Angel
Once Upon a Time
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1- The Torch / 2- Black Moon Rising / 3- It's Alright / 4- Once Upon a Time an Angel and a Devil Fell in Love (And It Did Not End Well / 5- Let It Rain / 6- Psyclone / 7- Blood Of My Blood, Bone Of My Bone / 8- Turn The Record Over / 9- Rock Star / 10- Without You / 11- Liar Liar / 12- Daddy's Girl (Bonus Track) / 13- C'mon (Bonus Track) / 14- Let the Kid Out (Bonus Track)
Où une (sévère) mise en garde s’impose d’entrée de jeu
Il se dit souvent que le ridicule ne tue pas (1). Mais, objectivement, on ne sait jamais. Avec Angel, on touche aux confins du risible. Par conséquent, les lecteurs et lectrices qui craignent le ridicule sont priés de passer leur chemin afin de s’éviter des frayeurs inutiles.
D’autant plus que, dans le corps du texte, il sera question de choses aussi épouvantables que l’Adult Oriented Rock, Frank Zappa, un Démon, Las Vegas ou la Cicciolina…
Où l’historien se fait prophète du passé
1975. L’Eurock, une chimère rétroactivement ahurissante, fait vibrer les petits rockers. Il se dit que, dans chaque pays d’Europe, des groupes de rock progressif s’exprimant dans leur langue nationale et célébrant leurs particularismes locaux, vont se lever et conquérir le monde. C’est là que Angel, le brillant premier album d’Angel, atterrit dans les rayons des disquaires. Et, malgré l’origine américaine du groupe, les petits rockers, portés par une vague de fraternité un peu aveugle, acclament l’Ange comme un groupe d’Eurock légitime. Et le collectionneur range ce disque américain parmi les vinyles d’Eloy, PFM, Tea, Kayak, Machiavel, Omega, Ange ou encore Aphrodite’s Child.
Où l’Ange meurt
Phagocyté par l’entourage de Kiss, Angel devient une caricature de groupe glam rock. Malgré quelques compositions brillantes, malgré une exposition médiatique d’envergure et malgré un merveilleux logo "ambigramme", le public ne suit pas. En 1981, le groupe disparaît faute de trouver une maison de disques qui lui accorde le moindre crédit artistique...
Où l’Ange renaît de ses plumes (2)
Le monde est ainsi fait que les créatures divines ne renoncent jamais, même quand tout semble perdu. Décennie après décennie, Frank Dimino (chant) et Punky Meadows (guitares) vont s’obstiner à ressusciter "leur" groupe. Il faut leur reconnaître une obstination sans pareille. C’est d’autant plus vrai que les deux hommes vont d’entrée se heurter au veto définitif du claviériste Gregg Giuffria, le principal et génial artisan des compositions progressives d’Angel (3), désormais fort occupé à gérer des casinos à Las Vegas.
Il faudra attendre 2019 pour retrouver Angel en armée céleste prête à en découdre à nouveau, ce qui nous vaudra le privilège de les croiser enfin sur des scènes européennes.
Risen, le premier témoignage discographique de cette renaissance, est un désastre. Les seuls critiques qui veilleront à épargner le groupe feront référence aux Bay City Rollers, un déplacement antigénique entre la peste et le choléra qui avait infesté le paysage musical des années soixante-dix.
Où l’Ange retrouve une petite place au sein du Ciel rock
Les pisse-vinaigres vont probablement s’offusquer du propos mais j’affirme, d’une part, que Punky Meadows est un six-cordiste remarquable (4) et, d’autre part, que Frank Dimino est un vocaliste de toute première bourre.
Once Upon A Time marque une résurrection. Cette résurrection que je n’attendais plus est clairement à mettre à l’actif du claviériste Charlie Calv qui assume pleinement l’héritage du hard adult oriented rock pompier américain du siècle dernier.
Les amateurs nostalgiques du style (du moins ceux qui survivront à la vue de la pochette) trouveront avec Once Upon A Time de quoi réchauffer leurs vielles articulations, engourdies par quarante années de privations. Il y a du Journey, du Styx, du Meat Loaf lyrique, du Quiet Riot, du REO Speedwagon et, évidemment du Angel pur jus, dans cette nouvelle livraison.
Des titres comme "The Torch" (qui évoque opportunément "The Tower", la plage maîtresse du premier opus), "Black Moon Rising", "Let It Rain" (avec de la vraie pluie en intro et en outro), "Blood Of My Blood, Bone Of My Bone" (délicieusement putassier) ou "It’s Alright" méritent une écoute réjouie malgré leurs fondements anachroniques.
Once Upon A Time se déguste comme une réconfortante madeleine, trempée dans un chocolat trop chaud (et parfumé au miel de printemps).
Les amateurs et amatrices d’absolues gugusseries opératiques adoreront tout particulièrement "Once Upon A Time An Angel And A Devil Fell In Love (And It Did Not End Well)" (5) dont le pont musical est enjolivé par de longs râles orgasmiques (non crédités) d’un réalisme digne d’un porno italien seventies d’Ilona Staller. Un must.
Où l’on s’abonne compulsivement à Vatican News
C’est l’Ange qui nous aide parce qu’il regarde Dieu et qu’il sait quel est le chemin. N’oublions jamais ces compagnons de route !
Ainsi soit-il, petits rockers !
(1) Je parle d’expérience. Le ridicule ne tue pas mais condamne parfois l’humain à la solitude. Depuis 1975, au hasard de mon existence, j’ai côtoyé un sacré cénacle d’allumés des deux sexes et je n’ai jamais rencontré quiconque d’autre que moi qui aimât Angel et possédât tous les albums du groupe. Cela dit, ma condition aurait été pire encore si j’avais été fan de, par exemple, Hällas…
(2) Pas de ses cendres puisque seuls les Démons se consument.
(3) Après Angel, il fondera l’éponyme Giuffria puis le puissant House Of Lords.
(4) Punky a été la tête de Turc musicale préférée de Frank Zappa (dont il faut absolument écouter "Punky’s Whip") et a poussé l’élégance jusqu’à rejoindre le maître de Baltimore sur scène pour lui répondre, note pour note, avec sa Fender crème. Trop chou, non ?
(5) J’adore les morceaux dont tout le texte se trouve déjà dans le titre… Parmi mes exemples préférés, il y a "Objects In The Rear View Mirror May Appear Closer Than They Are" de Meat Loaf.