Thin Lizzy
Fighting
Produit par Phil Lynott
1- Rosalie / 2- For Those Who Love to Live / 3- Suicide / 4- Wild One / 5- Fighting My Way Back / 6- King's Vengeance / 7- Spirit Slips Away / 8- Silver Dollar / 9- Freedom Song / 10- Ballad Of The Hard Man
Pour Thin Lizzy, il se passe quelque chose entre Nightlife (1974) et Fighting (1975), bien que ce second puisse être légitimement considéré comme le véritable album de transition vers le "son", la "patte" du combo irlandais, celle qui fait son identité dans l’histoire du rock et qui aura tant d’influence dans les années à venir. Plusieurs raisons expliquent cette consolidation, en particulier la stabilité de la formation et la multiplication des performances scéniques : les deux guitaristes en particulier, Scott Gorham et Brian Robertson, entrent de plus en plus en osmose, ce qui permet d’aboutir à la marque identitaire du groupe, les twin-guitars, aussi essentielles chez eux qu’elles le sont chez Wishbone Ash, dans un registre un peu différent. L’autre élément est bien sûr le côté saturé, heavy, qui est de plus en plus assumé : Thin Lizzy devient la légende du hard-rock qu’on connaît avec cet opus, en témoigne la pochette pré-NWOBHM un brin caricaturale.
Twin-guitars et saturation renforcée certes, mais c’est avant tout l’avalanche de tubes qui font de Fighting un très grand album. L’introductif "Rosalie", reprise accélérée de de Bob Seger, parvient à sonner très 1970’s tout en musclant le propos, notamment par rapport au matériau de base. Robuste, "Suicide" swing avec autant de classe que de puissance : les parties solistes y sont absolument novatrices, notamment le premier interlude dans l’installation brillante du dialogue entre les deux guitaristes. Que dire des petits traits funky derrière "Fighting My Way Back", qui font de cette excellente composition un tube universel ? On n’oubliera pas "Freedom Song" qui m’a toujours semblé être d’une réelle modernité dans son approche du rock, aussi bien par la façon de chanter que par des mélodies de guitare assez surprenantes, à la limite de la dissonance.
Preuve d’une phase de transition, Thin Lizzy continue d’accoster sur d’autres rivages esthétiques allant jusqu’au blues-rock plutôt léger ("Silver Dollar"). Le tamisé "For Those Who Love To Die", un peu soul, est sublimement interprété par le chant chaleureux de Lynott et gorgé de lignes de guitare subtiles, tandis que le final bascule dans une anticipation de l’esthétique Heavy du début des 1980’s (le groupe est une référence importante de la NWOBHM). Côté ballade, "Wild One" est terriblement attachante et ses mélodies doublées impérissables, "King’s Vengeance" possède de légères réminiscences folkloriques sur les lignes acoustiques avant de regagner des rives plus Heavy et "Spirits Slips Away" se la joue Steely Dan après une introduction grandiloquente. C’est surtout la seconde face, globalement moins pertinente et plus diversifiée, qui confirme que l’album est bel et bien une transition, même si attention, ces pionniers du Heavy maintiennent tout au long de leur carrière un goût prononcé pour l’éclectisme musical (on citera l’excellent "Dancing in the Moonlight" sur Bad Reputation) … Quoique, "Ballad of the Hard Man" contredirait cette affirmation sur la seconde partie de l’album en inscrivant un point final avec une encre résolument Heavy bien que moins inventive (à ce titre, l’inspiration de Motörhead pour "Lost Woman Blues" pourrait bien venir de là – Aftershöck, 2014).
C’est peu dire que le combat de Thin Lizzy pour trouver une identité sonore qui lui est propre et un semblant de succès a été long. Mais la volonté, les efforts et l’obstination ne furent pas vains, puisque de ceux-ci est née une "rock legend".
A écouter : "Rosalie", "Suicide", "Wild One", "Fighting My Way Back", "Freedom Song"