Brigitte Calls Me Baby
The Future Is Our Way Out
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1- The Future is Our Way Out / 2- Pink Palace / 3- Eddie My Love / 4- Fine Dining / 5- I Wanna Die In The Suburbs / 6- Too Easy / 7- Palm of Your Hand / 8- Impressively Average / 9- We Were Never Alive / 10- You Are Only Made of Dreams / 11- Always Be Fine
Le drôle de hasard du calendrier fait que cette chronique est rédigée la semaine où tout le petit monde du rock* est chamboulé par la reformation inespérée, mais qui n’a finalement pas surpris grand monde, des frères Gallagher. Avec en ligne de mire le fameux “projet artistique”** et une tournée des stades outre-manche prévue pour l’été 2025 (si les deux lads ne se foutent pas sur la tronche avant, ce qui est moins sûr).
Ce “petit” évènement a entraîné son lot de réactions diverses et variées, souvent dans la démesure, parfois avec humour, on pense notamment au tweet du toujours très piquant Christophe Conte, disant “qu’en se reformant, Oasis aura raté jusqu’au bout son imitation des Beatles”.
S’en est également suivi la liste des groupes ayant su garder leur “dignité”, en repoussant les valises de pognon quant à une éventuelle reformation, avec un nom qui revient souvent : celui des Smiths. Effectivement, les chances de voir un jour Johnny Marr et Morrissey réunis sont minces (sans parler de ce pauvre Andy Rourke mort l’année dernière), mais c’est moins pour des raisons de dignité que d’infréquentabilité totale de Morrissey.
Et à la fois (vous apprécierez la transition), a t-on vraiment besoin d’une réunion des Smiths dès lors qu’on a Brigitte Calls Me Baby ?
Oui, toute cette longue intro pour en arriver à ce constat (très vite implacable à l’écoute de l’album) : Brigitte Calls Me Baby marche sur les traces de Marr et du Moz de façon très fidèle ; avec assez rapidement, une question qui va poindre dans le cerveau des plus grincheux (je ne parle ici plus de Morrissey) : ce groupe est il un simple ersatz désireux de combler le vide ou représente t-il une alternative crédible artistiquement ?
Pour y répondre, il ne vous faudra pas plus d’une écoute de ce tout frais The Future Is Our Way Out. Et quitte à briser tout suspense : non, Brigitte Calls me Baby ne sera pas le Greta Van Fleet des Smiths***.
Drôle de nom pour un groupe de rock déjà (non, je ne parle pas de Greta Van Fleet) : “Brigitte Calls Me Baby”. Un nom qui ferait écho à la correspondance qu’aurait entretenu le chanteur Wes Leavins avec Brigitte Bardot pendant son adolescence (celle de Leavins hein..). Réalité ou story-telling, on s’en cogne un peu mais cela amène une autre réflexion pas moins importante : à quand, enfin, un moratoire sur l’interdiction de ces noms de groupes à rallonge ?
Si les formations se revendiquant des Smiths se comptent par dizaines, aucune n’avait poussé le mimétisme autant que les Brigitte Calls Me Baby, incarnés donc par Wes Leavins, chanteur-leader et tête de gondole du groupe. Que ce soit au niveau du chant, avec le même maniérisme (qu’on aimera ou détestera tout autant que l’original), ou au niveau de la banane brushingée, difficile de ne pas penser à Morrissey et ses sbires. Et ce dès l’excellent titre inaugural, qui donne son nom à l’album : “The Future is Our Way Out”. Même phrasé trainant et vibrato démesuré, même mélodies simples en apparence, avec ce je ne sais quoi de très Américain, juste perceptible pour l’instant, mais qui se confirmera plus loin, avec l’excellent “Eddie My Love” tout droit sorti du Memphis des années 60.
Car si Wes Leavins a beaucoup écouté les Smiths et connait son indie-rock anglais sur le bout des doigts, il a aussi été biberonné aux crooners américains : Roy Orbison en premier lieu, mais aussi et surtout le King himself (le King de Graceland, pas celui de Manchester, suivez un peu !). Son travail comme musicien sur le récent biopic de Baz Luhrmann n’a sans doute pas arrangé son identification à Elvis, et on se prend à penser que l’origine de sa banane serait plus à chercher du côté du Tennessee que de Manchester. Au delà de ces prestigieuses références, qui ne sont d’ailleurs pas les seules, on y reviendra, il se passe indéniablement quelque chose avec ce groupe : ils savent faire des chansons comme on n’en fait plus. Certes, les paroles sont parfois d’une banalité confondante (limitant ici l’identification à Morrissey), mais pour ce qui est de pondre des mélodies entêtantes dès la première écoute, les Américains font mouche à chaque putain de fois !
Des chansons qui tournent pour la plupart autour de 3’30, sans aucune once d’originalité, mais avec des refrains absolument jubilatoires. Derrière des ambiances romantico-désueto-rétro-kitsch, on peine à ne pas taper du pied, voire fredonner ces chansons qui semblent nous habiter un peu puérilement, alors qu’on n’avait aucune idée de leur existence 20 minutes plus tôt.
Au rang des réussites insolentes : “We Were Never Alive” (chanson avec laquelle je les ai découvert via un passage chez Jimmy Kimmel), dont il vous faudra moins de 10 secondes pour tomber en pâmoison. Un tube instantané qui convoque davantage la rutilance de The Killers que la mélancolie des Smiths. Même le pont et sa basse très eighties, un peu frêle de prime abord, s’avère bourré de charme, avec son thème à la Miracle of Love de Eurythmics.
Des influences qui s’avèrent donc au fil des écoutes (avec donc une irrépressible envie d’appuyer sur “repeat” au bout des 37 minutes) bien plus larges que Elvis meets The Smiths. Prenez “Pink Palace”, et ce sont toutes les années 80 qui y sont encapsulées, avec une légèreté pop scintillante à la Tennis (et ce refrain une fois encore absolument parfait..). Et quand on trouve à mégôter sur un riff franchement raté (l’horrible intro de “Fine Dining”), c’est pour être rattrapé par le col de chemise moins d’une minute plus loin, par un refrain aussi régressif que dansant. Les Américains semblent avoir réponse à tout, avec une facilité déconcertante, et chaque morceau est une gourmandise en soi : “I Wanna Die” qui parviendrait presque à réunir la voix de Moz sur des lignes de guitares Curesque, “Palm Of Your Hand” et son chant de crooner à mi-chemin entre Chris Isaak et Peter Kingsberry, et j’en passe. On peut même percevoir des mélodies à la Strokes (qui auraient mis le cap au Sud), dans l’urgence des guitares de “You Are Only Made of Dreams” par exemple.
Bref, pour un coup d’essai, c’est presque un coup de maître. Allez, pour pinailler, on peut raisonnablement estimer que le morceau qui clôt le disque, “Always Be Fine” est un poil caricatural, en dessous des autres titres, et qu’à la longue, la voix de Wes Leavins peut un tantinet agacer dans sa grandiloquence (tout comme pouvait l’être celle du Moz et sa propension à rouler les R). Mais ce ne sont que d’infimes détails qui ne pèsent pas bien lourd face à la fraicheur rétro de cet étonnant premier album.
Gageons d’ailleurs que les allergiques aux Smiths (oui, il y en a) trouveront peut-être leur compte chez Brigitte Calls Me Baby, qui s’avère donc être bien plus qu’un simple générique de substitution, mais un groupe à suivre de très près. Vous serez prévenu(e)s.
À écouter : les 10 premiers morceaux, avec en priorité "We Were Never Alive", "Eddie My Love", "Pink Palace".
*ou presque. À titre personnel, j’ai repris 2 fois des moules.
**on parle ici et là d’une tournée qui rapporterait la coquette somme de 50 millions de livres. Par tête de monosourcil.
***Le tacle aux GVF ne vaut que pour le premier album. La suite étant, à mon sens, bien affranchie de l’influence initiale Zeppelinienne.