Johnny Mafia

Les Johnny Mafia avaient retourné notre bande-son de confinement avec Princes de l'Amour et Sentimental et continuent sur leur lancée d'appellations (d'origine contrôlée) d'albums aux noms émotivo-kitsch avec 2024: l'Année du Dragon. C'est avec un enthousiasme non feint que nous allons (vraiment) faire un parallèle entre les prévisions astrologiques de l'année à venir et la véritable formule de buffet à volonté proposé par les princes de Sens, toujours supposément la capitale du monde selon le groupe. 

L'année du dragon, qui débute le lendemain de la sortie de l'album, commence simultanément avec le transit de Pluton en Verseau annonçant lui-même l'avènement de changements profonds sociétaux (après le bazar de 2023 on peut y croire). Le dragon de bois - car sachez qu'il en existe dans d'autres éléments - annonce une croissance, des révélations, voire des contestations. Un renouvellement drastique finalement. Détermination et ambition sont aussi les maitres mots.

Le Verseau est un signe qui s'engage et il est vrai que les jeunes sénonais se positionnent de façon bien plus assertive en 2024. "Green Eye" et sa batterie piquée à l'intro de "Black and White" de Michael Jackson pétarade et nous dépose en plein été sur fond de percus électroniques ajoutées çà et là, et une guitare conquérante prototypique de Green Day. Le pont et l'outro sont parfaits et stylisent brillamment le morceau qui s'étend sur un tapping déjà entendu sur "Trevor Philippe".

"Vomit Candle" s'avance innocemment tel "The Narcissist" de Blur. Il est le premier single de l'album et regorge de  guitares étincelantes, assez B.O de American Pie pour les millennials, avec des relents de Feeder ponctués, ô joie, de synthétiseurs. Sans avoir perdu de leur verve, les JM se sont adoucis. Même si le lycée, les teenage dirtbag et leur insou-Sens vibrent sur "Gimme Some News", la reverb sourde des accords apaise entre autres "Sting" (quelle polyrythmie à la batterie !) et "Summer" qui prennent alors un vernis de guitares rétro, tantôt cold wave, tantôt alternatives chics.

Ces jeunes qui se faisaient couper les cheveux dans le clip "Feel Time, Feel Fine", ne deviendraient-ils pas un tantinet glam "garçons coiffeurs" tels Duran Duran ? Pas exclusivement car le catering est ici diversifié et "I'm Bound" aura ainsi un tournant psychédélique. Johnny Mafia adore manger, notamment de la cuisine asiatique bien en lien avec le projet global, et réunit beaucoup de strates d'ingrédients savoureux d'origines différentes. Restent immuablement le thème des paroles très axé séries TV (Vikings) et sentiments.

Un grand "oui" aussi au glokenspiel (encore du clavier, on adore) de l'impeccable "Keep An Eye On Me", qui concentre du post grunge mixé aux incontournables Pixies, tout comme "Hammer", dernier titre ciselé de 2024: Année du Dragon. C'est étonnant: à 2 minutes on est les deux pieds dans les Stone Roses pour finir sur de l’atmosphérique très élégant genre Foals. Le verre se saké de la fin est assurément sourcé chez Kishi Bashi. Logique.

Une belle cohérence donc, dans cet album qu'on sent très travaillé dans beaucoup de déclinaisons, tout en étant dynamité par le producteur de Pogo Car Cash Control. Johnny Mafia a beau être un groupe de scène, il n'a pas pour autant négligé le travail en studio et la résultante est admirablement réjouissante. Les mélodies douces-amères viennent parfaire l'énergie de départ, et on se ressert avec appétit auprès de ce buffet asiatique qui ne rend pas du tout malade. Mais plutôt accro.