Blink 182
California
Produit par John Feldmann
1- Cynical / 1- She's Out Of Her Mind / 2- Los Angeles / 3- Sober / 4- Built This Pool / 5- No Future / 6- Home Is Such A Lonely Place / 7- Kings Of The Weekend / 8- Teenage Satellite / 9- Left Alone / 10- Rabbit Hole / 11- San Diego / 12- The Only Things That Matters / 13- California / 14- Bohemian Rhapsody / 1- Bored To Death
Après les Red Hot Chili Peppers -comparaison certes peu flatteuse-, c’est au tour de Blink de faire son retour avec California, son premier album sans Tom Delonge, parti à la chasse aux UFOs.
Neighborhoods nous avait laissés sur notre faim. Entre des conditions d’enregistrement chaotiques, dans des studios séparés, par intermittence, des échanges par emails, la convalescence de Travis Barker, la mort de Jerry Finn, cette précipitation et ce manque de cohésion s’étaient inévitablement traduits par un opus peu inspiré ; malgré certains titres notable – « Ghost on the Dance Floor », « Natives », « MH 4.18.2011 » –, et un songwriting de qualité, les dissensions au sein du trio concernant les orientations musicales et l’évolution du son de Blink avaient atteint le point de non retour.
C’est donc aux côtés de Matt Skiba que Travis Barker et Mark Hoppus ont repris le chemin du studio fin 2015, et dévoilé un premier single, « Bored to Death », le 27 avril dernier. La promesse était alléchante à l'écoute de ce premier titre qui déploie toutes les composantes d'un bon Blink : riffs efficaces, grosse caisse omniprésente et bons breaks lourds sur toms basse, harmonies vocales, thématiques familières à la génération 90's – adolescence perdue et difficultés d'adaptation à la vie d'adulte, irréversibilité du temps, échecs amoureux, manque d'estime de soi... –. Ce titre nous faisait finalement oublier le départ de Tom Delonge. Les quelques lives de ce nouveau trio montrent d'ailleurs un Matt Skiba relativement professionnel, assumant ce nouveau rôle avec une énergie s'intégrant harmonieusement au groupe ; Mark Hoppus semble d'ailleurs parfois plus en difficulté que son co-chanteur – auditeurs sensibles s'abstenir –.
Que vaut donc le reste de l'album ? Avec le départ de Delonge, les gaillards avaient deux options : poursuivre une réorientation musicale en prenant le risque que celle-ci soit mal accueillie par les inconditionnels de Enema of The State (et c'était finalement le pari de Neighborhoods qui arpentait parfois les chemins de l'électro voire du hip hop), ou nous offrir un retour aux sources à base de pop-punk énergique et sans prise de tête. Et à l'écoute de California, il est clair que la deuxième option a été retenue. L'arrivée de Matt Skiba a permis au trio de s'offrir une seconde jeunesse, les titres ont été composés et enregistrés rapidement, et les fans ont retrouvé l'impertinence caractéristique de Blink – notamment lors de la sortie d'une version de 10 heures du premier couplet de « Built this pool », un petit troll ne fait jamais de mal –. Les paroles de ce titre ont d'ailleurs donné naissance à des débats endiablés sur Reddit (pour ceux qui souhaiteraient y apporter leur interprétation, c'est par ici)
Une ode à la Californie. La nostalgie est palpable du titre de l'album à son artwork, très pop culture. Et si l'intention est louable et parfois servie par des titres fédérateurs où l'on retrouve l'écriture mélancolique de Mark Hoppus (« San Diego »), la frontière entre le pop punk teenage plaisant et la mièvrerie extrême est poreuse et parfois franchie ; ainsi, « Los Angeles » nous gêne dès les premières notes et aurait davantage sa place sur un opus des Fall Out Boy que sur un album de quadras... Le titre éponyme est un peu faiblard, les balades subtiles n'étant pas le point fort du trio -à relever malgré tout, la qualité de jeu exceptionnelle de Travis Barker sur l'ensemble des titres; il ne démérite pas -.
Les Blink 182.0 nous livrent donc un album équilibré, entre franche déconnade (« Built this Pool », « Rabbit Hole », « Brohemian Rhapsody »), vrais bons titres de punk rock réunissant un texte construit et évocateur et une mélodie accrocheuse (« Cynical », de loin le meilleur titre de l'album avec « Bored to Death », mais aussi «Sober » qui permet à Mark Hoppus de revenir sur les excès des débuts de Blink), rock teenage plus ou moins réussi (« She's out of her Mind », « No Future », « Kings of the Weekend » ), et une dose de mélancolie (« Home is such a Lonely Place » , un reboot de « I Miss You », « Left Alone ») . L'énergie du trio est délivrée avec simplicité, le jeu de Matt Skiba est efficace et sa voix un peu plus mordante et moins nasillarde que celle de Tom Delonge, ce qui confère une fraîcheur salvatrice au son de Blink. Si l'auditeur ne sera pas surpris à l'écoute de cet album, qui ne fait que revenir aux sources de ce qu'était Blink dans les années 90, il s'agit malgré tout de leur meilleure production depuis Take Off Your Pants and Jacket, et le trio de quadras est parvenu avec ce retour à prouver qu'il peut encore nous faire retrouver l'insouciance de notre adolescence et le soleil Californien sous lequel nous aurions tous aimé grandir pour vivre cette période d'effervescence musicale. Reste à savoir s'ils parviendront à transformer l'essai et à continuer de nous proposer des titres valant la peine d'être écoutés.