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Bysshe
La Sibylle sur le Sable
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Le groupe franc-comtois Bysshe (le nom est un hommage au sulfureux poète romantique anglais Bysshe Shelley, fervent révolutionnaire anti-bourgeois) sort, quatre ans après Forever in the Eye of Change, un troisième album intitulé La sibylle sur le sable doté d’un artwork pour le moins mystérieux. On y retrouve avec plaisir ce son anticonformiste qui mêle habilement acid rock à haut degré de décibels et groove psychédélique marqué par les années 1960 et 1970 avec l’apport d’instruments traditionnels comme le udu africain, la shruti box (instrument à soufflet indien) ou la flûte amérindienne. Un cocktail détonnant servi par un quatuor au diapason (Quentin Aymonier à la guitare et au chant ; Elodie Belot aux claviers et au chant ; Théo Aymonier à la basse ; Fernand Bulle-Piourot à la batterie) qui délivre sur ce nouvel opus six compositions particulièrement ambitieuses et diversifiées.
Le titre éponyme de 14 minutes est de ce point de vue une véritable réussite, une petite pépite progressive qui alterne les ambiances avec une grande fluidité sans jamais forcer sa nature. On se laisse ainsi embarquer dans ce voyage qui nous entraîne d’abord au cœur d’un écrin folk mélodieux avant d’embrayer sur un pont atmosphérique hypnotisant où la voix incantatoire d’Elodie Belot évoque les prophéties mystiques et nébuleuses auxquelles le groupe fait référence. Le titre se solidifie autour d’un riff central, grésillant et accrocheur, qui vient muscler la suite du morceau avant un final dantesque marqué par ses roulements de frappes lourdes et pénétrantes. Voilà un excellent titre de rock progressif, maitrisé de bout en bout et doté de transitions limpides.
Passé ce moment de bravoure introductif, le groupe développe une approche beaucoup moins progressive, que ce soit par le blues-rock charnu et détraqué aux accents stoner de "Queen of Cups" ou des déferlantes supersoniques de guitares rugueuses sur "Psychonauts". Plus léger, "Spellbind Me" surfe sur son approche heavy psychédélique retro enrobée de ses nappes d'orgues tandis que "New York City" séduit sur un registre plus calme et offre un final éclatant. Enfin, le conclusif "Break Free", aux faux airs mélodiques rappelant le classique "Summertime", peut compter sur ses parties de flûte et ses harmonies vocales pour apporter une douceur bucolique et rassérénante à cette fin de disque.
Les Français livrent un très bel album qui manque un peu d’homogénéité du fait de son éclatement stylistique mais peut s’appuyer un morceau d’ouverture véritablement brillant qui, malgré sa longueur, possède un attrait véritablement addictif. Atypique et déconcertant, le groupe du Haut Jura sait prendre des risques et cela s'avère payant : la Sibylle sur le sable n’a pas fini de nous envoûter.