Red Hot Chili Peppers
The Getaway
Produit par Danger Mouse
1- The Getaway / 2- Dark Necessities / 3- We Turn Red / 4- The Longest Wave / 5- Goodbye Angels / 6- Sick Love / 7- Go Robot / 8- Feasting on the Flowers / 9- Detroit / 10- This Ticonderoga / 11- Encore / 12- The Hunter / 13- Dreams of a Samurai
Certains détails ne mentent pas. Comme lorsqu’en cherchant la meilleure façon d’aborder ce Getaway, on en vient à envisager une comparaison avec un album auquel Frusciante n’a pas participé, en l'occurrence One Hot Minute, puis qu’on se rende compte avec effroi qu’après deux écoutes de ce classique, on n’a plus du tout, mais alors plus du tout envie de retourner se farcir le petit dernier.
Revenir sur la déliquescence artistique dans laquelle se trouvent plongés les Red Hot Chili Peppers n’a que peu d’intérêt, on vous renverra au réquisitoire brossé à l’époque d’I’m With You en se contentant de signaler, à toutes fins utiles, que rien n’a changé depuis 2011. Autrefois personnalités musicales truculentes éprouvant des envies d’émancipation et d’élévation, les piments rouges, qui n’ont plus de chauds et d’épicés que le nom, se réduisent désormais à une envie d'exister dénuée de la moindre personnalité. Les Kiedis, Flea et Smith sont lessivés, essorés depuis au moins 2002, voire 1999 pour les moins tolérants d’entre nous. En cela, on peut au moins reconnaître à John Frusciante le mérite d’avoir su dire stop, d’avoir refusé de poursuivre la mascarade routinière de ces rock stars décaties se rendant en studio ou jouant au stade comme d’autres pointeraient au Pôle Emploi : par dépit et/ou par habitude. Le choix, pour le remplacer, du transparent Josh Klinghoffer ne fait qu'entériner la carence d’un projet dévalant sans frein une pente indolente jusqu’à une future sortie de route dénuée de gloire.
Et rien ne pourra y faire. L’entourloupe visant à nous faire croire qu’entourré d’un bon producteur, un groupe serait capable de se galvaniser ne tient pas la route une seule seconde. Si Rick Rubin n’a jamais été connu pour pousser ses divers protégés dans leurs ultimes retranchements, imaginer que Danger Mouse et quelques tours de passe-passe puissent engendrer un miracle n’a aucun sens. Même sculpté avec minutie et enduit d’un verni rutilant, un étron reste un étron, et comme la matière de The Getaway est la même que celle ayant servi à concevoir I’m With You, Stadium Arcadium et By The Way, le résultat est peu ou prou identique. Une espèce de funk-pop ventripotente et molle du slip, tantôt gluante comme une guimauve qui serait restée fondre au soleil, tantôt s’accrochant à certains axiomes autrefois magnifiés mais semblant désormais irrémédiablement hors d’atteinte. Que sont les Red Hot aujourd’hui si ce n’est une entreprise impersonnelle vouée à s’auto-plagier pour tenter de séduire les générations n’ayant pas encore écouté Blood Sugar Sex Magic ? Sauf qu’à l’époque, il y avait de l’allant, de l’énergie, du style, du groove, de la dope et du sexe. Même les titres lents des 90’s estampillés RHCP transpiraient la classe, l’envie, l’excitation tellement les quatre hommes épiçaient leurs compositions de vécu et de stupre. The Getaway, lui, ne fait pas transpirer le moindre pore de peau. À son écoute, on aurait presque envie d’enfiler une petite laine, histoire de ne pas attraper froid.
A partir de là, s’autoriser à dresser l’oreille en entendant la ligne de basse tonique - mais d’une confondante normalité - de “Dark Necessities” (compter aussi sur un petit up en fin de “Goodbye Angels”), l’enrobage synthétique daft-punkien de “Go Robot” ou les allants jazzy de “Feasting On The Flowers” ne nous empêchera pas de sombrer immanquablement dans l’ennui face à cette longue collection de titres mollassons, poseurs et creux. Savoir que Klinghoffer joue de la basse sur “The Hunter” ou qu’Elton John est au piano sur “Sick Love” nous en touchera une sans faire bouger l’autre. Et lorsqu’arrive le seul morceau potable parmi les treize ici proposés, “Encore”, sympathique balade contemplative, il est déjà beaucoup trop tard. Le reste du disque, faisons bref, n’a strictement aucun intérêt. Aucun. Ni remarquable, ni médiocre, simplement anecdotique, banal, insignifiant. Trivial. L’écoute de The Getaway ne suscite ni passion, ni haine, elle passe par une oreille en ressortant par l’autre, sans provoquer ne serait-ce qu’un tout petit début d’érection. Rien à voir avec les orgies priapiques auxquelles nous avaient habitué les Red Hot Chili Peppers dans les 90’s.
Mais même indépendamment de leur statut de gloire passée, les RHCP pourraient encore, malgré le poids des années, être capables d’enthousiasmer même par intermittence. Nous en sommes loin, et plus le temps passe, plus nous pouvons, plus nous devons faire le deuil de ces ex-joyeux libidineux. Il n’y aurait plus qu’un souhait à formuler : que ça s’arrête, et vite. Hélas, tels que nous sommes partis, les auspices nous prévoient au moins quatre ou cinq albums de cet acabit d’ici les soixante-dix ans de Flea. Ne nous leurrons pas : nous n’en avons hélas pas terminés avec les Red Hot.