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Interview de Dominique Dupuis - Emerson Lake & Palmer - Editions Du Layeur


François, le 10/12/2022

Bonjour Dominique et merci beaucoup de nous accorder un moment. Commençons par le commencement … Peux-tu te présenter ?

 

Je suis le directeur éditorial des Editions du Layeur qui, depuis son rachat par un ami il y a quelques années, se concentrent sur la publication de livres autour de la musique. Je travaille dans l’édition depuis 1978, je suis passé par Futuropolis, donc par la bande-dessinée, une autre de mes passions. J’ai d’ailleurs écrit l’ ouvrage Quai des bulles.

 

Pour ce qui est de la musique, j’ai managé le groupe punk Stinky Toys et organisé quelques concerts (dont Tempest et Sweet Smoke) et je collectionne les disques depuis 1970  - je possède environ 10 000 vinyles et 5000 cds. J’avais créé la collection "Vinyls" chez Ereme, qui commença avec le premier volume Rock Vinyls en 2008, puis a continué avec plusieurs ouvrages chez Stéphane Bachès jusqu’à ce que ce dernier dépose le bilan.  La collection a ensuite été reprise par les Editions du Layeur, avec des rééditions et des volumes inédits sur le Hard Rock et le Punk. Je me suis spécialisé dans le rock progressif, et j’ai traité Zappa, Pink Floyd, Deep Purple orienté sur leur face progressive, et mon grand œuvre sur le sujet est Prog Rock en 150 figures. Il ne faut pas oublier mon ouvrage sur Grateful Dead dont je suis un fan absolu du groupe.

 

Tu sais, dans les années 1970, j’ai vu tous les groupes de rock progressif sur scène et j’ai toujours été plus tourné vers les longues épopées musicales que vers les petites ritournelles de 3 minutes version Beatles (je sauve tout de même les Kinks). Ceci explique ma spécialisation.

 

Pourquoi un ouvrage sur ELP ?

 

Quand j’ai écrit le livre sur Pink Floyd, je me suis rendu compte que tout avait été écrit sur ce groupe, et sûrement mieux que je ne l’avais fait. ELP c’est l’antithèse, il n’existe aucun ouvrage en français et peut-être trois ou quatre en anglais. L’autobiographie de Keith Emerson est intéressante mais assez ancienne et celle de Greg Lake est une bonne source. Ma chance est que ces trois musiciens sont de gros bavards : il y a donc beaucoup d’interviews. D’ailleurs, Lake n’est pas tendre avec ses camarades par moment, c’est un peu une diva face à Emerson qui joue les dictateurs et Palmer qui arrondit les angles. C’est aussi ce qui explique le peu d’albums aussi, même dans les reformations. Grace à cette matière, j’ai la fierté d’avoir pu faire le premier livre en français sur ELP. 

 

Du reste, j’avais vu ELP à l’Olympia avec en première partie J. Geils Band, qui n’a évidemment rien à voir avec ELP. J’avais trouvé ça génial mais j’étais un peu seul, J. Geils Band s’était fait sortir comme un mal propre par le public et a décidé de ne plus jamais remettre les pieds en France. Ils sont quand même revenus en accompagnant les Rolling Stones, contraints et forcés. Quant à ELP, c’était vraiment super.

 

Ce qui est très intéressant avec ton ouvrage, c’est que ce n’est pas qu’un livre sur ELP mais aussi sur Emerson Lake et Palmer, c’est-à-dire qu’il traite ce qu’il s’est produit avant, pendant et après la formation du trio. En mettant leurs débuts en parallèle, on se rend compte qu’entre Emerson dans The Nice, un groupe qui préfigure le prog’, et Greg Lake dans les premiers King Crimson, notamment In the Court of the Crimson King, l’album considéré comme fondateur du genre, ils sont aux origines du genre non ?

 

Oui tu as raison. Au départ, Yes ou Genesis n’y sont pas du tout. On peut donc l’envisager comme ça mais je pondérerai sur deux axes. D’abord, c’est bien Keith Emerson qui est l’âme de The Nice et qui est à l’origine d’ELP, tandis que Lake n’est pas le fondateur de King Crimson, il n’est "que" derrière Fripp. Il ne faudrait pas non plus négliger l’influence de Giles et McDonald sur le premier King Crimson, qui ont composé la moitié de l’album, et qui ont plutôt récupéré Fripp que l’inverse. Enfin, il faudrait ajouter Van der Graaf Generator dans la liste des fondateurs.

 

Et pourtant ils n’ont jamais voulu du qualificatif de "rock progressif", sauf peut-être, comme on peut le lire dans certains extraits d’interviews présents dans ton livre, très tardivement et avec du recul …

 

La vraie expression "progressive rock" n’a pas le sens qu’on lui donne désormais, et Fripp la réfutait également, en fait personne ne l’assumait à l’époque. Comme beaucoup de concepts dans l’histoire du rock, celui-ci provient des journalistes et non des musiciens.

 

Quant à l’après ELP, même si tu restes très neutre dans ton écriture, on sent bien qu’il n’y a rien de très passionnant …

 

C’est vrai ! Dans la collection Cover, on parle d’un groupe et de toutes les aventures solos des membres fondateurs. La carrière de Lake est la plus courte, deux albums studios et rien d’autre, Emerson n’a pas produit tant de choses non plus, et ce n’est pas fantastique si ce n’est avec Marc Bonilla où il propose une musique intéressante. Le seul avec une véritable carrière, c’est Palmer, avec des choses fâcheuses (Qango) mais surtout Asia qui est une vraie aventure. Il y a notamment le très bon Live at The Budokan sur lequel Lake remplace Wetton qui avait jeté l’éponge et dut apprendre tout Asia en 15 jours.

 

Revenons sur ELP, au-delà du rock progressif, comment qualifierais-tu leur musique ? Quels sont leurs influences et leur esthétique ?

 

C’est compliqué. J’ai une vision élargie du rock progressif, je préfère prendre un spectre large, un peu à l’opposée d’Aymeric Leroy (ndlr : auteur de Rock progressif chez Le Mot et le Reste). J’intègre les jazzmen anglais comme Centipede, le Krautrock, l’Ecole de Canterbury. Donc où situer ELP dans tout cela ? C’est réducteur mais il faut dire que c’est le groupe qui a le plus absorbé la musique classique et le mieux traduit ses concepts dans le rock.

 

De plus, ils ont une particularité dans leurs conceptions politiques. Lake, Emerson et Sinfield ont pris des positions écologistes avant l’heure et très intéressantes sur Tarkus.

 

On a souvent dit qu’ils incarnaient de façon caricaturale le rock progressif, tous les excès du genre. Peux-tu expliquer pourquoi et peut-être le nuancer ?

 

Il ne faut pas grossir le trait. ELP a été l’un des plus grands groupes de la planète rock pendant cinq ans, ce qui a été oublié. Sur 4 studios et un live, c’est avant tout de la pure création, avec certes quelques citations classiques. S’ils sont devenus l’image même des excès du rock progressif, c’est seulement parce qu’avec Works, ils n’ont pas su se renouveler, contrairement à Genesis, Yes, Jethro Tull. A partir de Works le groupe se délite, perd son identité, ne sait pas se renouveler, se retrouve face à un label et un manager qui leur demandent d’arrêter les suites conceptuelles de 20 minutes.

 

On parle souvent des influences, classiques et jazz, mais le groupe est aussi avant-gardiste. Je pense à l’usage des claviers ou à "Hoedown".

 

C’est la face essentielle d’ELP, Emerson c’est le premier à vouloir mettre les claviers au-devant de la scène pour qu’ils prennent la place de la guitare, et surtout, il développe l’usage du Moog sur scène. Tu n’aurais pas eu Kratwerk ni Tangerine Dream si tu n’avais pas Emerson auparavant.  

 

Une anecdote sur Emerson. Pour tenir des notes avec l’orgue Hammond, il bloquait une touche avec un petit couteau. Un de ses roadies, Lemmy Kilmister en personne, le voit et lui dit qu’il faut quelque chose de plus solide, un vrai couteau. Il lui offrit deux poignards nazis, qu’Emerson utilisa dès lors.

 

Tu disais déjà dans Prog Rock 150 figures et tu le répètes ici, ELP est un groupe Live avant tout. Peux-tu nous en dire davantage ?

 

Emerson est une bête de scène ; si Hendrix mettait le feu à la guitare et Jerry Lee Lewis au piano, Emerson a "enflammé", au sens figuré cette fois-ci, l’orgue Hammond, en le martyrisant, en se couchant dessus. Et surtout, il a osé déplacer le Moog, un instrument immense et imposant, sur scène.

 

Il semble que tu veuilles réhabiliter Love Beach ?

 

Je pense simplement qu’il faut être plus nuancé à son propos car la pochette est le principal problème. Quand tu baignes dans une culture vinyle, tu achètes le disque parce que la pochette t’a séduit, et la musique demeure ce qui caché à l’intérieur. Bien sûr Love Beach n’est pas marqué par le sceau du génie, mais ici c’est l’inverse : tu vois la pochette et tu te dis "qu’est-ce que je vais bien avoir à l’intérieur ?" au regard de leur œuvre. Bon, il ne faut pas s’emballer non plus …

 

Des projets pour la suite ?

 

En tant qu’auteur, il y aura un livre sur Yes l’an prochain et mon objectif est de finir de couvrir le champ des grands noms du progressif avec Jethro Tull en 2024 et Genesis en 2025. Je rêverais de faire un livre sur Peter Hammill et Van der Graaf ou sur Hawkwind, mais ce ne serait pas viable économiquement. Dans une autre édition, chez Rock & Folk, je viens de faire paraître un livre sur le rock des 1970’s. Et je réfléchis à lancer aux éditions du Layeur une troisième collection par genre musical.

 

Dans la collection Cover il y aura un Téléphone, un Motörhead, un Hendrix, et dans les livres de textes, un ouvrage sur Sonic Youth.

 

Sinon, j’ai aussi comme projet une bande-dessinée sur Martial Solal, et j’aimerais développer un catalogue de BD sur la musique.

 

On a l’habitude de poser cette question. Quel est ton point de vue sur l’état et l’avenir de la chronique rock ?

 

Tu parles à un "vieux", donc à quelqu’un qui est très papier … Pour moi, elle restera essentielle, peu importe les chemins qu’elle prendra, que ce soit le support numérique ou autre. Ca constitue des archives : pour ELP, j’ai repris tout Rock & Folk pour voir ce qui se disait sur le groupe.

 

Aujourd’hui, il y a tellement de disques qui sortent, beaucoup de jeunes groupes, et les nouvelles technologies comme la mondialisation ont multiplié les possibilités d’y accéder : le petit groupe paumé du fin fond de l’Arizona arrive en France désormais, ce n’était pas le cas dans les années 1970. Il y  avait quelques disquaires qui faisaient de l’import US, mais c’était tout. Comment tu fais pour te repérer dans tout ça et découvrir des groupes sans la critique ? Les playlist Spotify ? L’intérêt du critique c’est qu’il présente l’album, explique ce qu’il y a dedans et ce qui lui a plu, ce que les listes de streaming ne font pas et se contentent de "vous avez aimé – vous aimerez". Je crois toujours beaucoup à la critique et à la chronique musicale.

 

Pour lire la chronique du livre, c'est par là

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