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The Vaccines : vrais sauveurs ou faux prophètes ?


Nicolas, le 02/05/2011

Le Fast Rock : nouveau modèle des années 2010 ?


Autre élément de réponse apporté par une analyse plus fine de l'album What Did You Expect From The Vaccines? . Le plébiscite critique de ce disque (anglais, tout du moins) risque de valider un rock instinctif, viscéral, fiévreux, et jusqu'ici tout va bien, mais plus encore risque d'offrir un chèque en blanc à un rock simple, voire simpliste. Un petit coup d'oreille à l'opus s'avère à cet égard sans appel : pas de prise de tête intellectuelle, pas de raffinement dans les textes, pas de message à faire passer, les Vaccines se focalisent uniquement sur le ressenti de l'instant présent. La planète peut tourner, le climat peut se détraquer, la crise économique peut s'emballer, rien a faire : les inquiétudes de la jeunesse restent intériorisées voir occultées, et les types préfèrent se préoccuper de leurs chagrins d'amour que de leur prochain. Rien de nouveau sous le soleil nous direz-vous, Cobain ne faisait pas beaucoup mieux. Ce qui risque par contre de diviser, c'est le rendu esthétique global et notamment la simplicité extrême des constructions. La batterie se contente de marteler un fort-faible binaire (ou un fort-fort, ce qui ne s'avère pas beaucoup plus subtil), les guitares crachent du riff ultra-simpliste, rarement en soutien mélodique et s'octroyant plutôt un rôle purement bruitiste (genre on est jeune, on a des grattes et on va vous en mettre plein les oreilles), et la basse se contente souvent de compléter à l'octave inférieur le chant de Justin Young. Troisième versant de la simplicité : l'accessibilité, et là encore les Vaccines poussent le bouchon assez loin. Ce premier album contient onze titres envisagés dès l'origine comme des tubes, onze mélodies immédiates, onze refrains instantanément reconnaissables et mémorisables. Les textes des chorus apparaissent réduits au strict minimum et sont parfaitement compréhensibles par le plus médiocre des anglophones, les répétitions d'expressions sont employées à l'excès ("If you wanna come back it's all right, it's all right / It's all right if you wanna come back / Do you wanna come back" etc etc..., ou encore "Put a wetsuit on, come on, come on / Grow your hair out long, come on, come on / Put a t-shirt on / Do me wrong, do me wrong, do me wrong"), et les lignes de chant posent des ritournelles alertes en mode majeur particulièrement fluides. On est loin de Radiohead et de ses multiples écoutes cryptiques, cela va sans dire, d'ailleurs le témoignage d'un fan transi du combo d'Oxford, trouvé par hasard sur un forum de discussion, pose en clair la problématique que ce genre d'album risque de susciter : "Je préfère largement devoir écouter sept fois The King Of Limbs sans en tirer le moindre plaisir avant de commencer à prendre mon pied, plutôt que d'apprécier le premier album des Vaccines dès la première écoute pour devoir le jeter à la poubelle au bout de sept". Encore faudrait-il démontrer que What Did You Expect From The Vaccines? mériterait d'être balancé aux orties après quelques poignées d'écoutes, ce qui, pour l'expérience personnelle de l'auteur de ces lignes, ne se révèle pas du tout évident.


Mais tout de même : faire le choix des Vaccines, en 2011, c'est clairement faire le choix de la facilité, de l'instantanéité et des sensations immédiates. C'est faire le choix d'un rock pas franchement subtil, populaire, voire vulgaire risqueront certains (les racines latines de ces deux mots étant d'ailleurs assez proches), et qui risque très vite de faire un malheur dans les stades, que ce soit en concert ou dans les tribunes des supporters d'Arsenal. C'est faire le choix d'un rock ostensiblement bas du front, pas futé pour deux sous, bruyant et tapageur, qui n'est pas là pour nous émouvoir ou nous faire réfléchir tout en douceur mais pour nous secouer et nous vider la tête en quelques fractions de secondes (et deux - trois coups de médiator). Si l'on osait une analogie culinaire... allez, osons. On pourrait dire que la musique de Radiohead serait un repas dans un restaurant ayant trois étoiles au Michelin : le menu apparaît travaillé, léché, fignolé dans ses moindres détails, subtil et délicat, on n'en perçoit pas tous les détails dès les premières bouchées, voir même on ne l'apprécie pas tant que cela quand on y goûte la première fois, mais on a pris le temps de sortir, de bien s'habiller, de se mettre à table dans une ambiance feutrée et presque recueillie, on a pris le temps de manger lentement et d'apprécier chaque petite nuance de goût... en clair, c'est admirable, mais ça nous a demandé un certain effort tant culturel qu'intellectuel (et financier). Les Vaccines, à l'inverse, ce serait un repas chez Mac Do : on le décide dans l'instant, on atterrit derrière le comptoir sans savoir vraiment ce qu'on veut ingurgiter, cinq minutes plus tard on se retrouve avec de grosses bouchées de hamburger entre les dents, le goût est fort, outrancier, quelconque mais étrangement rassurant et satisfaisant, le salé se mélange au sucré sans prévenir, les gouttes de sauce éclaboussent la table, on s'en met plein les doigts, on se marre entre copains sans craindre d'incommoder les voisins, et sans s'en être rendu compte on a déjà balancé les restes du plateau à la poubelle et on est passé à autre chose. Soit dit en passant, ce mode de restauration convient parfaitement à notre époque moderne éprise de rapidité, de superficialité, de picorage et de survol global de l'existence, et en ce sens, si l'on retient l'analogie du fast food pour décrire le rock des londoniens, le rendu de la musique des Vaccines colle parfaitement avec leur culture musicale globalisante. La question que nous pose donc le NME et ses sbires est la suivante : souhaitez-vous plus de fast rock dans vos auto-radios, vite capté, vite apprécié et (potentiellement) vite oublié ?


Bien sûr, l'opposition entre Radiohead est les Vaccines se révèle éminemment superflue. Après tout, chacun est libre d'écouter ce qu'il veut, et un adepte des repas gastronomiques dans les restaurants étoilés peut parfaitement avoir envie de se faire un Mac Do de temps à autres en en tirant un plaisir réel et sincère. Si l'on met de côté cette guéguerre inutile entre tenants de l'avant-gardisme expérimental et défenseurs du rock ultra-mainstream, il faut tout de même reconnaître à cet album une qualité rare dans le milieu : sa fraîcheur. Peu importe, finalement, que l'on aime la pop, le hard, l'indie ou l'électro-post-proto-punk, chacun peut être à même de se laisser gagner par l'insouciance, le culot et la naïveté des quatre anglais (et c'est parfois bon, la naïveté, dans le rock). Qu'on se le dise : il n'est pas facile de prétendre construire un album gorgé de tubes, sans temps mort, un disque qui ne se pose aucune question et qui empile crânement les mélodies avec toute la candeur de sa jeunesse. Or là, il n'y a que l'embarras du choix. Que ce soit lors de rushs percutants passés en force et en vitesse ("Wreckin' Bar", "Norgaard"), au sein de grands hymnes de stade aux refrains enflammés ("If You Wanna", "Post Break-up Sex") ou dans des moments plus hétérogènes ("Wolf Pack" qui lorgne vers un Doves testostéroné, "A Lack Of Understanding" qui fait du Killers sans en faire des tonnes, ou "All In White" qui dépasse sans problème tout ce qu'à fait White Lies à ce jour), les Vaccines ne donnent jamais dans la subtilité mais étonnent par leur pertinence. Pas de style reconnaissable, comme on l'a vu plus tôt, ça part dans tous les sens et rien n'est réalisé en terme de recherche d'homogénéité, et pourtant l'album coule de source, et ce quel que soit le volume développé. Parfois tous les audiomètres sont sur le point d'exploser ("Blow It Up", tintamarre balourd mais d'une jovialité réjouissante), mais parfois les petits gars savent aussi se faire sensibles et jouer avec un certaine retenue ("Family Friend" et ses paroles nostalgiques sur fond de coulées de cordes tranquilles, "Somebody Else's Child" et son piano-voix pudique). Mais ce qui transparaît le plus dans cet album, c'est la morgue inébranlable des protagonistes et leur aisance juvénile insolente, cette espèce d'aura irrépressible qui ne sourit qu'à la jeunesse et qui lui fait réussir tout ce qu'elle entreprend. En un sens, What Did You Expect From The Vaccines? est peut être l'un des premiers grands disques issu de la jeunesse populaire anglaise qui nous soient parvenus depuis Definitely Maybe (même si les élans de ferveur qui ont découlé de ces deux disques ne semblent absolument pas comparables).

Vous l'aurez compris, cet article soulève bien plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Les Vaccines sont-ils ceux par qui le renouveau du rock passera dans les années 2010 ? Possible, mais comme il est toujours délicat d'anticiper sur un phénomène populaire, ce n'est pas à nous de l'affirmer. Si le New Musical Express et les autres canards anglais ont décidé de soutenir ce groupe, si leur campagne de propagande se révèle efficace, si l'accroche s'effectue auprès du grand public anglais, alors clairement les quatre londoniens peuvent aller très loin. What Did You Expect From The Vaccines? possède d'indéniables qualités, mais cet album risque de créer un clivage entre deux pans du public amateur de guitares électriques, surtout si son succès pousse ultérieurement sous les projecteurs d'autres formations opportunistes qui auront fait de la simplicité leur feuille de conduite. Écouter ou pas les Vaccines reviendra-t-il bientôt à partir en guerre avec ou contre eux ? Réponse dans les prochaines semaines, et rendez-vous à Rock en Seine cet été pour goûter au phénomène. Nous, en tout cas, on y sera.
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