Bohren & Der Club of Gore
Dolores
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1- Staub / 2- Karin / 3- Schwarze Biene (Black Moja) / 4- Unkerich / 5- Still am Tresen / 6- Welk / 7- von Schnäbeln / 8- Orgelblut / 9- Faul / 10- Welten
Entre le calme isolant d'une chambre froide et le bruit social de la rue, se place Bohren & Der Club of Gore. Allemand parce que né dans la Ruhr, le groupe n'a cessé, depuis le début des années 90, d'estampiller des longs courriers aériens passant aussi inaperçus qu'une fumée grisâtre au milieu d'un tumulte nuageux. C'est dans cette pénombre que Mike Patton aperçut pourtant la clarté d'un ciel bleu. Un coup de coeur haut en profondeur qui propulse Bohren & Der Club of Gore à l'affiche du prochain All Tomorrow's Parties festival : The Nightmare Before Christmas programmé par Monsieur Ipecac et les Melvins. Pour l'heure, la prénommée Dolores s'invite chez vous, et ne demeure perceptible qu'avec une installation audio.
Afin d'être tout à fait honnête, sachez que la charmante Dolores ne possède aucun tube que vous pourrez facilement fredonner sous votre douche. La démarche de Bohren & Der Club of Gore s'avère entièrement instrumentale et il est bien difficile de trouver quelconque sources d'influences ou d'inspirations. Cependant, cette expérimentation calme, silencieuse et parfois prétentieuse déterre des racines classiques dans la composition. Tout d'abord, l'auditeur cherche la mélodie là où il ne la trouve pas. Ensuite, il se demande si Earth n'a pas oublié de brancher leurs pédales d'effets. Enfin, il n'est pas impossible d'y sous-entendre un espèce de drone sourd et planant que Sunn O))) aurait pu assembler. Malgré tout, l'ensemble ressemble plus à une interprétation jazz cachée au fond d'une cave souterraine. En effet, les dix titres de Dolores forment des vagues de sons belles et harmonieuses paramétrées au millimètre près par une instrumentation courageuse. Dès la première chanson "Staub", se dresse une colonne de luminosité précaire avec sa basse soulageante qui sert de point d'appui. Même si de nombreux instruments sont utilisés dans la création (batterie, basse, vibraphone, orgue, vocodeur, synthétiseur, saxophone,...), le résultat final demeure minimaliste tout au long du voyage. Mais, sur "Unkerich" l'addition progressive des artifices débouche sur un majestueux saxophone qui remplit grandement la piste. Celui-ci reste redoutable au cours des quatre minutes de "Still am Tresen", se maîtrisant comme un ténor qui envoûte son public.
Le batteur, lui, n'aura pas trop à s'inquiéter pour sa santé physique. Par moment, il tappe sur une grosse cymbale, à d'autres il fait vibrer sa caisse claire. Tout cela sans beaucoup de rythme, il faut bien l'admettre. Dans "Karin", cette batterie semble même absente, tellement les magnifiques notes de vibraphone éclatent en pollen pour rechercher la mélodie. Mais les souffles de percussions prennent le dessus lors des huit minutes de "Schwarze Biene (Black Moja)", excellente épopée qui traverse profondemment corps et esprits.
La seconde partie de Dolores déverse encore de nombreuses émotions passagères. Après une sorte de montée sonore ("Welk"), Bohren & Der Club of Gore choisit la douceur et la volupté ("von Schnäbeln"). Malheureusement, l'atmosphère devient pesante, voire lourde, alors que la musique préconise un relâchement total des nerfs et invite clairement l'auditeur à une séance de relaxation prolongée ("Orgelblut"). Même le saxophone de "Faul" ne crée pas l'euphorie tant souhaitée. De plus, le titre se termine comme si le groupe abandonnait les préliminaires et "Welten" conclut sans surprise le déshabillage de Dolores.
Bohren & Der Club of Gore possède donc de nombreux atouts atmosphériques derrière leurs remparts. Ceux-ci allant d'un orgue dronique jusqu'à un jeu de batterie presque dub. Cependant, Dolores aurait mérité un brin de chaleur supplémentaire ainsi qu'une dose de folie outrancière pour la contempler avidement et s'éprendre infiniment.