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Critique d'album

Sumé


Sumut


(00/00/1973 - - Rock (Groenland) - Genre : Rock)
Produit par

Note de /5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Vive le Groenland libre !"
François, le 09/07/2023
( mots)

Portée par les indépendances des années 1960 et les idées politiques d’extrême-gauche des longues années 68 (de 1962 à 1981, selon la chronologie dressée par les historiens dont Michelle Zancarini-Fournel), la jeunesse occidentale des 1970’s s’est emparée de la musique populaire pour porter des revendications qui mêlaient questions identitaires et sociales. Le rock progressif italien des années de plomb, souvent marqué à gauche et chanté en langue vernaculaire, les groupes québécois comme Harmonium qui s’engagent dans la cause indépendantiste, les exemples sont nombreux et parfois surprenants. L’étude de cas la plus originale provient sûrement du Groenland où le groupe Sumé a saisi au vol l’esthétique rock pour promouvoir (et peut-être même initier) la cause indépendantiste de l’île.


Formé en 1972, Sumé témoigne de l’expansion du rock jusqu’aux marges de l’Europe : le succès du genre musical dans les pays nordiques, notamment au Danemark où une très belle scène Heavy-prog’ est active, atteint les rives du Groenland, peut-être aidé par l’installation de bases américaines qui furent un très bon outil de softpower culturel.


Bien que le statut colonial du Groenland ait été abrogé en 1953, faisant de l’île une composante à part entière du royaume avec des élus au Folketing (le parlement), il ne bénéficie d’aucune autonomie avant 1979 et le gouvernement danois s’applique à transformer les habitants de parfaits Danois (par l’école, l’urbanisme) au mépris de la culture locale. Dans ce contexte, les revendications autonomistes commencent à se structurer, un premier Parti Inuit éphémère est fondé en 1964, et la jeunesse groenlandaise, notamment sa frange la plus éduquée, se rend compte des différences de traitement et se forme aux idées révolutionnaires. Le paradoxe est le suivant : c’est depuis Copenhague, la capitale des colonisateurs, que les étudiants à l’origine de Sumé prennent conscience de la question groenlandaise et c’est la ville qui leur apporte la structure nécessaire à leur essor. En effet, le label Demos qui produit leur premier album, est basé à Copenhague où il fut créé par des collectifs gauchistes opposés à la guerre du Vietnam. Le label est lié au quartier hippie autogéré de Christiana, épicentre de la contreculture danoise qui occupe une ancienne base militaire (et qui rayonne au-delà du Danemark puisque les Islandais d’Icecross y avaient trouvé un public réceptif). Depuis Christiana, la politique trouve une expression musicale avec des groupes engagés qui sont justement publiés par Demos, comme Rode Mor ou Agitpop, et cette écurie soutient également la cause groenlandaise dans la suite de ses convictions anti-impérialistes. 


Si Sumé s’approprie un genre musical occidental, il le subvertit par le métissage : le chant est en groenlandais, la polyphonie est très présente, le tambourin traditionnel apparaît de temps à autre, les paroles reflètent leur besoin d’identité. La pochette participe de cette démarche politique. Elle est tirée d’une gravure sur bois de 1860 réalisée par l’historien et artiste groenlandais Aron de Kangep et représente les combats entre Inuits et Danois, à travers la figure légendaire de Qasapi vainqueur de l’armée colonisatrice d’Uungortoq.


Au-delà de la surprise liée aux sonorités d’une langue peu courante, la musique de Sumé n’est pas des plus originales, avec son lot de titres rock 1970’s calibrés et encore marqués par les 1960's ("Er?asûtekarnek", "Imigagssa?", "Nalunaerasuartaut Tokuvok") ou plus pop comme le slow instrumental un peu kitsch "Heimaey Erkaivdlugo", le folk "Ukiak" et "Upernâk" qui mêle harmonica, saxophone et polyphonie. Certains morceaux demeurent mémorables, parmi lesquels on citera le hard-rock léger et rythmé "Pivfît Nutât" au refrain entêtant, la pièce plutôt folk "Ilivnut Pulavdlunga" dotée d’un bon solo de guitare. Ce sont surtout les hybridations qui retiennent l’attention : la légèreté presque californienne de "Pilerinek-Tikínek" et son long chorus de saxophone, le titre folk "Tamorassâriat" qui laisse s’exprimer un violon aux réminiscences celtiques, le soft-rock "Erkigsinek Sapinarama" remarquable pour son pont en polyphonie traditionnelle.


Malgré tout, cet album est une œuvre incontournable du patrimoine de la musique rock : son immense succès au Groenland où chaque foyer disposait d’une copie, en fait la première gloire de l’histoire du rock local et selon certains, l’acte de naissance des revendications indépendantistes. Une aventure qui a été immortalisée dans un documentaire réalisé en 2014, Sumé – The Sound of a Revolution, preuve de la place du groupe dans l’histoire groenlandaise.


À écouter : "Pivfît Nutât", "Ilivnut Pulavdlunga", "Erkigsinek Sapinarama"

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