain. La singularité de l’album réside dans sa tonalité, très différente du reste de sa, très fournie, discographie. Exit les velléités blues dépouillées de Scraps At Midnight, et place à des ambiances presque plus apaisées. Sombres certes, mais moins écorchées.


Field Songs s’ouvre sur “One Way Street”, une composition absolument magistrale et qui donne le ton de l’état mental et physique de son narrateur, dont le chagrin se noie dans le whisky et où la métaphore avec cette rue à sens unique est aussi élémentaire qu’efficace. Un morceau où le fond rejoint la forme, entre cette voix rocailleuse et ces harmoniques de guitares crispantes, et qui constitue, déjà, un des très grands moments du disque (et de l’oeuvre du bonhomme). Au passage, je ne saurais que vous conseiller cette version acoustique, tout bonnement déchirante (et que j’ai découvert peu de temps après sa mort).


Field Songs apparait presque comme un disque romantique, attribut que l’on peut difficilement adjoindre à aucun de ses autres albums. D’ailleurs, si l’on a souvent qualifié Lanegan de “Tom Waits du grunge”, c’est ici que la comparaison s’avère réellement appropriée, bien au delà du grunge. Ce romantisme à fleur de peau, on le retrouve sur “Pill Hill Serenade”, bluette de 3 minutes bercée sur de très jolis arpèges et qui semblerait naïve si elle n’était pas aussi bien chantée. De l’amour il en sera question aussi sur une des autres très belles réussites de l’album, “Kimiko’s Dream House”, chanson offerte par son ami et mentor Jeffrey Lee Pierce***, et où la voix rocailleuse de Lanegan se pare de velours et de délicatesse. Un trésor aussi inattendu que réussi, tant par les intentions de douceur que par la sobriété de son habillage musical. Ce qui n’est pas surprenant tant Mark Lanegan a toujours su s’entourer pour mettre en musique ses chansons. Et Field Songs ne déroge pas à la règle.


On retrouve le fidèle Mike Johnson bien sûr (que vous connaissez si vous avez lu les chroniques précédentes), mais aussi Chris Goss, de Masters Of Reality aux claviers et aux choeurs sur “She Done Too Much”, et également Duff McKagan, qui s’installe derrière la batterie sur “Fix”, comme un juste retour de politesse après l’avoir accueilli à sa sortie de désintoxication. Autre invité, et pas des moindres, Ben Sheperd, bassiste de Soundgarden, Seattle n'étant jamais très loin de Lanegan, qui joue de la guitare sur la moitié des titres et qui surtout, co-signe “Blues For D”, instrumental lancinant et déchirant, qui semble capter tout le désespoir accumulé par les années d’errance de Lanegan. Là encore, une totale réussite. Douloureuse mais implacable. Et comme il le prouvera tout au long de sa discographie, Lanegan cherche toujours à s’ouvrir sur de nouveaux horizons via de nouvelles sonorités, que ce soit les influences orientales sur “No Easy Action”, ou sur “Don’t Forget Me”, dont le phrasé et la mélodie sont inspirés d’une chanson traditionnelle Israélienne.


Vous l'aurez compris, Field Songs est un disque très atypique dans la carrière de Lanegan, de par son contexte et sa "couleur". Mais c'est aussi un album totalement oublié, qui justifie plus que jamais qu'on se penche dessus. À bon(s) entendeur(s)...


 


À écouter : "One Way Street", "Pill Hill Serenade", "Kimiko's Dream House", "Blues for D".


  


*2 jours avant de se suicider, Kurt Cobain appelle à plusieurs reprises Lanegan et lui laissera un message sur son répondeur, en lui demandant de venir le voir. Lanegan ne daignera pas le rappeler.


**Citations extraites de son autobiographie "Sing Backwards and Weep".


***Leader du groupe The Gun Club, disparu en 1996

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