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Critique d'album

Bruce Springsteen


Only the Strong Survive


(11/11/2022 - - Pop Rock, Heartland rock, Folk - Genre : Rock)
Produit par

1- Only The Strong Survive / 2- Soul Days (feat. Sam Moore) / 3- Nightshift / 4- Do I Love You (Indeed I Do) / 5- The Sun Ain't Gonna Shine Anymore / 6- Turn Back the Hands of Time / 7- When She Was My Girl / 8- Hey, Western Union Man / 9- I Wish It Would Rain / 10- Don't Play That Song / 11- Any Other Way / 12- I Forgot to Be Your Lover (feat. Sam Moore) / 13- 7 Rooms of Gloom / 14- What Becomes of the Brokenhearted / 15- Someday We'll Be Together
Note de 3/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"C’était mieux à vent ! – The E Street Horns"
Daniel, le 22/11/2022
( mots)

Entre les deux épouvantables sentences que sont "Il faut que jeunesse se passe" et "On a l’âge de ses artères", il y a ce que l’on appelle la Vie, une très brève parenthèse, perchée entre enfance et vieillesse.


Justement, la vieillesse… Bruce Springsteen, en ce qu’il incarne une certaine Amérique rock idéalisée, fait partie de nos héros. Or, nous détestons voir vieillir nos héros parce que leurs rides creusent les nôtres. Les vrais fans n’ont pas vu (ou n’ont pas voulu voir) combien, derrière un enthousiasme de façade, leur chanteur favori semblait voûté et un peu triste dans le trailer publié avant la sortie du disque (1). La pluie qui tombe à verse en arrière-plan renforce par ailleurs une vilaine impression de fin de saison grisâtre.


Alors qu’on le croyait occupé à peaufiner un album de compositions avec le fabuleux E Street Band (2), le Boss prend tout le monde à revers. Il sort une Chevrolet cinquantenaire du garage, prend la route, sans quitter le rétroviseur des yeux, et enregistre 15 titres soul emblématiques s’inscrivant dans la mouvance Stax et Motown.


Cette démarche élève la rétro nostalgie au rang d’art majeur en sublimant "Nightshift", un titre de 1985 qui, lui-même, pleurait déjà des disparus (Jackie Wilson et Marvin Gaye).


Bruce Springsteen est un chanteur puissant (et très "en voix" d’un bout à l’autre de l’album). Mais ce n’est pas un "grand interprète". Par le monde, il s’est trouvé (et il se trouve) d’autres chanteurs et chanteuses qui pourraient honorer ces vieilles partitions de meilleure manière. C’est d’autant plus vrai que la démarche ne s’inscrit pas dans une volonté de revisiter (3) ou de moderniser des titres ; ceux-ci restent fidèles aux versions originales, sans guère de travail de réécriture (exception faite de la tessiture vocale).


Malgré leur cortège de cœurs brisés, d’amoureux transis, de télégraphistes maladroits, de promesses trahies, de solitudes désespérées et d’espoirs contrariés, les quinze plages n’incitent pas à la morosité. Les arrangements (un mur de son composé de violons au miel, de cuivres triomphants et de roucoulades chorales sucrées) incarnent tout ce que les petits rockers abominent depuis qu’ils ont découvert le rock plus âpre des Rolling Stones, des Animals, des Kinks ou des Who (ce qui ne rajeunit personne).


Mais une magie puissante opère indiscutablement et c’est une ambiance enjouée et solaire qui anime tout l’album. Proche du niveau zéro en termes de créativité, OTSS est la bande-son d’un vieux film feel good imaginaire qui fait vraiment chaud au cœur et qui se conclut sur une note optimisme avec le soyeux "Someday We’ll Be Together".


Le plaid parfait pour les soirées d’hiver dans le divan.


En l’absence des membres historiques de l’E Street Band, le Boss, entouré d’une kyrielle de musiciens chevronnés, réussit le grand écart parfait entre le cabotinage nostalgique et l’authenticité vintage. A 73 ans accomplis, ce n’est pas une mince performance. Son aîné, Sam Moore (87 printemps) assure une présence anecdotique sur deux titres ; il était déjà intervenu aux côtés du Boss sur l’album Human Touch (1992).


Outre la plage titulaire, une priorité toute subjective peut être réservée à "Nightshift" (déjà cité), "Turn Back The Hands Of Time", "The Sun Ain’t Gonna Shine Anymore" et "What Becomes Of The Brokenhearted".


Il faut aller dans les dictionnaires japonais pour découvrir "Natsukashii", l’adjectif qui qualifie le plus judicieusement OTTS. Le terme signifie en effet "nostalgique sans tristesse aucune" (4).


Difficile de trouver mieux pour conclure…


(1) https://www.youtube.com/watch?v=usSLCdiRoAw


(2) Il existe une version complotiste de l’histoire qui raconte que cet album a bien été enregistré mais que Bruce Springsteen, déçu par le résultat, l’aurait collé aux oubliettes.


(3) A titre de comparaison (ou de contraste), Deep Purple a complètement "réécrit" ses reprises sur l’excellent album Turning To Crime (2021).


(4) La romancière belge Amélie Nothomb documente le mot dans les incessantes réécritures de son enfance au Pays du soleil levant.

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