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Critique d'album

Anathema


The Optimist


(09/06/2017 - Kscope - Doom / Prog athmosphérique - Genre : Hard / Métal)
Produit par Tony Doogan

1- 32.63N 117.14W / 2- Leaving It Behind / 3- Endless Ways / 4- The Optimist / 5- San Francisco / 6- Springfield / 7- Ghosts / 8- Can't Let Go / 9- Close Your Eyes / 10- Wildfires / 11- Back to the Start
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Un road trip musical digne de David Lynch qui confine au chef d'oeuvre"
Nicolas, le 13/06/2017
( mots)

À force de s'enquiller quantité de disques, on finit par percevoir instinctivement, dès les premières minutes d'écoute d’un nouveau venu, que l’on tient quelque chose d’exceptionnel. N’en doutez pas : The Optimist est de ces albums qui vous happent dès leurs prémices et qui ne vous lâchent plus, et si certains croyaient que les liverpuldiens d’Anathema avaient atteint leurs limites avec le superbe Weather Systems, qu’ils se rassurent : la barre vient d’être franchie, et le sublime n’est sans doute désormais plus très loin.


Pourtant, cette onzième (!) œuvre jouit d’une histoire et de particularismes qui la différencient de ses petites sœurs. Tout d’abord elle n’est pas le fruit du seul Daniel Cavannagh, comme c’était le cas des quatre derniers disques d’Anathema, mais d’une écriture commune, partagée à parts égales entre ce même Daniel, son frère Vincent et le pilier John Douglas qui n’avait plus été crédité au songwriting depuis A Fine Day To Exit. Et ça tombe bien d’ailleurs : The Optimist, concept album que l’on détaillera plus loin, reprend les choses là où AFDTE - ou plutôt son artwork - les avaient laissées et en constitue la suite à la fois logique et déroutante. Troisième point, l’album a été longuement rodé sur scène avant de naître en studio, les musiciens ayant pu prendre la température des salles et ajuster leur rendu en fonction des différentes réactions recueillies. Quatrième et dernier point, The Optimist a été enregistré en configuration live aux studios Castle Of Doom de Glasgow, tous les musiciens s’étant réunis en cercle dans une grande salle et jouant ensemble les morceaux du disque tel qu’on peut le voir sur le clip de “Springfield”. Ajoutez à cela que ce n’est plus le suédois Christer-André Cederberg qui est aux manettes mais l’écossais Tony Doogan (propriétaire de Castle Of Doom) qui a contribué à “faire” des artistes de son pays tels que Belle and Sebastian et surtout Mogwai. Le décor est planté, place à la trame.


A Fine Day To Exit, “une belle journée pour en finir”. Oui, c’est gai, mais que voulez-vous, Anathema n’a jamais été connu pour brasser des thématiques heureuses, au contraire même. En dépit d’une tonalité volontiers “optimiste” (tiens donc) depuis leur entrée chez Kscope, les liverpuldiens ont toujours aimé se confronter à des sujets graves, la mort, le deuil, la dépression, le désespoir. Et le fameux protagoniste présent dans la voiture, qui contemple la plage par cette belle fin d’après-midi ensoleillée, est bien décidé à mettre un terme à son existence, à entrer dans les flots et à se laisser emporter par les ondes. C’est là que commence The Optimist. Pris d’un sursaut vital, l’homme s’arrête, appréhende la gravité de son acte, fait demi-tour, rentre dans sa voiture, met le contact, enclenche l’auto-radio et appuie sur l'accélérateur, enclin à tout laisser derrière lui (“Leaving It Behind”) et à démarrer une nouvelle vie. Oui, mais pour aller où ? De clairvoyant, le héros s’enlise dans son propre intellect, errant sans but dans l’espace et le temps, allant d’un point à un autre sans trop savoir où il est, ou pire, qui il est. La confusion s’installe au gré d’une ambiance de plus en plus floue : son âge fluctue, son sexe également, à mesure qu’il - ou elle - s’enfonce dans un trip onirique qui devient de plus en plus incertain, inquiétant, anxiogène. Jusqu’à son inéluctable conclusion : l’optimiste est revenu à son point de départ (“Back To The Start”), condamné à mettre fin à ses jours car ne disposant plus d’aucune alternative de salut. Par ce scénario digne de David Lynch, l’auditeur est ainsi convié à une sorte de Mulholland Drive sonore, balloté d’une ambiance à une autre, entre inquiétude et félicité, certitudes et doutes, espoir et résignation. Bien évidemment, vous l’aurez compris, le titre de l’album est porteur d’une ironie on ne peut plus mordante.


“There’s no way of knowing / The dream I’m creating”. Jamais Anathema n’avait pris un tel soin à tresser ses ambiances. Le disque fourmille de samples et de bruitages qui immergent l’auditeur dans une ambiance irréelle, le faisant pérégriner avec le héros de ce drame onirique. Chaque détail intrigue, ici un appel téléphonique, là un train qui passe près d’une voie ferrée, une porte qui s’ouvre, une voix étouffée. L’on s’extirpe parfois de ce voyage la peur chevillée au ventre, mais une mère vient promptement nous rassurer, “It’s OK, it’s OK, just go back to sleep”. Jusqu’à l’épilogue surréaliste, perdu au décours d’une longue période de silence à la fin de “Back To The Start”. Une guitare douce, un enfant capricieux, un petit oiseau qui chante, un père aimant qui nous tend la main. Oui il y a de la lumière dans The Optimist, indépendamment de la chaleur qui irradie - souvent - de ses chansons, mais il faut savoir aller la chercher dans ses ultimes retranchements. Petite anecdote amusante, le nom du titre d’ambiance introductif (“2.63N 117.14W”) correspond aux coordonnées GPS exactes de la plage proche de San Diego où a été prise la photographie de l’artwork d’A Fine Day To Exit.


On sent désormais qu’Anathema est au faîte de ses possibilités. On savait le groupe à l’aise dans les crescendos-decrescendos enflammés - c’est une peu leur marque de fabrique - ou dans les balades à cœur ouvert, on voit désormais qu’ils parviennent à exceller dans tous les cas de figure. Si leurs mélodies demeurent d’une simplicité confondante, la beauté qui en émane n’en est que plus magique. The Optimist se montre bien plus varié que leurs précédents albums, plus aventureux aussi, en un sens plus floydien, plus risqué mais au sens d’un risque payant, loin de la routine ou de la redite. Le piano y prend une place de choix, même si toutes les couleurs habituelles de la fine équipe sont présentes et que les guitares font régulièrement pleuvoir leur ire. S’y ajoute une touche électronique bienvenue, savamment maîtrisée (superbe mariage avec une guitare électrique pugnace sur “Leaving It Behind”, superbe trip hop symphonique avec “Ghosts”), faisant penser à Archive ou à Radiohead. Les égos se dissolvent dans l’œuvre, en témoigne le rôle moindre de Vincent Cavannagh au micro et la place grandissante de la voix d’Elfe de Lee Douglas, chacun jouant le même rôle à des stades de personnalité différents, des échos qu’ils se renvoient d’un titre à l’autre (Lee qui reprend en toile de fond quelques notes d’“Endless Ways” sur “The Optimist”, par exemple), et tous deux s’effaçant souvent lorsque la nécessité l’impose. The Optimist est en effet un album d’ambiances qui sait se montrer beaucoup plus instrumental que ses prédécesseurs, en témoigne le climax du disque réalisé par la double destination “San Francisco” - “Springfield”, cœur magnifique de beauté, quasi dépouillé de paroles hormis quelques poussées d’angoisse de Lee sur le second : “Where did I get here? / I don’t belong here”. Le rêve tripant du premier laisse place à la mélancolie empreinte de peur et de mal-être du second, point de rupture d’un disque qui, initialement droit dans ses bottes (“Leaving It Behind”, “Endless Ways”, “The Optimist”, tous trois très classiques), bascule dans l’irréel et l’irrationnel : le diaphane “Ghosts” où l’on s’ouvre à l’impossible, l’habile jazz de bar de “Close Your Eyes” où l’on s’abandonne à l’irréel, et l’asphyxiant “Wildfires” gorgé d’échos de plus en plus étalés où la psychose s’installe en toute quiétude. Seule tentative d’échappatoire, “Can’t Let Go” où la douceur de Vince Cavannagh essaye de résister à la folie qui l’assaille mais ne peut que succomber face à l’évidence criante mais résignée d’un final en roue libre (“Back To The Start”, hymne wilsonnien pétri de certitudes désenchantées). Et il y aurait encore tant à dire !


Que ce soit bien clair : The Optimist est un album majeur, sans conteste le meilleur d’Anathema et l’un des plus sérieux prétendants au titre de disque de l’année 2017. Si vous ne connaissez pas encore le rock atmosphérique aussi simple qu’envoûtant des natifs de Liverpool, ne manquez pas cette découverte. Les autres, foncez dans la nuit tous phares allumés, engagez-vous dans ce road trip à nul autre pareil, et gare à l’arrivée. À l’image d’un Steven Wilson dont le Hand.Cannot.Erase., brassant lui aussi une thématique contemporaine lourde, a su nous bouleverser comme jamais, Anathema se trouve ici au seuil du chef d’œuvre, et l’avenir seul nous dira si la porte se verra définitivement ouverte. Un disque fantastique, dans tous les sens du termes.

Avis de première écoute
Note de 4.5/5
En prenant le contre-pied de ces derniers émoluments épiques, Anathema offre un voyage minimaliste et torturé à ses auditeurs, bien loin des progressions d'accords mammouthesques et des chorales angéliques de Weather Systems ou Distant Satellites. The Optimist brouille ses cartes musicales, atteignant un niveau d'arrangements et de richesse sonore inédit pour le groupe, tout en narrant remarquablement les tourments d'un homme confronté à sa propre mort. Haletant, fascinant, désenchanté, Anathema vient de livrer un très grand disque, quoique pas forcément le plus facile à appréhender. Allez, faites un effort pardi !
Commentaires
Trypto, le 12/10/2017 à 15:45
Je ne partage pas complètement votre enthousiasme pour The Optimist. En effet, j'ai trouvé l'album très rapidement ennuyeux, voire un peu indigeste à la longue. La main mise de Danny Cavanagh sur le groupe n'y est sans doute pas étrangère. Chaque morceau - et pas un ne fait exception - est basé sur une strate qui se répète ad nauseum. Là où cette technique était parcellaire dans les autres albums, elle éclate avec insistance dans cet opus. Je regrette également la mise au ban de Vincent dont le timbre, travaillé, sensuel parfois, puissant quand il le faut, manque énormément. Lee chante bien, mais c'est en duo qu'Anathema sont plus forts et peuvent montrer toutes les nuances de leur talent. Je les crois donc loin du faîte de leurs possibilités. Peut-être dans le prochain ?
anathemafrance, le 22/06/2017 à 13:22
Très complet, bonne analyse, très bonne critique, merci https://www.facebook.com/anathemafrance/
patroc, le 15/06/2017 à 19:12
Belle critique du nouveau superbe album des membres d'Anathema. A la qualité musicale (Daniel, véritable virtuose guitare et piano) s'ajoutent les voix magnifiques de Vincent et surtout de Lee Douglas. Comme écrit dans la critique, simple mais fort.. Merci à eux..