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Critique d'album

Leprous


Aphelion


(27/08/2021 - Inside Out - Metal prog norvégien - Genre : Hard / Métal)
Produit par David Castillo, Adam Noble, Einar Soberg

1- Running Low / 2- Out Of Here / 3- Silhouette / 4- All The Moments / 5- Have You Ever? / 6- The Silent Revelation / 7- The Shadow Side / 8- On Hold / 9- Castaway Angels / 10- Nighttime Disguise
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Einar Solberg à son sommet. Un bijou, à la croisée des chemins entre rock alternatif enflammé, pop symphonique et djent metal"
Nicolas, le 13/10/2021
( mots)

À un moment où à un autre, tout groupe doit se heurter à ses limites, plus ou moins hautes selon les talents impliqués dans l’aventure. S’il n’est pas forcément évident de repérer de prime abord une telle phase de plénitude artistique, on peut parfois appréhender, assez immédiatement, à l’écoute d’un disque, que l’on touche là à une sorte de quintessence de ce que la formation en question est capable d’accomplir, vouée dès lors à s’égaler ou malheureusement à décliner. Aphelion est de ces disques-là, de ceux qui se posent comme une pierre angulaire, une magnétite, un maître étalon. Sur ce septième disque studio, Leprous vient sans aucun doute de commettre son chef-d'œuvre.


Cela fait plusieurs années que l’on suit l’équipe d’Einar Solberg, ces talentueux norvégiens gravitant autour du milieu black qui ont très tôt bifurqué vers un metal prog racé marqué par de fortes singularités tant sonores - avec ce chant de contralto si particulier du frontman - que techniques et esthétiques. On les savait attirés vers davantage de lumière, de légèreté, d’éclectisme aussi, n’hésitant pas à puiser leurs inspirations dans la pop et le rock alternatif. The Congregation avait signé une nette percée marquée par ses signatures rythmiques stupéfiantes. Malina enfonçait le clou en se plaçant à la croisée des chemins entre Behemoth et Radiohead. Las, Pitfalls se posait comme un faux-pas car tournant trop le dos à leur ADN métallique. Ne restait alors plus qu’à rééquilibrer les forces en présence, à laisser de nouveau parler la distorsion, à réintégrer pleinement le petit prodige Baard Kolstad derrière ses fûts et à affiner encore l’écriture et l’interprétation. Le résultat, Aphelion, paré d’un magnifique artwork futuristo-ésotérique, se pose comme une fulgurante réussite.


Dans ce disque, tout semble couler de source. Chaque instrument est à sa place, chaque élément mélodique s’emboîte parfaitement avec tous les autres, la progression des pistes se fait avec naturel. Leprous jette un œil en arrière et renoue avec tous ses fondamentaux, les sonorités du heavy metal saupoudrées de djent - tendance présente mais peu mise en avant, les arrangements symphoniques axés essentiellement sur les violoncelles, l’électronique distillée avec intelligence, les décalages rythmiques scotchants, l’élégance du jeu de percussions... On ne cesse de le répéter, mais ce jeune cogneur norvégien est une perle comme on en voit peu. Il apporte tellement de musicalité dans sa batterie que l’on n’a de cesse de songer à un certain Gavin Harrison. Par extension, Aphelion, à certains moments et malgré le gap qui sépare Leprous de The Pineapple Thief, affirme une filiation évidente avec le nouveau maître étalon de Bruce Soord, à savoir Your Wilderness. C’est surtout flagrant sur “Running Low” qui tire tout son sel de ce dialogue entre Solberg et Kolstad, rappelant la prouesse réalisée par le duo Soord-Harrison sur “No Man’s Land”. Mais “Running Low” va nettement plus loin que son modèle. Rarement on aura vu une telle maîtrise de la distorsion - utilisée ici comme vrai moteur mélodique - et des respirations, une telle réussite dans l’incorporation successive des instruments - avec ce solo de violoncelle dissonant absolument magique, et surtout une telle surprise dans l’explosion du refrain qui prend totalement l’auditeur par surprise, claque autant musicale que purement sonore, avec ce swing improbable et cet enthousiasme du thème vocal. On pourra toujours - et beaucoup le feront - accuser Einar Solberg d’en faire des caisses derrière son micro, et c’est sans doute vrai. Mais en définitive ces outrances, comme quelque part celles de Matthew Bellamy chez Muse, quoique dans un registre assez dissemblable, renforcent la personnalité et le singularisme du groupe. On adhèrera où non à cette voix enflammée, lyrique, émotive, ou on rejettera le groupe sans autre forme de procès. Faites l’essai, mais si la proposition ne vous effraie ni ne vous ulcère pas, alors on ne peut que vous inviter à poursuivre ce splendide voyage.


Car “Out Of Here”, dans un registre complètement différent, ne laisse pas retomber le niveau. La première moitié ne dépareillerait pas, là encore chez le Voleur d’Ananas, tout en épure, pudeur et tristesse contenue, mais rares sont les groupes qui, comme Leprous, sont capables de raviver une braise en moins d’une seconde pour incendier tout le paysage, et ce titre y parvient à merveille, là encore avec une puissance renversante. Les norvégiens maîtrisent tellement bien leurs influences et leurs outils que l’on reste bouche bée devant leur inventivité. Ici c’est une électronique asphyxiante qui étrangle l’auditeur, avec un son élastique à la dynamique assez prodigieuse (“Silhouette”), là cette même musique par ordinateur va se montrer lancinante, bardée d’inspirations et de silences tandis que le frontman laisse échapper un mince filet aigu (“Have You Ever?”), avec toujours ces signatures rythmiques syncopées qui créent une attente, une tension. Comme à chaque fois avec Leprous, la production s’avère remarquable, peut-être même davantage encore sur cet opus-ci, grâce soit rendue au duo David Castillo (à qui l’on doit le sublime City Burials de Katatonia ainsi qu’Heritage d’Opeth) - Adam Noble (plus connu pour son boulot avec Biffy Clyro, Liam Gallagher ou Placebo).


On sait Solberg épris de pop, on lui connaît l’envie de toucher les masses, de réaliser des titres forts, fédérateurs, d’écrire de beaux refrains qui s’accrochent au cerveau pour ne plus le lâcher. La tendance peut irriter, mais à l’écoute de la délivrance d’un “The Silent Revelation” qui sait se montrer entêtant sans renoncer à la facilité structurelle - avec son intro énervée en trompe-l’œil et ses couplets dépouillés, on se laisse très facilement conquérir. Et puis la bête maîtrise tellement bien son affaire que l’on a tôt fait de lui pardonner ses allants. Même dans le registre du crescendo, Leprous vient de poser un nouveau jalon avec un “Castaway Angels” qui débute dans une excessive délicatesse pour s’achever sur une touche lyrique totalement irrésistible, impeccablement soutenue par un délicat jeu de guitares en écho. Peut-être un peu plus téléphoné, “All The Moments” se rattrape facilement dans sa conclusion étendue articulée autour d’un beau temps faible au piano avant que les violons ne laissent éclater leur majesté.


Ce lyrisme, Solberg sait s’en moquer au point que tout effet d’épure s’en trouve immédiatement magnifié. “On Hold” joue de ces contrastes, prenant appui des fêlures et des fragilités de sa présentation pour mieux dynamiter le morceau à mi-parcours, là encore presque par surprise. “The Shadow Side” en est également un exemple parfait, avec un chanteur qui à l’inverse opte pour un refrain fluet, cristallin, d’une fragilité saisissante, avant de le répéter dans une version incandescente qui transfigure complètement le titre. Derrière, les bandmates ne sont pas en reste. Loin de tous les clichés du metal, chacun joue avec ses codes, explore d’autres horizons, comme Tor Oddmund Suhrke qui, sur ce même titre, délivre un solo magistral, musical, sensible, remarquablement interprété, tellement éloigné des clichés métalliques. Une collusion, un plaisir de jouer ensemble qui éclate complètement sur le conclusif “Nighttime Disguise”, morceau le plus éclectique, le plus spectaculaire du lot, convoquant le djent de Meshuggah, la fibre pop électro-symphonique de Susanne Sundfor et la science mélodique de Radiohead. Véritables montagnes russes musicales, le titre se conclut par un grawl apocalyptique, rappelant à notre bon souvenir l’origine extrême de Leprous et à quel point le colosse Solberg maîtrise son organe. 


Rien à ajouter, vraiment. Alliant une production hallucinante, un socle mélodique en béton armé, une interprétation technique en très haute altitude et mixant le tout avec une personnalité saisissante, Leprous vient de nous livrer son magnum opus, celui auquel toute sa production future se verra immanquablement renvoyée. À la croisée des chemins entre pop symphonique, rock alternatif et djent prog, Aphelion se pose comme une référence qu’il va être bien difficile de surpasser. La marque des plus grands, sans l’ombre d’un doute.


À écouter : "Running Low", "Out Of Here", "Castaway Angels", "Nighttime Disguise"

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