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Interview de Christian Décamps (Ange)


Jules, le 18/11/2021

A l'heure où le rock français laisse place à d'autres courants musicaux sur le devant de la scène, Christian Décamps revient sur l'histoire d'Ange, groupe légendaire qui tourne actuellement en France pour fêter ses cinquante ans. Rencontre avec un monument du prog rock.


AlbumRock : Tout d’abord, comment allez-vous après plus d’un an de repos forcé ? Est-ce que la période inédite actuelle vous a inspiré pour les prochaines compositions d’Ange ?


Christian Décamps : Absolument pas ! Au bout de cinquante ans de bons et loyaux services sur la route, j'ai fait l'éloge de la paresse au moment du confinement. Je n'ai rien glandé, je me suis vidé la tête et ça faisait cinquante ans que ça ne m'était pas arrivé. Je dois dire que j'y ai pris goût et j'ai du mal à m'y remettre (rires). Bon, j'ai quand même gribouillé quelques idées mais ça m'a surtout permis de me reposer et de faire le point.


 


AR : Ange a récemment fêté ses cinquante ans. Quel regard portez-vous sur ce qui s’apparente à l’aventure de toute une vie ?


CD : C'est formidable car on ne s'y attendait certainement pas. On a démarré dans un ancienne écurie près de Belfort que l'on a retapée en salle de répétition et on était partis. On ne faisait pas ça pour réussir mais pour se faire plaisir. On aimait la musique, on aimait la poésie et c'est ce qui comptait. Je me promenais déjà avec les mots et voulais raconter une histoire, comme tous les poètes, mais avec une façon de faire différente car nous sommes tous différents. On était complètement inconscients à cette époque, et de l'inconscient jaillit la passion. On ne pensait pas du tout à un plan marketing ou autre, on y allait sans rien calculer, sans rien formater, une vie totalement différente de celle d'aujourd'hui. La diversité de l'époque nous a permis de faire ce que l'on voulait comme on le voulait. 


 


AR : Au sujet des deux concerts du Trianon, de nombreux invités étaient présents. Était-ce simple de rejouer des classiques d’il y a plus de quarante ans avec d’anciens compagnons comme Daniel Haas par exemple ?


CD : Absolument, ils étaient tellement heureux et moi aussi. Ce n'était que du bonheur, c'était magique. Ils ont mesuré le bonheur qu'ils avaient eu de faire partie du groupe. Le groupe actuel a adoré aussi et a un profond respect pour les anciens. Je regrette l'absence de Jean-Michel Brézovar qui n'a pas pu venir pour raisons de santé ainsi que de ceux qui ont disparu, Robert Defer (NDLR : décédé en 2019), Claude Demet (NDLR : décédé en 2013), Mick Piellard (NDLR : décédé en 2019). C'est en pensant à ça qu'on voit qu'il ne reste plus beaucoup de temps. C'est pour ça qu'on a voulu faire cette tournée et qu'on prépare un nouvel album. 


  


AR : On vous a souvent qualifié (à tort) de « Genesis français », et comme ce groupe, vous avez commencé votre carrière avec un son aux sonorités médiévales pour vous orienter vers une musique plus directe et plus pop au cours des années 1980. Quel était votre état d’esprit à cette époque ?


CD : On voulait explorer de nouvelles choses. Vu D'un Chien était un virage à 180° qui était nécessaire par exemple. On ne racontait pas la même chose qu'avant, c'était l'histoire du chien qui regarde les hommes de sa hauteur sans pour autant être un album concept. C'était donc différent. On a expliqué notre volonté de changement mais la plupart des gens ne comprennent pas ce que nous voulons dire et c'est là que ça coince. On avait envie de mélanger les tendances et les tempo du moment en travaillant d'autres mélodies. C'est toujours fascinant de travailler sur quelque chose de nouveau. Je déteste la nostalgie mais j'ai par contre un vrai respect pour le passé et les racines. Vous savez, on pense souvent avoir fait un bon album par moments mais on se rend compte au final que ce n'était pas si bon, même s'il y a toujours eu quelque chose de bon à l'intérieur. On a eu des albums qui ont fait l'unanimité avec La Voiture à Eau par exemple et d'autres qui ont moins fonctionné, c'est comme ça. 


 


 AR : Certains vous ont d’ailleurs reproché cet éloignement du son originel des années 1970 à partir de Vu D’un Chien. Est-ce que vous comprenez ces critiques ?


CD : Certains intégristes du rock progressif ne sont pas contents lorsque l'on s'éloigne de ce qu'on faisait. Ce qui est fait n'est plus à faire ! Je ne vais pas jouer le Cimetière des Arlequins toute ma vie ! Les gens découvrent initialement Ange avec cet album et veulent que l'on reste toujours bloqués dans cette époque. On joue quelques anciens morceaux mais il ne faut pas rester coincé dans une nostalgie car cela fait du mal aux artistes. Si Charles Aznavour ne chantait pas La Bohème en concert, c'était la fin du monde ! Les gens aiment la nouveauté mais ne veulent pas du changement, c'est dommage. 


 


AR : En 1995, vous faisiez vos adieux à la première formation d’Ange et à vos anciens camarades. Pourquoi avez-vous souhaité tourné la page à ce moment-là ?


CD : Il le fallait. Cela ne correspondant plus. Certains membres n'évoluaient pas dans le même sens que moi et d'autres. A cette époque ils n'avaient plus cette foi. C'est Gérard Drouot qui a souhaité faire une tournée "d'adieu" avec les anciens. J'étais d'accord mais je voulais continuer. Les autres étaient prêts à repartir comme avant, moi non. Je savais que deux ans après les problèmes seraient revenus. J'ai préféré jeté l'éponge, ce que j'ai parfaitement expliqué d'ailleurs, je voulais faire mes adieux. On a fait décoller le groupe ensemble certes, mais des caractères s'adaptent moins. Moi j'ai toujours vécu pour Ange, ce qui n'étaient pas le cas pour tous. Par contre, tous ceux qui sont montés sur ce navire avaient un grand talent. Pour faire vivre l'entité, il faut des gens motivés, ce qui est le cas avec le groupe actuel. Je sais qu'ils me diraient s'ils n'avaient plus cette foi. Vous savez c'est une passion et non pas un métier. J'ai encore à 75 ans des choses à dire, à faire. Lorsque j'aurai décidé d'arrêter, j'arrêterai et ils continueront, je le veux. Il va leur falloir beaucoup de courage. Moi je suis un vieux meuble, mais à partir du moment où je partirai, ils devront savoir me remplacer et donner un coup de fouet à la carrière du groupe pour lui donner une autre valeur. Nul n'est irremplaçable, surtout en voyant notamment mon fils Tristan et sa voix... Tout est une question d'organisation, de passion et de courage.


 


AR : Vous avez souvent eu un regard critique sur l’industrie musicale. Vous avez signé au cours des années 1970 chez Philips-Phonogram, une grande maison de disque de l’époque alors que vous développiez un son très underground. Est-ce toujours une chance aujourd’hui pour les artistes de signer chez les majors ?


CD : Ce n'est plus du tout la même chose. On a pu signer chez Phonogram grâce au Tremplin du Golf Drouot. La maison de disques payait tous les frais et avait son propre studio que l'on utilisait comme on voulait. Aujourd'hui, la plupart des artistes qui veulent démarrer sont obligés de passer par Ulule ou autres à moins d'être hyper vendeurs. Le problème est qu'il n'y a plus de directeurs artistiques mais des gens sortis d'école de commerce qui, pour la plupart, ne connaissent pas la musique. Nous à l'époque l'album qu'on sortait était l'album que l'on souhaitait et qu'on voulait créer sans concessions. Aujourd'hui ce sont des plans marketing qui font la loi dans les maisons de disques, ça devient de la musique kleenex. Ange se produit lui-même aujourd'hui et arrive à vivre honnêtement en faisant ce qu'on aime.


 


AR : Quel regard portez-vous sur le rock français actuel ? Êtes-vous bluffé par des groupes ou artistes aujourd’hui ?


CD : Le seul qui m'intéresse vraiment est Feu ! Chatterton. Ils partent vraiment dans de belles directions, ils osent des choses en allant vers l'inconnu. Même sur scène, j'ai regardé leur prestation au Cabaret Vert sur Arte et il ont vraiment du talent et une belle écriture. Arthur (NDLR : le leader de Feu ! Chatterton) a souvent cité Ange dans ses déclarations d'ailleurs. Ils ont le mérite de faire comme nous en tout cas, les mots et les notes font l'amour.


 


AR : « Ange est le groupe le plus célèbre à être passé inaperçu » est une phrase que vous aimez prononcer face à votre public ou à la presse. Avez-vous souffert de ce manque de promotion dans les médias et sur les radios ?


CD : On a souffert du manque de reconnaissance du métier. On est un groupe qui a marqué socialement parlant pendant six années (1972-1978). Ange était le groupe qui ameutait le plus de monde à cette époque. On n'a pas été reconnus comme tels car on n'a jamais eu de vrais "tubes" mais le milieu musical est responsable de ça. Ange était un pionnier, il a ouvert les palais des sports à la musique avec énormément de gens. Le Zénith de 1984, de 2002 était plein ! Et on n'en a pas parlé. Je n'ai jamais été invité sur un plateau pour parler de la carrière du groupe. Un de mes amis dit que "ça frise l'indécence", car, en plus, tout le monde nous connaît. Laurent Voulzy a discuté d'Ange avec la compagne de mon fils lors d'un évènement et il citait toutes les chansons. Mon manager a même rencontré Benoît Poelvoorde au Sénégal qui lui a parlé d'Ange en se mettant a chanter à tue-tête "Ode à Emile". Je ne demande pas à faire des plateaux de télé mais qu'on en parle et qu'on donne des nouvelles, qu'on dise que ce groupe existe et tourne encore. Heureusement qu'il y a quand même des gens qui restent fidèles, seulement, il faut leur permettre de l'être. J'étais un jour sur une émission de radio qui ne passait aucun extrait de mon album entre les questions. Je lui ai demandé s'il comptait le faire et il m'a dit que ce n'était pas possible car pas prévu par la radio s'agissant des artistes régionaux. Mais je suis pas régional, je suis international ! C'est vraiment un monde à part.


 


AR : On sent au fil des albums que vous avez été inspiré par la grande chanson française « à texte » (Brel, Férré, Brassens). Est-ce que vous avez consciemment voulu conserver cet pâte « variété française » dans vos compositions ? Les paroles prennent-elles finalement une place plus importante que la musique ?


CD : "Variété française" est encore une catégorie. Tous ces formats me dérangent car on ne fait pas partie de ces castes, on fait juste de la musique. On est un artiste à cinq têtes qui fait sa musique et les médias nous rangent dans des catégories. L'important est l'imaginaire, l'histoire, avec des notes et des climats qui doivent provoquer le frisson. On est un mystère sur la Terre et on vit à travers ce mystère. Je me dis que je suis né de l'imaginaire pour retourner à l'imaginaire au moment de mon dernier souffle. La vie n'est rien d'autre qu'un rêve et on laisse des traces les uns et les autres... Justement pour Brel et Ferré, les gens parlent d'eux comme de grands poètes mais la plupart ne comprennent pas le fond de tout cela. 


 


AR : Steven Wilson a déclaré qu’il était fan d’Ange. Je dois avouer que la prestation live de « Quasimodo » chantée par Tristan Décamps m’a laissé bouche bée. On peut y trouver des similitudes de composition avec celles de Steven Wilson et Porcupine Tree dans l’idée d’un prog plus direct, métallique et moderne. Est-ce que son travail a été une influence pour vous au cours des années 90-2000 ?


CD : On a une admiration réciproque. On a joué ensemble au festival Rétro C Trop en Picardie avec Sting d'ailleurs. Steven est un grand fan d'Ange. Il m'a raconté qu'il avait pris l'avion d'Angleterre pour venir à Paris chercher le vinyle original d'Emile Jacotey. Il aime aussi beaucoup Guet-Apens. Pour l'anecdote, il m'a avoué avoir volé l'introduction de la chanson "Les Lorgnons". On parle véritablement le même langage. Je suis content du virage qu'il a pris dans son dernier album, il est toujours à la recherche de choses nouvelles. C'est un véritable inventeur, un mélomane et en plus un excellent producteur. C'est d'ailleurs devenu un ami. 


 


AR : On se souvient de certains morceaux engagés contre la religion (« Si j’étais le messie »), la guerre (« La Suisse »), ou la société en général (« Jusqu’où iront-ils ? »), etc… Est-ce que vous diriez qu’Ange est un groupe engagé ?


CD : Pas du tout ! Je suis un poète et je raconte des histoires. Je ne veux pas être à la tête d'un mouvement ou me présenter à la Présidence de la République (rires), c'est d'ailleurs une place que je ne souhaiterais pas. Je suis extrêmement satisfait de ma vie actuelle. 


 


AR : Le nouvel album peut-il arriver avant la fin de l’année ?


CD : Secret défense ! Pour l'instant je n'en parle pas et puis les gens le découvriront à sa sortie. A l'heure qu'il est, je ne sais même pas de quoi il sera question (rires). Nous sommes en train de travailler sur les mélodies, les arrangements et on verra ensuite. Mais j'ai très bon espoir, j'ai horreur de la page blanche alors dès que j'ai une idée, je gribouille. Un album c'est finalement comme un puzzle dont on rassemble les pièces au fur et à mesure. En tout cas on va essayer de faire un très bon album, comme toujours ! 


 

Commentaires
veritos, le 24/11/2021 à 18:32
N'oublions pas Francis
Zanlou, le 23/11/2021 à 18:59
Grand Fan depuis 72 , et bien heureux que Ange appartiennent à son public ..! et non aux journaleux parigos .
Sergio39, le 22/11/2021 à 16:24
Vraiment je suis fan depuis des années .Christian , Tristan , Benoit, Hassan et Thierry bien le bonjour .....