Aerosmith
Get Your Wings
Produit par Ray Colcord, Jack Douglas
1- Same Old Song and Dance / 2- Lord of the Thighs / 3- Spaced / 4- Woman of the World / 5- S.O.S. (Too Bad) / 6- Train Kept a-Rollin' / 7- Seasons of Wither / 8- Pandora's Box
Dès son premier album, Aerosmith fut sûrement le groupe le plus illustratif de la reprise du flambeau hard-rock par les États-Unis, après une phase de domination britannique durant les premières 70’s : dans le mouvement de balancier transatlantique qui organise l’histoire du rock, il incarne le retour en force saturé de la grande république outre-Atlantique. Sur Get Your Wings en 1974, "Train Kept A-Rollin’" peut faire office de symbole de ce va-et-vient historique : composé dans les années 1950 à la naissance du rock’n’roll US, il devient une pièce importante du répertoire rock grâce aux Yardbirds qui inspirent la reprise tubesque d’Aerosmith. Cette dernière est désormais la version la plus célèbre du titre, et pour cause, le groupe lui apporte une fougue et une énergie jusqu’alors inégalées.
Dans la carrière du groupe, Get Your Wings est un tournant, graphiquement d’abord, avec l’apparition du logo ailé (référence au titre de l’album) qui, pour la première fois, apporte un logo au groupe : s’il mettra du temps à s’imposer et évoluera à plusieurs reprises (les ailes de chauve-souris seront abandonnées), il constitue l’identité visuelle définitive du groupe. Ensuite, l’arrivée de Jack Douglas à la production (John Lennon, New York Dolls) est l’autre nouveauté significative : on pourrait presque parler de l’intégration d’un nouveau membre au groupe puisque Douglas l’accompagnera tout au long de la décennie. Cette rencontre a été fomentée par Bob Ezrin qui, dans l’ombre, occupe un rôle mineur sur cet album, mais permet au combo d’accéder à un dispositif plus lourd : par exemple, Steve Hunter et Dick Wagner, deux musiciens d’Alice Cooper (qui est justement produit par Ezrin), comblent les faiblesses d’Aerosmith lors des soli (sur "Train Kept A-Rollin’" notamment).
Pour autant, et bien qu’excellent, Get Your Wings n’est peut-être pas le chef-d’œuvre auquel on pourrait s’attendre – c’est un tournant certes, mais pas vraiment sur le plan esthétique. Il comporte de vraies réussites, dont "Same Old Song and Dance" au groove de loubard accru par l’ajout d’instruments à vent (et notamment des saxophones). Son successeur, "Lord of the Thighs"dispose de belles idées : son introduction de batterie qui sera quasiment reprise sur "Walk this Way" et surtout, les lignes de claviers qui apportent une belle profondeur au titre. Robuste et entraînant, "S.O.S. (Too Bad)" est une petite bombe saturée aussi brève qu’imparable.
Avec le recul discographique, il est vrai que de nombreux titres affirment et affinent un peu plus la touche typique du groupe : "Spaced" côté hard-rock et "Seasons of Wither" côté ballade (même si l’on s’explique mal l’ajout d’une fausse ambiance live). Le bluesy "Pandora’s Box" évoque par contre Blue Öyster Cult, leurs rivaux si l’on en croit les tabloïds de l’époque, mais demeure très classique malgré ses cuivres, tandis que le plus léger "Woman of the World" n’est pas sans longueur.
Par chance, Get Your Wings bénéficia d’une réception plus positive et conséquente qu’Aerosmith, injustement resté dans l’ombre, et du soutien de grands noms qui leur donnent accès à des tournées prestigieuses (Deep Purple, Black Sabbath). Mais s’il reste très longtemps dans les charts, c’est pour stagner en bas de classement : il faudra se soumettre à la théorie du troisième album pour enfin sortir de la cave et monter directement au grenier.
À écouter : "Train Kept A-Rollin’", "Lord of the Thighs", "S.O.S. (Too Bad)"