
Interview de L'Impératrice
A l'occasion de la sortie d'un épisode consacré au groupe sur la chaîne partenaire Méloman. Nous avons décidé de mettre à votre disposition l'interview ayant été faite au préalable avec L'Impératrice avant l'un de ses concerts le 22 Septembre 2017 au Grand Mix à Tourcoing (les vrais savent). Vous pouvez donc visionner la vidéo et en découvrir les coulisses par écrit.
Albumrock : D'abord un court disque éponyme entre le disco et le hip-hop en 2012, puis un autre EP Sonate Pacifique en 2014 plus ambiant et instrumental (avec Loic du groupe Isaac Delusion en guest), vient ensuite Odyssée en 2015 qui marque l'arrivée de Flore dans le collectif malgré toujours une forte présence d'instrumental, et puis finalement Séquences qui est arrivé cette année pour nous faire patienter avec le premier album. Ca fait un sacré nombre d'EPs avant un premier album. Un attachement particulier pour ce format ?
Charles (fondateur, synthé) : Oui je pense. Le système veut qu'avec un album aujourd'hui tu te jettes un peu à l'eau. Financièrement c'est beaucoup moins cher. Tu peux le produire toi-même comme on l'a fait avec Sonate Pacifique et surtout Odyssée sans label ni rien juste avec l'aide d'Antoine notre manager. Je ne sais pas, il y a quelque chose d'assez confortable dans l'EP, ça se produit très rapidement. Et un album c'est long et si ça plaît pas t'as perdu 80 000 balles. Et puis l'EP va aussi avec la manière de consommer d'aujourd'hui. On revient à une ère de single plutôt qu'à l'album concept. Dans une interview James Murphy disait que quand tu vas voir une sculpture tu ne demandes pas ce qu'elle raconte. Dans l'album de LCD Soundsystem il y a une suite d'idées qui n'ont pas forcément de rapport.
Au fur et à mesure de vos productions, on peut voir que ça semblait important d'ajouter une version instrumentale de vos morceaux. Sans voix. Pourquoi ?
Charles : C'est un peu la base du projet. Au tout début on voulait proposer aux gens autre chose qu'un simple groupe avec une voix. Les gens ont tendance à s'accrocher à une voix et identifier le groupe à cette voix. Avec la qualité qu'avaient les musiciens qui ont rejoint ce groupe je me suis dit que c'était important de conserver à la fois notre amour pour les musiques de films et proposer aux gens d'écouter attentivement une ligne de basse ou un thème plus qu'une voix. Ensuite Flore nous a rejoint et on a essayé d'utiliser sa voix plus comme un instrument qui allait se fondre dans les mélodies et les harmonies pour donner une touche un peu plus humaine. Mais dans l'album il y a autant d'instrumentaux que de vocaux et pour nous c'est important.
En quoi l'arrivée de Flore a-t-elle changé votre style et votre rapport à votre musique en interne ? Qui écrit les paroles et quelle est leur place dans ce que vous souhaitez véhiculer ?
Charles : Ca a changé le rapport que le public avait avec nous. Ca l'a élargit évidemment. Nous en interne ça a changé notre façon de composer parce qu'il a fallu lui faire de la place forcément. Puis finalement nos morceaux sont devenus des chansons et ça a permis de les épurer. Maintenant les paroles c'est souvent Flore qui les écrit, moi je rejoins le truc ou inversement. C'est un peu un travail de groupe. Le gros pari c'était de faire ça en français parce que c'est une langue qui est très très belle. Evidemment il y a cette tendance au français depuis l'arrivée de La Femme il y a quelques années mais on se sent plus légitime d'écrire en français qu'en anglais. Et il y a plus de messages à faire passer. Mais on aime aussi divaguer sur des images, raconter des petites histoires ou se moquer de la variété française. Pas de dictat dans L'Impératrice. On fait ce qu'on aime.
Tom (batterie) : Le français c'est aussi un peu un instrument. Ca apporte une couleur à la voix. Et on trouve que cette couleur correspond bien à notre musique.
Charles : Surtout que depuis que Tom s'est mis à jouer de la batterie en Français c'est beaucoup mieux. Il articule beaucoup mieux. (rires)
Que ce soit dans votre communication ou encore dans votre utilisation des visuels et vos clips on voit tout de suite l'importance du cinéma dans vos influences. Ca a toujours été le cas ? Tous vos EPs ont été construit à la manière d'un film ?
Charles : Je ne sais pas si tout a été construit à la manière d'un film. Une influence une fois qu'elle est intégrée ça devient ton moteur de création et tu ne t'en rends plus compte. T'as envie que ça sonne comme ça parce que c'est cinématographique. Tu ne vas pas forcément essayer de raconter de manière à ce que ça fasse un film. Les mélodies de François De Roubaix, Michel Legrand, Ennio Morricone et compagnie... Ce sont des trucs qui nous touchent et qui nous parlent. Mais il n'y a pas que ça, on essaye de les mélanger à autre chose. Cela dit il y aura toujours ce côté cinéma dans le côté un peu planant et atmosphérique de nos compos. Par exemple "Séquences" et "Sultans des Iles" c'était plus assumé. La volonté de créer un mini film que ce soit dans le clip de "Sultan des Iles" ou ce que raconte "Séquences" sur les tribulations d'une actrice de charme... C'est vraiment une influence qui est là depuis le début.
Odyssée, que ce soit via la couverture ou le nom des titres, fait clairement penser à un hommage au cinéma de science fiction type L'Odyssée de l'espace. Pourtant, les clips "d'Agitations Tropicales" et "Parfum Thérémine" ont quand même chacun pris une approche totalement différente l'un par rapport à l'autre et ne se suivent pas vraiment. Etait-ce une question de moyens ? Où y a-t-il tout de même un lien réfléchi entre les deux ?
Charles : Pour "Parfum Thérémine" c'était pas du tout calculé. C'est notre ancien guitariste Martin qui est dans le cinéma et qui a proposé de faire un clip selon son ressenti et son expérience du morceau. Il a décidé de raconter l'histoire. Il y a quand même un truc cinématographique même si on est moins dans la science-fiction. Ce n'est pas du tout les mêmes milieux de réal'.
"Sultans des Iles", et son clip très travaillé fait hommage aux nanars sanglants. Un attachement particulier pour ce genre ?
Charles : Complètement. Je suis un vieux fan de films d'horreurs et surtout du giallo, le cinéma d'horreur italien des 70's. En particulier Dario Argento qui est son icône. C'est tellement un genre qui est codifié... je pense que la musique qu'on fait s'inspire de genres très codifiés que ce soit la musique de film ou le disco etc. Tout se rejoint. C'est un condensé de nos influences et des miennes peut-être. On a essayé de faire un clin d'oeil à tous ces films de Série B qui placent la femme au coeur de quelque chose (fantasme, désir...). Ce qui justifie le nom L'Impératrice. Une sorte de fascination pour l'émotion féminine : la grâce, la délicatesse, l'élégance. C'est un peu ce qui porte le projet.
J'ai noté un côté Daft Punk période Random Access Memories sur le morceau "Sultan des Iles" dans l'instru, en particulier pour le morceau "Motherboard". C'est une influence ?
Charles : On nous l'avait jamais dit. On nous a fait cette réflexion à la sortie du 1er EP parce que Daft Punk a sorti son album dans la foulée de mémoire. C'est plus l'influence disco, studio etc. Sur "Sultan des Iles" pas trop. On est plus sur un style variété type Michel Berger que Daft Punk.
Vous revendiquez un attachement particulier à l'exercice du live, est-ce que vous l'orchestrez d'une façon particulière ?
Flore : La plupart des morceaux sont réarrangés pour le live. On ne les joue pas tels quels comme dans le studio. Une façon d'orchestrer la musique. Après il y a quand même pas mal de bêtes de scène dans le groupe donc ça aide (regardent Tom, le batteur, et rigolent).
Est-ce que vous n'êtes pas dépendant d'un certain rythme de part tous les éléments électroniques de votre musique ou est-ce que tout est joué ?
Charles : Non non tout est joué. C'est vraiment important pour nous.
Un grand merci au groupe pour ce bon moment passé avec eux, au Grand Mix pour son accueil et à Microqlima Records pour l'organisation de cette interview.