Lunatic Soul

Le succès du dernier Riverside et sa capacité à brasser un large public peuvent en témoigner, Mariusz Duda est aujourd'hui l'un des frontmen les plus en vue de la scène New Prog. Non content d'avoir propulsé sa formation comme l'une des plus talentueuses de la scène progressive actuelle, le Polonais a également entamé à la fin des années 2010 un projet solo sous le nom de Lunatic Soul, avant de s'aventurer sur des terres plus mâtinées d'électro minimaliste sous son propre nom lors du confinement de 2020. Pour cet album, il s'entoure de proches avec Michal Lapaj de Riverside aux claviers ainsi que de quelques noms connus de la scène progressive polonaise issus des groupes Indukti et Quidam.

Situé entre la première trilogie fondatrice de Riverside, récemment chroniquée sur notre site et l'album Anno Domini High Definition, le premier album de Lunatic Soul est un petit bijou opérant un mariage très réussi des genres, entre folk progressive, world music et trip-hop mâtiné d'électronique. Duda laisse de côté sur cet album les riffs métalliques qui font désormais partie intégrante de l'identité musicale de Riverside pour prendre le temps de développer des morceaux plus acoustiques, aux tempos plus lents, et surtout plus expérimentaux.

Les atmosphères de ce premier album sont ainsi plurielles, tantôt obscures et angoissantes à l'image des instrumentaux "Prebirth" et "Where The Darkness Is Deepest", tantôt oniriques et aériennes avec le conclusif "Waiting for the Dawn" et son alliage de flûte et de cordes. Sur ce projet solo, Duda peut librement laisser vagabonder son inspiration entre jig celtique et transe orientalisante et expose son spleen avec un travail remarquable sur les nuances vocales. Ce dernier reste un formidable chanteur, toujours expressif et sensible dans sa manière de poser la voix, magnifiant la délicate ballade "Adrift", dépouillée de tous artifices pour mieux faire émerger l'émotion, jusque dans ce beau solo de guitare conclusif. Son interprétation toute en nuance permet également de magnifier le minimalisme instrumental de "The Final Truth", qui s'interroge sur ce qu'il reste de nous après la mort, loin de toute esbroufe démonstrative, pour en faire l'un des morceaux les plus prenants de toute sa discographie.

Duda est également un musicien hors pair, capable d'insuffler une progression mélodique d'une grande intensité et de la laisser s’exprimer dans tous les styles musicaux. Disons-le clairement, ce premier opus réussit tout ce qu'il entreprend, de la boucle acoustique hypnotisante de "The New Beginning" et sa flûte virevoltante à la rythmique orientalisante de "Out On a Limb", qui fait voler en éclat un début de morceau particulièrement sinistre, en passant par les arpèges de piano délicats qui accompagnent le développement de "Summerland", fixant le cap entre folk médiévale, beats électroniques, et slapping de basse. Lunatic Soul vient également marcher sur les plate-bandes d'Archive sur "Near Life Experience" lignes de piano et de basses s'entrecroisant en totale harmonie ou sur le titre éponyme, avec la douceur infinie de sa mélodie portée par les envolées de sa section rythmique, rappelant la grandeur mélancolique d'un titre comme "Again" (Album You All Look the Same to Me).

Avec ce premier album, Duda fait bien plus que lancer son side-project, il lui donne toutes ses lettres de noblesse en proposant des sonorités radicalement différentes de l'univers développé avec Riverside mais tout aussi séduisantes. Et d'autres excellents albums vont suivre...