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Discorama 2000's : les incontournables art rock


Maxime, le 17/09/2011

2008


Nine Inch Nails : Ghosts I-IV
Mars 2008

Libéré de Interscope après la sortie de Year Zero et de son album de remixes Y34RZ3R0R3M1X3D, Trent Reznor se retrouve prêt à mettre en œuvre un nouveau projet, sans pression et sans attente. Pour ceci, il invite ses amis compositeurs en les personnes de Atticus Ross, Alessandro Cortini, Adrian Belew, Brian Viglione et Alan Moulder, et en dix semaines, boucle un quadruple album composé en tout et pour tout de trente-six titres pour le lancer sur le net dans la foulée et prendre à revers tout son petit monde, découvrant cet album comme sorti de nulle part. Explorant les horizons dévoilés avec le merveilleux Still, Ghosts se trouve être entièrement instrumental. En effet, pas le moindre souffle vocal ne vient troubler ces morceaux étranges et vaporeux, diffusant leurs images comme si l’auditeur était la seule forme de vie encore capable de les observer à travers le filtre de sa vision.

Des vues fantomatiques qui se traduisent par des sonorités variées, s’éloignant du rock et des styles déjà abordés par Nine Inch Nails. Les compositions se voient enrichies en instruments, les guitares électriques et acoustiques côtoient de nouvelles cordes, le piano très présent est sublimé par un glockenspiel, la batterie domine de nombreuses autres percussions et bien entendu une multitude d’ambiances se posent en toile de fond, difficiles à définir voire à discerner. Car Ghosts n’est pas modelé à notre oreille. S’il est difficile de ne pas tomber à genoux devant la beauté de certains passages ("Ghosts 1" , "Ghosts 13") beaucoup resteront d’abord de marbre face à l’ensemble malgré un effort d’accessibilité qui se ressent. Mais toujours une mélodie attractive ou un rythme captivant font en sorte de focaliser l’esprit sur leur évolution, si bien que la surprise passée, on finit par s’abandonner au jeu et se laisser emporter par la puissance de l’évocation : des pistes froides et sans vie, natures mortes sonores oscillant entre visions industrielles en friche, bruitistes, dérangées ("Ghosts 8", "Ghosts 23") et paysages calmes et harmonieux ("Ghosts 28", "Ghosts 34"). Les structures sont dépouillées à l’extrême, les textures tordues jusqu'à la dissonance, les émotions mises à nu, non sans rappeler les ambiances de The Fragile.

Le travail sur le son est irréprochable et impressionnant pour un si court laps de temps. Des arrangements de cordes aux notes cristallines, tout est absolument perceptible et ne se laisse jamais dévorer par les fantômes mécaniques qui hantent chaque recoin et surgissent, importuns et dérangeants, au moment où l’on s’y attend le moins, si bien qu’il en est malaisé d’établir un jugement détaillé tant on passe très vite d’une partie à l’autre, parfois sans s’en rendre compte et oubliant immédiatement la précédente. On en arrive à une idée générale, un sentiment global qui ne peut être creusé que dans l’écoute. Etrangement l’on peut trouver autant d’homogénéité que d’hétérogénéité dans cet album, choisissant de prendre chaque piste comme une œuvre unique ou l’intégralité des morceaux comme un tout indivisible.

Avec cet album, Trent Reznor a montré qu'il pouvait encore surprendre, dans la création et dans la diffusion de son œuvre. Ghosts aurait pu être un album instrumental aux codes trop définis, suggestif mais facile, imagé mais peu inventif. Pourtant, il est surprenant, intrigant, reposant puis angoissant, caresse pour mieux agresser l’instant suivant. L‘essence bipolaire et éprouvante de Nine Inch Nails dans sa forme la plus épurée mais aussi la plus complexe, la faculté de faire revenir à son chevet l’auditeur, poussé par la curiosité. Un disque cinématique, visuel, figé, qui est également une preuve édifiante de la compatibilité entre un accès direct à la musique et une véritable rentabilité de l'artiste, pour peu qu'il ait déjà une certaine réputation dans son domaine. L’audace, toujours.
Geoffroy

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The Kills : Midnight Boom
Mars 2008

Jamie Hince et Alison Mosshart ont joliment creusé leur trou au sein de la vague néo-retro rock. Riffs décharnés, garage-blues charbonneux, voix exaspéré à la PJ Harvey, boite à rythme s'ébrouant sur les tempos cacochymes de Suicide, moue velvetienne, cigarettes carbonisées à la chaine et café brûlant ingurgité en continu, haine de l'époque... The Kills accumule tellement les preuves du bon goût qu'il était de rigueur d'exhiber au début des années 2000 qu'il forme le blason idéal de cette époque, peut-être même davantage que les Strokes ou les Libertines. C'est dire si les critiques n'ont pas manqué de les célébrer à coups d'expression clicheteuses dans un épuisant brouhaha pavlovien (les Bonnie & Clyde du binaire blabla tension sexuelle blabla rock'n'roll primitif blabla garage gratté à l'os blabla chansons en forme d'appel à la baise sèche blabla). Pourquoi pas au fond, leur premier album (Keep On The Mean Side, 2003) tient toujours bien la rampe aujourd'hui, Hotel a la bouille sympathique d'un Lou Reed de poche, VV exhale un charisme animal difficilement résistible, et personne ne niera la troublante alchimie embrasant chacune de leurs prestations scéniques.

Le duo américano-britannique aurait très bien pu se contenter de capitaliser sur cette formule, indifférent aux effets de mode. Sauf qu'en cette fin de décennie, leurs copains et soit-disant sauveurs du rock sont soit dans le mur, soit dans l'impasse. VV et Hotel ôtent leurs oeillères et se mettent à regarder le monde tel qu'il est. Avec quelques années de retard, ils découvrent les fastes des productions r'n'b modernes, s'extasient devant des prodiges actuels tels James Murphy, placide histrion capable de faire plier le post-punk aux codes du niveau millénaire. Le cap est fixé : le troisième album ne devra pas refuser le présent, mais s'y confronter. Il est l'heure d'engendrer un disque de rock qui embrasse son époque, et non plus de se prosterner devant les idoles d'une époque révolue. Fini l'enregistrement sur bandes analogiques, le couple requiert les services de XXXChange, producteur de l'ultra-branché Spank Rock et de son hip-hop mutant. Les musiciens passent leurs nuits rivés devant leur laptop, empilant de leurs doigts imbibés de nicotine les boucles et les beats. Jamie reste dans l'ombre, délaissant le micro pour laisser tout le champ à Alison. Il la toise avec les mêmes yeux enamourés que les Neptunes lorsqu'ils se portaient au chevet de Kelis et bâtit un écrin à la mesure de sa muse.

Avoir l'ambition de sonner comme les Cramps ou Royal Trux produits par Dr Dre peut faire sourire ou frémir sur le papier, toujours est-il que les Kills ont remporté leur pari. Midnight Boom parvient à élargir leurs horizons tout en se montrant d'une scrupuleuse fidélité à leur crasseux ADN. Le groupe a conservé son agressivité revêche, mais il se montre aujourd'hui ludique quand il était hier doctrinal, expérimental sur les bords quand il se revendiquait artisanal au milieu. L'humeur reste la même, dégueuler sur le monde moderne d'un air affecté, mais l'heure est à la danse nocturne et alcoolisée sur les tessons de bouteille. The Kills ne veulent plus seulement changer votre garde-robe, ils ont également pour mission de vous faire remuer le popotin.

Sous la houlette experte de son producteur embagousé, Jamie Hince a entrepris le chantier nécessaire pour s'accaparer l'efficacité maximale d'un Timbaland sans renier sa science du minimalisme et de l'approximation contrôlée. Plus variées et puissantes que sur les précédents disques, les rythmiques forment la colonne vertébrale du son Kills 2.0, poisseuses sur le lancinant "U.R.A. Fever", épurées à l'extrême, à l'image de la beatbox scandant le glacial "Tape Song", métronomiques le long du jogging nicotinique de "Getting Down" ou frétillantes pour accompagner l'aigreur d'une cheerleadeuse maussade sur le tubesque "Cheap And Cheerful". Conscient de ses limites techniques, Hotel traite ses riffs faméliques de la même manière que s'ils surgissaient d'un sampleur. Ses coups de médiator fusent comme des coups de griffes, crachotent comme un moteur usé, strient l'air sur fond d'infra-basses grondantes et de râles sourds, agonisent dans l'écho. Cadencée sur d'imperturbables roulis numériques, la machine ne cesse de vomir son épaisse fumée noire qui pique les yeux, infecte la gorge et embrume le cerveau.

En véritable Rihanna qui se prendrait pour une Debbie Harry des bas-fonds de Chicago, VV n'a plus qu'à minauder sur ce tapis sonore où le gloss se décante dans la chaux vive, et c'est avec joie qu'on l'entend enfin esquisser des mélodies du bout de ses lèvres gercées. Plus qu'une simple biyatch dirty pop astiquant les turbines de l'engin de son complice, Alison Mosshart confère toute la chair et l'âme d'un disque qui aurait pu sonner comme un simple exercice de style. Implorante sur l'imprécatoire "Last Day Of Magic", se demandant pourquoi elle est la seule cerise amère sur l'étalage sous les lourds coups de reins de "Sour Cherry", pleurant un New-York qu'elle n'a jamais connu sous la pluie de beats enroués du superbe "What New York Used To Be", l'égérie blafarde compose de petits bouts de refrains simples et répétitifs, comme des mantras obsédantes qui donnent aux interludes l'allure de comptines souffreteuses ("M.E.X.I.C.O.", "Alphabet Pony") et transforment les rares moments où l'album consent à baisser le rythme en réels instants de grâce ("Black Balloon"). Court et intense, Midnight Boom s'appréhende dès le premier tour de piste, mais son charme persiste au fil de écoutes. Des feulements, des bribes de guitares, des loops hantent longtemps le creux de l'oreille, telles de petites plaies qui rechignent à cicatriser.

Ainsi profilé, le disque entérine un peu plus l'ascension du duo aux confins de mainstream. Dans une époque où, rejeté par la télévision et les radios de masse, le rock n'a guère plus droit de cité que dans la publicité et les séries télé, les agences marketing se font un plaisir de puiser parmi ces 12 plages de quoi épicer les dialogues de Gossip Girl ou accompagner les nuits de débauche saphique de 13, l'énigmatique personnage de Dr. House. Les Kills deviennent indubitablement cool, et la planète indie s'étrangle. Bientôt, on ne pardonnera plus rien à VV et Hotel, ni les fiançailles de l'un avec la brindille la plus célèbre de la jet set, ni leur rôle de porte-manteau pour Zadig & Voltaire. Désormais il est de bon ton d'hausser les épaules devant leurs nouvelles productions, en témoigne l'accueil glacial qu'a réservé la presse digitale au récent Blood Pressures. Une volonté de relativisation derrière laquelle se cache parfois un délit de sale gueule (ou de dirty pretty face) pur et simple.

A la décharge de leurs détracteurs, il y a toujours eu chez les Kills quelque chose d'un peu antipathique, ce style fashion qui joue la carte de la fausse désinvolture, cette attitude très premier degré aux limites de la pose (genre "c'est nous deux contre le monde") qui tape franchement sur le système à la longue, un ensemble de codes hérités de l'aristocratie rock qui laissent la désagréable sensation que nous, pauvres auditeurs moyens, ne sommes pas assez bien fringués et distingués pour être dignes de les écouter. Apprécier les Kills exige donc un effort permanent, celui de faire le plus abstraction possible du duo, de déchirer les atours de leur image trasho-bohème savamment construite pour s'immerger dans les méandres filandreux de leur poisse sonore. A défaut de leur accorder un statut d'icônes dont personne n'a que faire depuis des lustres, au moins leur reconnaîtrons-nous leur valeur de symptômes. Sans doute pourra-t-on ressortir ce disque dans plusieurs décennies en se disant : "voilà comment une certaine frange du rock tentait de se redéfinir dans l'immédiat déclin de la vague garage du début des années 2000". Lunatique, poseur, suave, malin, superficiel, référencé et un peu blasé, Midnight Boom est un précipité magnétique de notre époque.
Maxime

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Portishead : Third
Avril 2008

Onze ans se sont écoulés entre la sortie de Portishead et ce troisième album sobrement intitulé Third. Une décennie qui a vu la musique évoluer. Du trip-hop des origines il ne reste pas grand chose : Massive Attack est parti explorer les terres d’une électro froide, Archive s’est mué en groupe de rock progressif, Tricky est revenu à une énergie plus brute, presque punk. Et Portishead dans tout ça ? Le groupe a pris son temps, hésité, fait des annonces pour toujours revenir en arrière. Les membres du trio n’ont pourtant pas chômé. Beth Gibbons s’est essayée à l’exercice de l’album solo, Adrian Utley est allé poser sa patte chez les autres, notamment sur le Fantaisie Militaire d’Alain Bashung. Enrichis de ces expériences, les Anglais déboulent finalement en plein été 2008 avec un troisième album inattendu.

En guise d’introduction, le gimmick entêtant de "Silence" offre quelques indices. Une caisse claire répétitive, une guitare électrique brute, des sons dissonants. Oui, comme leurs frères d’arme d’un mouvement auquel ils n’ont jamais voulu être affilié, les trois musiciens de Portishead ont délaissé l’abstract hip-hop pour proposer quelque chose de nouveau et de déstabilisant. Il s’agit toujours de proposer une émotion sèche, à fleur de peau, portée par la complainte de Beth Gibbons. Autour d’elle, les fioritures ont disparu. Aux samples et aux scratchs le Portishead 3.0 préfère un son froid. Des machines angoissantes et martiales se glissent partout, comme dans le très beau final de "The Rip". Elles ne cohabitent plus avec les cordes, elles leur répondent. Le plus bel exemple de cette dualité, "Small", commence en balade folk pour se terminer en fracas industriel. Flippant. Chacun des treize morceaux repose sur cet équilibre précaire, mais stable, oscillant entre le minimalisme mélodique d’un "Deep Water" et des essais presque bruitistes de "Machine Gun" et "We Carry On". Pour autant si l’auditeur s’accroche c’est que la formation anglaise parvient à garder sur l’ensemble une intensité remarquable. Tant qu’il en sera ainsi, le groupe à de beau jour devant lui.
Pierre


The Notwist : The Devil, You + Me
Mai 2008

Après avoir mis le monde entier d'accord avec l'essentiel Neon Golden, les membres de The Notwist se sont préoccupés de side-projects presque aussi bons (pêle-mêle : Lali Puna, Console, 13 & God… ) laissant à leur talent précurseur et leur electronica mélo le temps d'être apprivoisés pour de bon. C'est presque par surprise que le combo allemand se ressoude en 2008 pour pondre le petit frère : The Devil, You + Me. Par surprise, parce qu'à force de l'attendre, on pensait que face à la montagne, The Notwist renoncerait à viser aussi haut que le cosmique néon doré. Alors, il a fallu faire un choix, produire un auto-plagiat ou tenter un coup fourré et partir dans une direction tellement éloignée que la comparaison en deviendrait farfelue.

Avec le recul, il semblerait que les Bavarois aient emprunté les deux routes simultanément. Dans les grandes lignes, la recette est la même : superposition d'électronique et d'acoustique, boucles minimales en circuits fermés, voix atone reléguée en fond de ligne, nappes grésillantes et nostalgie post-mortem. Certains titres auraient même participé sans mal à la gloire passée, tel un "On Planet Off" glacial et mélodique. Oui The Notwist a fait du The Notwist, mais de tous ces ingrédients, souvent le dosage n'est plus le même. Les guitares ont pris du poids ici, quelles soient acoustiques dans la ballade folk "The Devil, You + Me" ou éléments d'apesanteur dans le splendide "Gravity". Et puis on décèle quelques nouveautés, comme les cordes épileptiques de "Where In This World" ou "Boneless", une ritournelle pop guillerette et malsaine à la fois.

C'est un peu comme revenir chez soi après deux mois de vacances. On reconnaît les structures bancales, les absences de rythmes ("Sleep"), on retrouve les frissons et les escalades désabusées ("Gloomy Planet"). Mais on sent bien que ce ne sera plus jamais pareil, que quelque chose a basculé. The Devil, You + Me est un album triste, lesté de poids superflus, à l'électrocardiogramme plat comme la main. "Hands On Us" et sa structure répétitive hantée de sons inquiétants en est le parfait symbole, une ligne droite ankylosée, portée par la voix placide de Martin Acher mais bousculée par des cordes qui se superposent à l'envi. Sans jamais reproduire l'état de grâce de Neon Golden, The Notwist a récupéré les mêmes ingrédients mais les a fondu dans une marmite où jamais ne filtre la lumière, ou presque. Et encore, ces rares instants lumineux épaississent l'ombre en contrebas. The Devil You + Me est un album sombre, lent et pesant, mais qui, par un procédé extraordinaire, exalte la moindre parcelle de vie qu'il contient.
Kévin

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