Dälek

"What Malcolm X said when he got silenced by Elijah Mohammed was in fact true. America's chickens... are coming home to roost. (...)". C'est sur ces quelques lignes du Reverend Jeremiah Wright que l'album est lancé. Ce discours très controversé a été prononcé par le Révérend au lendemain du 11 septembre 2001. Ce nouvel opus était annoncé comme Old School, la messe est dite : il le sera au moins dans l'esprit. Impossible d'éviter un retour en 1988, lorsque l'album culte It Take A Nation Of Million To Hold Us Back de Public Enemy débute sur un discours du pasteur Khallid Abdul Muhammad, et lorsque les titres "Don't Believe The Hype" et "Bring The Noise" du même chef-d’œuvre, font l'éloge de Louis Farrakhan. 2009, nouvelle ère post-droit civique radicale ?

Hip-Hop, donc, encore et toujours.

Mc Dälek nous annonce dans "No Question" :
"If it's true what Nas said then we here to revive
What I spit is HipHop, not yours to decide".
Le poing est rabattu sur les "i" de ceux qui s’efforcent à faire passer le groupe pour ce qu’il n’est pas. Et c’est armé de Krylon qu’ils partent recouvrir les murs de leurs slogans engagés, suivant les traces d’une culture n’ayant eu cesse de devoir résister pour pouvoir s’affirmer : Martin Luther King, Malcom X, Bobby Seale, Dr Newton… Medgar Evers …

Véritables leçons d’histoire, les textes sont brûlants comme des braises encore chaudes d’un lendemain d’émeute. Malheureusement, le seul fait de ne pas les retrouver dans le livret dessert un message qui semble aujourd’hui primordial pour le groupe.

Musicalement, Dälek reste Dälek. Pas étonnant de les retrouver une fois de plus sur l'excellent label Ipecac de Mike Patton. On retrouve les nappes et guitares saturées, superposées et renvoyées dans de multiples effets, donnant dans la déflagration proche de My Bloody Valentine qui font la marque du groupe. Ces éléments, successivement mis en avant, savent reprendre leur place de soutien au flow sombre et rageur d’MC Dälek, tel un nouvel ordre social en perpétuelle mutation sachant s’équilibrer de lui même. Les rythmiques, elles, restent toujours dans la simplicité, répétée, sans variations sur la longueur des morceaux. Une première écoute rapide donne l’impression que, depuis Absence, pas grand chose n’a su évoluer.

Il faudra plusieurs lectures pour commencer à saisir les différentes subtilités de la production, tel que sur "Who Medgar Evers Was..." avec ses ralentissements et inversement, ou sur l’excellent "Gutter Tactics" ou l'on croirait Oktopus habité par RZA période Ghost Dog. Les ambiances prennent alors tout doucement leurs places dans l'esprit d'un auditeur directement projeté dans le ghetto de demain :
"2012 ain't the end we just beginning!
Mayan Ruins rebuilt to sky-scrape
your fate's dimming.
Hide your wives and children
We down to burn buildings
Slice necks that tend to nod,
This the pillage!"

Finalement ce cinquième élément discographique rassure. Après le monstre Absence, véritable claque dans un paysage musical à tendance stérile, Dälek a pu décevoir avec Abandoned Langage. Gutter Tactics nous prouve que sans changer de formule, ils peuvent encore nous surprendre avec un album à la production soignée et massive, et un engagement à réveiller certaines panthères noires, espèce en voie de disparition.