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Critique d'album

Metallica


Ride the Lightning


(27/07/1984 - Megaforce - Thrash/heavy metal - Genre : Hard / Métal)
Produit par Metallica, Flemming Rasmussen

1- Fight Fire With Fire / 2- Ride the Lightning / 3- For Whom the Bell Tolls / 4- Fade to Black / 5- Trapped Under Ice / 6- Escape / 7- Creeping Death / 8- The Call of Ktulu
Note de 5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
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Maxime, le 29/09/2008
( mots)

Metallica est un groupe dont la carrière doit beaucoup aux caprices du destin, livrant sa discographie aux uchronies les plus folles. Quels visages auraient les albums de Four Horsemen si Cliff Burton ne s’était pas allongé à l’arrière du tour bus en cette nuit du 24 septembre 1986 ? Et si le Black Album n’avait pas rencontré ce succès tonitruant, y’aurait-il eu les Load/Reload, ce diptyque maudit ? Quelle aurait été la substance de St Anger si les musiciens ne s’étaient pas adjoints les services de Phil Towle, ce charlatan aux polos tous plus gerbants les uns que les autres, payé 40 000 dollars par mois pour balancer des inepties comme "Rentrez dans la zone" ou "Croire c’est vouloir" ? Il y eu pourtant une époque où Metallica contrôlait pleinement sa trajectoire, à la seule force de son talent et de sa volonté. C’est dans ces temps reculés qu’il délivra ses disques les plus mythiques devant lesquels se prosterneraient plusieurs générations de metal addicts. Et c’est véritablement avec leur second album qu’ils purent bâtir le ciment de cette gloire métallique.

Avec Ride The Lightning, les Four Horsemen s’écartent déjà d’une impasse vers laquelle ils fonçaient tête baissée : celle d’un thrash metal pur et dur, uniquement centré sur son énergie et sa capacité d’agression. Le combo aurait très bien pu capitaliser sur la formule de Kill’ Em All, faire toujours plus rapide, plus violent. Une telle course en avant les aurait, soit condamné dans l’oubli (comme le fut Venom, pourtant véritable institution du genre à l’époque), soit à se maintenir devant un public plus restreint mais déférent, comme c’est plus ou moins le cas avec Slayer. Car il y aura toujours un nouveau groupe plus brutal, une nouvelle mode plus attrayante pour venir ringardiser une formule qu’on croyait gravée dans le marbre. A ce titre, l’éviction de Dave Mustaine, si on met de côté son addiction à l’alcool qui le rendait ingérable, a sans doute été une bonne chose pour l’évolution stylistique du groupe. Megadeth, qu’il a formé ensuite dans la rancœur, est une démonstration en creux de ce qu’aurait pu devenir Metallica s’il avait gardé le furieux rouquin dans ses rangs : une machine thrash à l’efficacité indéniable, mais trop engoncée dans ses dogmes pour repousser ses limites. Libéré de l’influence de Mustaine (qui avait signé, comme il ne cessera de le marteler par la suite, bon nombre de titres de Kill’Em All), le combo peut ainsi redéployer ses forces selon une nouvelle géométrie : allier la rythmique puissante d’Ulrich et les riffs terribles d’Hetfield, les sublimer par des constructions complexes que bâtit Cliff Burton, musicien incroyablement doué et ouvert d’esprit, capable de citer le punk hardcore le plus virulent comme les symphonies de Bach, et laisser aux solos d’Hammet le soin d’épater les guitaristes en herbe.

C’est avec cette configuration remaniée que Metallica, durant les diverses tournées soutenant son premier effort, compose progressivement les huit titres qui garniront son nouvel album. Kill’ Em All, pour un disque de speed metal, avait fait des chiffres plus qu’honorables (entre 15 et 20 000 copies sur le territoire américain). Mais leur label actuel, Megaforce, a une assise financière trop faible pour financer l’enregistrement de leur second opus. Martin Hooker, label manager de Music For Nations, se charge alors de mettre la main au portefeuille. Disposant désormais d’un budget, le groupe se met en quête d’un producteur. Gardant un très mauvais souvenir de l’enregistrement de leur précédent disque, réalisé sous le regard mutique d’un professionnel indifférent, il souhaite bénéficier de l’expérience d’un ingénieur du son aguerri, assez motivé pour s’impliquer sérieusement dans le projet. Impressionnés par son travail sur le Difficult To Cure de Rainbow, les Four Horsemen jettent leur dévolu sur Flemming Rasmussen et se rendent dans son studio basé à Copenhague, le Sweet Silence, ce qui est l’occasion pour Lars Ulrich d’opérer un véritable retour en terres danoises. En ce milieu des années 80, le metal est loin de faire l’unanimité, et les techniciens du studio accomplissent leur besogne avec une froideur teintée de mépris. Seul Rasmussen croit dur comme fer dans le potentiel de ses nouveaux protégés : "La majorité des gens du studio pensaient que la musique de Metallica était la pire merde qu’ils aient jamais entendu mais moi, je l’adorais !"* Poussés par l’ambition et le désir de bien faire, les cinq se mettent au travail sans relâche. Astreints par un budget limité, les musiciens s’imposent des séances de travail débutant à sept heures le soir et s’achevant le lendemain vers cinq heures du matin, dormant la journée au premier étage du studio. Le labeur s’avère rapidement payant, les démos prennent de plus en plus corps, les structures se dessinent, les petits détails se mettent à fourmiller. Il y a dans le lot "Fade To Black", une ballade qui pourrait faire s’étrangler de rage les premiers fans du quatuor. Curieusement, les principales réserves se focalisent davantage sur "Trapped Under Ice" que le groupe trouve un peu trop pop à son goût (!).

Bouclé en deux sessions d’enregistrement (février et mars, puis peaufiné début juin), Ride The Lightning sort le 27 juin 1984 dans les bacs. Il marque un saut qualitatif impressionnant par rapport à Kill’Em All. Si ce dernier n’était pas avare de certaines subtilités (tel que le fameux solo de basse de Burton sur "Pulling Teeth"), il n’en restait pas moins une déclaration de guerre pure et simple ne trouvant sa raison d’être que dans une sauvagerie quasi-systématique uniquement braquée sur les cadors de l’époque en matière de violence décibélique qu’il s’agissait alors de dépasser (ce qui en fait certainement aujourd’hui le disque de Metallica qui a le plus mal vieilli). Sous sa pochette belliqueuse (une chaise électrique sur fond d’un ciel zébré d’éclairs), Ride The Lightning montre que le groupe n’a pas perdu sa colère mais qu’il l’a sophistiquée, et détaille point par points son programme de destruction massive qui fera des ravages dans les rangs des teenagers pendant plusieurs décennies : vitrifier l’auditeur à coup de guitares sanguinaires, l’ébahir au moyen de parties instrumentales denses, conjuguer la rage pure et une certaine recherche du Beau. L’impact de la musique de Metallica trouve son point d’ancrage dans cette capacité à déployer une fougue testostéronnée capable de subjuguer les foules adolescentes et d’agir comme force légitimante : on écoute Metallica parce que c’est puissant, mais également parce que c’est bien joué.

La réussite de Ride The Lightning réside également dans la rigueur de sa construction, qui n’est pas sans rappeler celle des premiers grands manifestes Hard Rock du début des années 70 (Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple). Mis en perspective avec son successeur, on constate que ce deuxième album préfigure, comme un luxueux brouillon, Master Of Puppets, la Grande Œuvre. Ces disques se regardent en miroir : tous deux axent leur thématique principale sur la mort. Ride The Lightning est à ce titre quasi-conceptuel dans le sens où chaque morceau détaille une exécution différente (par la glace, par l’électricité, par destruction nucléaire, par le feu…). La grande faucheuse est ici abordée dans son versant mythologique ("Creeping Death" fait référence aux sept plaies d’Egypte relatées dans la Bible) et littéraire ("The Call Of Ktulu" met en scène une nouvelle de Lovecraft, "For Whom The Bell Tolls" jette quant à lui un clin d’œil explicite au roman d’Ernest Hemingway), tandis qu’elle sera rattachée sur le disque suivant à des sujets comme le désespoir, la guerre, l’aliénation mentale, la drogue ou la manipulation. Sur le plan de la structure, on observe également bien des similitudes : une introduction acoustique laissant place à un déferlement d’électricité ("Fight Fire With Fire", "Battery"), une ballade placée en plage 4 ("Fade To Black", "Welcome Home"), un morceau de bravoure titanesque ("Creeping Death", "Master Of Puppets") et un instrumental fleuve ("The Call Of Ktulu", "Orion"). Par la ciselure apportée à sa composition, Metallica élève le thrash metal au rang d’exercice technique où la virtuosité importe autant que la virulence, et lui impose un souffle épique inédit jusqu’alors.

S’ouvrant sur quelques notes de guitare acoustique ployant rapidement sous une gerbe de cymbales et le vrombissement d’un riff fanatique, "Fight Fire With Fire" fait directement suite à Kill’Em All, avec sa haine crachée sans concession sur un tempo frénétique. Or, même si l’esprit reste le même, les progrès en matière de production décuplent la puissance du propos. Les riffs mitraillés par Hetfield (certainement l’un des plus grands guitaristes rythmiques du genre) rugissent de lourdeur alors qu’ils sonnaient auparavant péniblement aigus à plusieurs reprises, tandis que son chant, même s’il n’est pas encore parvenu à maturité, n’évoque plus le glapissement d’un teckel enragé. Le journaliste américain Martin Popoff résume ainsi la chose : "C’était quelque chose d’entièrement novateur, c’était un nouveau type de heavy metal. La production, à la fois subtile, houleuse et explosive, était incroyable. La vitesse d’exécution était surhumaine." Le groupe enfonce le clou sur "Ride The Lightning", introduit par une basse-pilon aussi lourde qu’une envolée de rhinocéros. Ce rare rescapé de l’époque pré-Kill’Em All (Dave Mustaine l’a co-écrit, tout comme "The Call Of Ktulu") fusille un mid-tempo de brusques ruades corrosives avant que Kirk Hammet, encore loin d’avoir systématiquement recours à une wah-wah fatigante, ne vienne cribler le tout d’un solo déchiqueté dans la reverb. L’album assoit définitivement sa singularité sur la piste suivante, quittant les terres du thrash pour s’aventurer davantage vers le heavy metal. Ouvert par un tocsin qui n’est pas sans rappeler le morceau éponyme de Black Sabbath, "For Whom The Bell Tolls" illustre à la perfection un Metallica en pleine possession de ses moyens, déployant riffs sur riffs avec une précision chirurgicale au moyen d’une introduction martiale de plus de deux minutes durant laquelle la basse fuligineuse de Cliff Burton s’enroule sur des salves de guitares intraitables sur lesquelles Hammet caracole en tricotant son manche, évoquant la marche inéluctable du condamné à mort conduit à l’échafaud. Première ballade du quatuor, "Fade To Black" instaure un modèle de composition qui sera repris ensuite sur quasiment chaque album ("Welcome Home", "One", "The Unforgiven", jusqu’à "The Day That Never Comes") : instaurer un climat tendu, puis fendre l’atmosphère d’un orage de guitares déchaînées, alterner ensuite ces deux climats jusqu’au fade out final. Loin de faire fuir les amateurs, le titre devient un classique instantané, et sera guetté à chaque concert.

La seconde face (rappelons qu’à l’époque le cd n’a pas encore fait son apparition et que la scission d’un album vinyle en deux partie fait sens) relance la machine avec "Trapped Under Ice", galop thrash des plus conventionnels rapidement éclipsé par les autres morceaux de l’album. Il sera d’ailleurs rarement joué en concert, au même titre que la chanson suivante, "Escape", exercice heavy empreint de lyrisme et d’une certaine mélancolie. Mais les véritables morceaux de bravoure sont bel et bien les deux derniers titres qui clouent les derniers réfractaires sur place. "Creeping Death" célèbre un Metallica au paroxysme de sa maîtrise et de sa vigueur, qui a compris qu’on ne maintient pas en haleine l’auditeur en dispersant l’énergie en continu, mais au contraire en la canalisant, en la modulant pour s’imposer note après note. La chanson s’ouvre et se ferme sur le même final apocalyptique, entre lesquels chaque musicien donne sa pleine mesure, Hetfield en débitant un chant tour à tour craché et vindicatif, Burton et Ulrich en formant une assise métronomique ne laissant aucune échappatoire, Hammet en livrant l’une de ses plus belles parties, débouchant sur un break monstrueux qui, là encore, avance les prémices du futur "One". L’épique "Call Of Ktulu" ferme la marche, le long de ses neuf minutes intenses progressant imperturbablement vers un final époustouflant. Plus ou moins ignoré par les fans, qui ne voyaient dans cet instrumental qu’une conclusion remarquable, le titre trouve son heure de gloire quinze ans plus tard lorsqu’il est interprété avec un orchestre symphonique pour le double live S&M, à l’occasion duquel Metallica gagna le Grammy Award de la meilleure performance rock instrumentale. Notons également que le final du morceau avait servi de générique à l’excellente Music Planet, la défunte émission musicale d’Arte.

La secousse sismique de ces intenses 47 minutes fait bien vite des ravages. Le disque s’offre une entrée dans le Billboard 100 aux Etats-Unis, ce qui est à l’époque du jamais vu pour un album de metal extrême, tandis qu’il entame une percée remarquable en Angleterre et en Allemagne. Dans la jeune garde metal, on rase les murs. Les Exciter, Exodus, Testament, Possessed, Kreator sont renvoyés à l’hospice direct ou condamnés à l’oubli, les Four Horsemen consolidant leur supériorité en se lançant dans une tournée monstre de plusieurs mois beaucoup plus longue que celles de la concurrence (ce qui sera réitéré ensuite pour chaque album) pour aller convertir des indécis un par un. Désormais trop gros joueur pour les trop frêles épaules de Megaforce et Music For Nations, Metallica signe sur une major (Warner) par le biais du label Elektra et rentre dans le giron de la société de management de Def Leppard, Q-Prime. Considéré comme l’un des meilleurs albums du combo de San Francisco, Ride The Lightning fera pour lui office de garantie à vie. On lui pardonnera tous les Load du monde tant qu’au concert on pourra headbanger sur "For Whom The Bell Tolls" et beugler "Die ! Die ! Die !" dans le break de "Creeping Death". Avec ce coup de maître qui préfigure le chef d’œuvre Master Of Puppets, Metallica prenait possession du trône tant convoité du meilleur groupe de metal du monde pour un règne sans partage qui allait durer pendant plusieurs années. So let it be written, so let it be done.



* Les citations proviennent toutes de la biographie non officielle de Joel Mc Iver : Metallica – Que justice soit faite ! (traduction Serge Lefaure), édition Camion Blanc, 2005

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