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Critique d'album

Alain Johannes


Spark


(05/10/2010 - Rekords Rekords - Rock fumeux - Genre : Rock)
Produit par

1- Endless Eye / 2- Return To You / 3- Speechless / 4- Make God Jealous / 5- Spider / 6- The Bleeding Whole / 7- Gentle Ghosts / 8- Unfinished Plan
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Spark est un temple lumineux bâti par Alain Johannes pour feu sa muse et femme."
Geoffroy, le 16/11/2010
( mots)

Pour beaucoup, Alain Johannes n'est que l'instrumentiste additionnel de Them Crooked Vultures et l'un des remplaçants de Nick Oliveri au sein des Queens, la roue de secours condamnée aux backing vocals et à un rôle défini, sans trop de possibilités de sortir du lot face aux monstres de charisme qui l‘accompagnent. Mais pour les autres, il apparaissait clair dans ses moments de gloire solitaires, ses mouvements discrets et maitrisés, qu'il était un musicien hors pair au style particulier et à la sensibilité développée, aussi talentueux dans l’instrumentation que dans la production.   

"There's always a light at the end of the tunnel". Bien que souvent connotée facile et bateau, cette phrase prend cette fois tout son sens. A l'écoute de Spark, son premier album solo, force est de réaliser à quel point cette lumière fut importante dans les ténèbres de ces dernières années. Parfois blafarde, vacillante, mais toujours présente. Le décès de Natasha Shneider des suites de son cancer a fait des émois dans l'orbite des Queens Of The Stone Age, et pour l'avoir vu sur scène lors de la tournée Lullabies to Paralyse, grillant clopes sur clopes derrière son clavier et sa voix graineuse et sensuelle, je fus épris d'une lourde tristesse en apprenant la nouvelle. Partenaires artistiques au sein du groupe Eleven et partenaires amoureux dans leur vie commune, Alain et Natasha ont vécu de grandes choses ensemble et nombreux sont ceux qui savent qu'on ne ressort jamais vraiment de la perte d'un être aussi proche et cher. Mais Alain Johannes a vécu son deuil avec sa force créatrice pour rendre un hommage puissant et poignant à son aimée le temps d'un album et il en résulte cette boule d'émotions salvatrice s'étirant le long de huit titres d’une beauté à fleur de peau.

Ses racines chiliennes lui ont accordé une attaque sévère et percussive de son instrument, faisant des ravages et des étincelles sur le merveilleux premier morceau de Spark, "Endless Eye", danse rituelle et macabre riche de ses nombreuses pistes de cigar box guitare, de ses harmonies folles et de ce chant libre et aérien, sorti hors de ses gonds dans une poésie douloureuse mais élégamment brodée, de cette fièvre ultime de la flamme sur le point de s‘éteindre. Dés cette première piste on reconnait le sentier d’un chemin qui ne peut être parcouru que seul, parsemé de souvenirs et de questions, éclairé de tant de nuances lumineuses.

"Return To You" fait œuvre d’une douceur relative avec ses accords majeurs de ukulélé et ses chœurs dandinant le long du refrain, témoignage de l’amour trouvé en sa partenaire et son désir de s’en retourner vers elle, sa dernière source de chaleur. Mais c’est dans une cérémonieuse solitude que Alain sombre avec "Speechless", une acceptation qui coupe le souffle et laisse sans voix même dans la prière, à genoux sous une faible lueur, intime et orangée, des notes de guitares hispanisantes faisant écho sur les murs de pierre pour répondre à ces chants envolés et célestes cherchant à s’échapper de ce lieu clos et labyrinthique. Le doute s’empare de lui, le trouve perdu, inconsolable et effrayé sur "Make God Jealous", cherchant des réponses lui filant entre les doigts, sentiments illustrés par cette richesse confuse qui habite ses mains dans des accords sombres et racés, cinglant les douze cordes avec brillance quand lui se terre dans l‘ombre d’une bougie, chantant de ce timbre incertain et fatigué: "But still afraid that the day never ends, And I don’t really know what to do to pretend...".

Puis, maintenant que la douleur a trop saturé les nerfs et les sens, elle s’estompe, laisse dans un état second, mélange d’apathie et d’amour pur qui dessinent un sourire sous les larmes à la venue de la contemplation. Dans un brouillard épais, cachant la lumière du jour, assis près de la stèle, Alain y dépose onze roses symboliques, caresse des aigus et fredonne des mots que seule Natasha peut entendre, les réunissant à nouveau dans un instant d’intimité, le refrain de "Spider" en mémoire à l’araignée qui est un jour tombée dans sa main.

Il est difficile d’imaginer Alain enfermé dans son studio à aligner bout à bout tous les petits détails qui en font la beauté, harmonies vocales et autres effets sonores, tant Spark semble d’une spontanéité totale dans l’émotion, prise à vif dans l’âme du musicien, passant d’une chaleur hallucinée à des pensées glaciales. Les notes minimalistes de "The Bleeding Whole" transpercent l’auditeur de leurs nouveaux échos, sourds et pénétrants, reflets du vide qui s’installe peu à peu et remplit tout l’espace. La voix de Johannes est belle à en pleurer, parle de "ce vieux monde qui cesse de s’attacher" et de ces gens "agrippés aux éthers", témoins de cette renaissance forcée et de cette redécouverte d‘un univers connu, à la fois creuse et tellement envahissante. Terrifiante, insupportable et pourtant inévitable.

Jamais les étincelles n’ont été aussi faibles mais "Gentle Ghosts" revient souffler sur les cendres de la vie d’Alain et raviver la fantastique flamme de son aura et de sa volonté à coups de cigfiddle clinquants, illuminant ce nouveau monde d’un amour éternellement reconnaissant et révérencieux. C’est de lui que sera fait le temple dédié à Natasha, de cet amour brûlant à la lumière des cierges, des lustres et des candélabres, un chœur reprenant en litanie les voix de "Unfinished Plan", et sur la pierre ces derniers mots gravés en sa mémoire: "Oh you were not afraid of letting go, so I am not afraid of letting go...".

 

Hanté par le visage et l’âme de Natasha Shneider, Spark est l’album d’un duo avant tout. Il est le dernier cadeau d’Alain à sa femme et leur ultime collaboration artistique, une pièce d’une beauté fébrile et fragile dont chaque note et silence sont des souffles de vie qui vous consument, religieux et mystiques. Il ne fait pas que nous montrer qu’elle était une femme merveilleuse et lui un musicien hors pair et aimant, mais rappelle la valeur évidente trop souvent oubliée que l’expression artistique est un chemin vers la guérison de tous les maux. Premier album sorti sous le nouveau partenariat des labels Rekords Rekords, Ipecac et Dangerbird, qui se revendique un moyen de "lancer la révolution contre le rock daubé", il augure de bonnes choses concernant l’émancipation des artistes côtoyant la sphère musicale de Joshua Homme, et si tout ce qui vient à sortir de l’influence du géant roux est de cette trempe, alors…

Commentaires
maxime, le 21/10/2016 à 23:23
merci pour cette chronique. J'ai redécouvert ce disque ces derniers jours et c'est absolument magnifique.