Eon Megahertz
Members Of The Evil Trance And Its Exclusive Organization
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1- M.E.T.E.O.R. / 2- The Spektor Machine / 3- The Atom Age / 4- Mantra / 5- Incense Power / 6- Operation Gold In Oran / 7- The Night Of The Spanish Curse / 8- The Man From Tijuana / 9- Corporation Fix / 10- Miss Wong / 11- Under My Middle Finger
Si le rock dit "à guitares" (entendez par là nourri de riffs costauds) a bien pris en France, on peut regretter qu’il ait toujours investi les mêmes niches : nu-metal, metal extrême, punk hardcore… On ne remerciera donc jamais assez le label Sriracha (qui abrite entre autres Lofofora) de faire montre de courage et de venir nous proposer une formation hexagonale qui affiche des influences que l'on n'a pas l’habitude de voir brandies dans nos contrées. Originaires d’Antibes, les quatre farfelus d’Eon Megahertz ont d’abord fait chauffer les manches de leurs Gibson vintage sur des reprises des Sonics, Rolling Stones et autres Stooges avant de lancer un maxi (Computer Compatible) fin 2002. Cet EP ayant fait parler de lui, c’est avec fébrilité que l‘on fait connaissance avec ce premier album.
Les guitares de "M.E.T.E.O.R." vrombissent et déjà un rictus malsain et conquis se dessine sur nos lèvres. Voilà enfin des gars qui mettent les instruments au même niveau que la voix ! C’est assez rare en France pour qu’on le souligne. Avec ses textures velues et primitives, Members Of The Evil Trance… fait d’abord songer à du stoner pur porc, à la façon des dernières productions de Monster Magnet . Mais très vite on constate qu’on évolue plutôt du côté d’un rock décharné de la trempe des Cramps ou des Backyard Babies, pour aller chercher moins loin. Le disque évoque le rockabilly déglingué fourbi par des Rocket From the Crypt du fin fond de leur garage. La voix d’Ad, planant sur tout ce barnum avec un léger écho, galvanise, apostrophe, harangue ses troupes à coups d’hymnes branques qui feraient glousser de plaisir les brutes de MC5.
Alors que les musiciens pilonnent la prosopopée hirsute de "Mantra" on se dit qu’on a trouvé des équivalents nationaux de The Hives ("The Man Of Tijuana"). Sûr que ces types devraient bien s’entendre avec les psycho-rockeurs virtuoses de The Eighties Matchbox B-Line Disaster, même s’ils ne possèdent pas (encore) leur science occulte. Rien que le speedé "Operation Gold In Oran" prend les formes d’une réponse au "Mister Mental" chtarbé de leurs cousins de Brighton. Lorsqu’elle ne mouline pas à 230 km/h à contre sens sur autoroute ("The Spektor Machine"), la machine lève le pied le temps de quelques titres lysergiques pétris d’élans narcotiques ("The Night Of The Spanish Curse") provoquant des transes insomniaques au son desquelles Iggy ferait bien onduler son corps à demi-nu ("Corporation Fix").
Le blouson en cuir élimé du caveman moderne craque de surprise : voilà un disque de rock français qu’il pourra ranger, les mains tremblantes, entre The Flamin’ Groovies et The Dictators. Certes, aucun hymne définitif ne vient donner à cette percée de rock crasseux des allures de manifeste incontestable (on attend que la suite nous fasse mentir). Mais au moment où l’on est envahi jusqu’à la nausée de piteuses formations post-new wave chiantes comme la mort, Eon Megahertz fait office de choc salutaire. Écouter les onze pistes de Members Of The Evil Trance… à volume maximal, reclus dans sa cave, c’est plus qu’une histoire de bon goût. C’est une question d’hygiène.