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Critique d'album

Lysistrata


Breathe in/out


(18/10/2019 - Vicious Circle - Post Rock - Genre : Rock)
Produit par Michel Toledo

1- Different Creatures / 2- Death By Embarrassment / 3- Scissors / 4- Boot On A Thistle / 5- Mourn / 6- End Of The Line / 7- Everyone Out / 8- Against The Rain / 9- Middle Of March
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Lysistrata passe la seconde et assied son statut de nouvelle référence Indie-Rock française."
Olivier S, le 15/07/2020
( mots)


Lysistrata, ça ne vous dit rien, vraiment ? Un petit groupe de jeunes très énergiques du Poitou Charente ? Alors, toujours pas ? Mais si voyons le trio vainqueur du Prix Ricard SA Live Music de 2017, toujours rien ? Ils ont même fait une prestation live dans l’émission Quotidien… oui oui sur une chaine nationale. Alors ça vous revient ? Non ? Et leur très remarqué premier effort The Thread, paru en octobre 2017, quand même ? Celui qui les propulsa nouvel espoir/sensation/sauveurs (rayer les mentions outrancières) du rock français ? Ça vous est passé sous le nez ?


J’en vois déjà ici et là qui paniquent. Détendons nous, on va respirer profondément et reprendre ensemble tout ça tranquillement depuis le début.


Lysistrata sont les inventeurs d’une formule magique consistant à marier la complexité d’un math rock énergique avec l’urgence débridée et cradingue d’un Post-Hardcore énervé. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a de quoi surprendre, tant elle semblait hasardeuse. Rendre plus accessible par une approche mélodique un post-punk fiévreux en s’affranchissant des codes de la chanson standard (complet/refrain) était déjà une gageure. Le faire en supprimant la frontière entre enregistrement studio calibré et spontanéité live en était une autre.


The Thread fut l’aboutissement d’un groupe ayant éprouvé sa science devant son public et eu la sagesse (du haut de leur petite vingtaine, excusez du peu) d’en capter toute l’essence dans des conditions d’enregistrement live.


Breathe in/out sortie le 18 octobre 2019, soit deux ans après leur premier effort, a donc la lourde tâche de confirmer que la formule magique n’est pas éventée et que nos gaillards n’ont en rien usurpé le titre de nouveau porte étendard de la scène Indie-Rock française.


Mettons tout de suite les choses au clair, oui Breathe in/out tient toutes ses promesses. Oui, il renouvelle l’exploit de  The Thread tout en apportant son lot de petites évolutions, s’affranchissant au passage de la très désagréable sensation de "déjà vu".


C’est sur un tonitruant “Different Creatures” que ce second opus ouvre le bal comme on ouvre une bière avec les crocs : Sans aucune fioritures inutiles. Il ouvre la voie à des titres plus concis que sur leurs précédentes livraisons, qui passent ici sous la barre des cinq minutes sur une première moitié d’album. L’auditeur ayant goûté aux premiers efforts du trio y retrouve ses petits. L’alternance de chants phrasés avec des cœurs chantés/hurlés. Les riffs oscillants entre Math-Rock épileptique  et Post-Hardcore abrasif saupoudré d’une touche noisy. Rien ici ne décontenancera le chaland de la première heure. En revanche, tout sonne ici plus lourd, plus rugueux. Les sonorités de guitare se voient augmenter d’un surplus de saturation et de gras. La voix de Ben suit cette évolution et fait traîner ses cordes vocales désormais beaucoup plus du coté du Post-Punk que du Brit-Rock. Le ton est donné et le restera sur une bonne première partie de l’album.


“Death by Embarrassment” profite du trou dans la défense laissé par la charge de son prédécesseur pour enfoncer le clou à coup de gros riff bien gras (façon sud Ouest) et probablement l’un des plus monstrueux de leur jeune carrière à ce jour. Les terres d’At The Drive-In n’ont jamais semblé aussi proches.


Les brefs espaces laissés par la guitare de Théo sur le très groovy “ Scissors” sont autant d’occasions de constater la place de plus en plus grandissante accordée aux sections vocales tant par leur placement que par leur diversité. Pour un groupe purement acoustique dans ses jeunes années,  on est très loin de l’anecdote. Sur leur précédent effort encore, la guitare et le chant se relayaient bien souvent plus qu’ils ne s’entrelaçaient. Nous avons droit ici à une véritable relation symbiotique apportant son lot de variations bienvenues. La voix de Ben a pris de l’épaisseur et sait désormais forcer le trait et le timbre lorsque le temps est à l’orage (“Boot on a Thistle“ et son Post-Punk tonitruant) ou se faire plus indolente voir adolescente lors d’élans plus pop, notamment sur l’intro d’“End of the Line“. Les Thématiques chères au groupe empreintes d’errances de l’âme, de révolte, de profondes angoisses, trouvent sur ce disque un écrin vocal plus enclin encore à les expulser de manière viscérale. Ben prouve d’ailleurs sur ce titre qu’il sait se montrer magnanime en  partageant le lead vocal. Une belle occasion pour cette pièce de se forger une  identité forte.


Cette première moitié d’album sonne plus que jamais comme un appel du pied vers la confrérie métal, qui semble-t-il a été entendu, puisque le groupe s’est retrouvé à l’affiche de l’édition 2020 du désormais très (sur ?) médiatisé Hellfest Open Air festival. Croisons les doigts pour qu’ils figurent toujours sur le report de cette édition en 2021.


Appelé à devenir le nouveau maître étalon de la formation, “Mourn“  impressionne, tant par son aisance à embarquer l’auditeur dans une juxtaposition de changements de ton, que par ses prétentions de tube absolu. On passe d’une lente promenade introspective à un déluge de guitares saturées, soutenues par une basse hypnotique le tout en près de huit minutes. Un tour de force rendu possible par un accompagnement vocal complice, à la hauteur de l’enjeu.


À ce jeu de caméléon, “Everyone Out“ n’a pas à rougir de la comparaison. Déroutant dans sa structure, le titre nous fait le coup d’une “power pop“ sur-vitaminée, mâtinée de guitares sèches pour se muer rapidement en un Math-Rock noisy grinçant. Bien que la première écoute puisse laisser un arrière-goût d’incohérence foutraque, il n’en faudra que peu d’autres pour s’incliner devant la maîtrise des enchaînements. On se surprend même à jubiler à la découverte de tels retournements de situation. Oui, Lysistrata est passé maître dans l’art de surprendre, de ménager son suspens sans jamais spoiler son dénouement narratif.


Si le maître mot de cette nouvelle livraison est toujours : « spontanéité », il se montre moins enclin que son prédécesseur à laisser de l’espace dans le ventre mou de certaines pièces. Alors, oui, “Breathe in/out” brise quelque peu le mythe de l’album live en se parant de menus arrangements subtils (réverbs en tête). Il le fait cependant de manière sporadique et avec finesse. Une entorse à la règle dont le meilleur exemple s’illustre sur  “End of the Line“. Gracieux dans ses derniers élans, il le doit à une juxtaposition de nappes de guitares se perdant dans un espace démesuré, évoquant une dimension presque cosmique. Une invitation à un instant de rêverie qui  se montre judicieux tant il apporte une plus value studio sans dénaturer la force live du reste du titre.


Le groupe fait preuve une fois encore d’une maturité surprenante en tirant le meilleur de chaque situation, quitte à faire le grand écart.


Après un "Against the Rain" plus rentre dedans, le coup de grâce sera assené par la neuvième piste, prenant le contre-pied structurel de ses prédécesseurs. Ainsi le conclusif "Middle of March" embarque l’auditeur dans un cheminement narratif charpenté d’une manière beaucoup plus progressive que destructive, faisant la part belle aux instruments. De la fébrile et émouvante ligne de guitare en ouverture, jusqu’aux murs de riffs dissonants finaux, aucune fracture sonore ne se fera sentir. Cette impression d’unité étant renforcée par une ligne vocale narrative ininterrompue. Tantôt mise au premier plan, tantôt recouverte sous des déluges de larsens, elle  joue ici  son rôle de liant d’ensemble avec succès. Le mérite en revient à une utilisation judicieuse d’effets sur le traitement vocal,  qui neutralise la monotonie du phrasé et lui confère un relief émotionnel inattendu.


Ça n’a l’air de rien comme ça, mais ce sont bien souvent ces petits détails qui font les pièces cultes.


Le contrat du (presque) toujours casse-gueule « second album de la confirmation » est par conséquent rempli plus qu’à raz bord. Il fallait du charisme pour tenir tête à leur premier effort sans avoir l’air de lui marcher sur les plates-bandes. C’est pourtant le tour de force accompli par le trio avec ce jubilatoire Breathe in/out, aussi inspiré, déluré et énervé que son prédécesseur, tout en se payant le luxe de quelques évolutions finement calibrées.


Il démontre que faire un disque sans sacrifier les atouts de son prédécesseur ne rime pas nécessairement avec « redite ».


Lysistrata nous prouve ici d’une bien belle manière, que dans l’univers du rock, ce sont bien souvent les petits derniers qui assènent à leurs aînés les plus belles leçons de maturité.


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Commentaires
Kefran , le 18/07/2020 à 09:58
Écouté hier, quelle claque ! Je ne connaissais pas du tout. J’ai immédiatement pensé à At The Drive In. J’ai l’impression qu’une très belle génération de groupes français est en train d’émerger. Merci pour la chronique !