Dream Theater
Octavarium
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1- The Root Of All Evil / 2- The Answer Lies Within / 3- These Walls / 4- I Walk Beside You / 5- Panic Attack / 6- Never Enough / 7- Sacrificed Sons / 8- Octavarium
Comme pour se défaire d'une réputation de bonnets de nuit qui leur collerait à la peau, les Dream Theater nous avaient balancé en 2003 Train of Thought, l'album le plus bourrin de leur carrière. Les fans de métal pur jus ont adoré, mais ceux qui apprécient DT pour sa facette progressive et mélodique sont restés sur leur faim. Les spéculations allaient donc bon train concernant la nouvelle fournée des New Yorkais : allaient-il confirmer l'orientation heavy, ou au contraire, nous emmener vers d'autres cieux plus cléments, réintroduire la subtilité dans leur musique ? Cette dernière option semble avoir été retenue. Autant dire que ceux qui n'avaient pas aimé le "commercial" Falling into Infinity vont à coup sûr détester Octavarium...
Pourtant, on craint le pire dès le début de "The Root of All EVil", suite et fin (?) du tryptique sur l'alcoolisme (entamé par "The Glass Prison" sur Six degrees... et continué par "This dying Soul" sur T.O.T.). Avec ses gros riffs plombés et sa rythmique monolithique sans grande imagination, cette chanson n'aurait pas fait tâche dans l'opus précédent. Rechute dans le syndrome Metallica ? Pas si sûr. Le dépouillement de la section instrumentale met en évidence un James LaBrie parfaitement à l'aise, et qui a le bon goût d'éviter de forcer sa voix quand il chante dans les aigüs. Le refrain sublime prend aux tripes, et nous fait oublier le début un peu simplet du morceau. "The Answer Lies Within", gentille ballade avec piano et orchestration toute en retenue, nous conforte dans l'idée que le groupe est plus détendu, décomplexé, et ne ressent plus le besoin d'étaler ses talents techniques à tout bout de champ.
Bon, tout ça est très sympathique, mais ça ne nourrit pas son métalleux. Heureusement, un mammouth se réveille (à moins que ce soit la sept cordes de Petrucci) et "These Walls" s'installe, sous des faux airs de valse néo-métal. Portnoy fait monter la sauce, sans jamais s'emballer : jeu subtil sur des cymbales aux accents cristallins, et double grosse caisse de sortie, seulement aux moments opportuns. Les guitares se font hypnotiques pendant le couplet, rageuses au refrain. Un chorus bien sage à la fin, quelques envolées symphoniques, mais pas de solo à mille notes à la secondes, n'en déplaise aux fans d'Yngwie Malmsteen. Un petit tour dans les terres de U2, avec l'imparable pop song "I walk beside you", qu'on imagine passer en boucles sur les radios américaines, pour respirer juste avant "Panic Attack", décharge d'énergie brute, et défouloir de l'album.
On en arrive au titre qui fâche. "Never Enough" fait inévitablement penser au "Stockholm Syndrom" de Muse, à la fois par son riff et par les intonations de LaBrie. Peut-on crier pour autant au plagiat ? Ce n'est pas la première fois que DT fait ressortir ses influences de façon explicite (cf. Tool dans "Home", U2 dans Awake, etc...), et il serait plus judicieux d'y voir des clins d'oeil plutôt que des plagiats manifestes. Quoiqu'il en soit, la chanson est une réussite, et on imagine qu'à travers elle, Portnoy (auteur des paroles) s'adresse aux fans de DT, éternels insatisfaits. S'ensuit Le joyau "Sacrificed Sons", écrit sur le thème du 11 septembre 2001, et qui devrait mettre tout le monde d'accord. Emotion, puissance, maîtrise technique impressionnante, tout y est : Dream Theater renoue avec son savoir-faire instrumental de l'époque de "Scenes From A Memory".
Enfin, l'énorme "Octavarium", morceau psychédélique à tiroirs de 24 minutes, clôt l'album d'une façon quasi idéale. Début Floydien, genre "Shine On Your Crazy Diamond", puis passage funky-prog à la Transatlantic. Myung et Portnoy s'éclatent, et on en profite. La chanson s'étire, part en délire jazzy, juste avant que l'orchestre rejoigne la troupe, et tout se termine en apothéose symphonique.
Pas grand chose à regretter dans ce huitième album qui fleure bon le changement de saison, hormis quelques titres un brin faiblards (spécialement les deux premiers, dommage...). Dream Theater continue de se renouveler, au risque de paraître un peu plus abordable, plus direct, et plus au service de la mélodie. Portnoy et Petrucci ont su pour une fois se mettre légèrement en retrait, laissant Myung le bassiste et Rudess aux claviers s'exprimer d'une façon qu'on avait pas entendue depuis longtemps. Et si en plus vous ajoutez à tout cela un artwork magnifique, remplie de symboles et de significations cachées, un concept autour de l'octave (chacune des 7 premières chansons est construite sur une tonalité différente)... Non, vraiment, les gars, ça fait plaisir de vous retrouver.