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Interview de Been Stellar au Point Ephémère


Mathilde, le 20/11/2024

C'est par une fraiche soirée de novembre que la dunkerquoise, pas frileuse, s'aventure près du canal Saint-Martin, pour se rendre au Point Éphémère où se joue ce soir un concert spécial d'un groupe qui l'est tout autant. Décrits comme "le nouveau groupe de la jeune garde new-yorkaise" par les Inrocks et par plein d'autres médias, les Been Stellar viennent promouvoir leur premier album Scream from New York, NY, sorti en juin dernier. Ils ont aussi assuré la première partie des incontournables Fontaines DC en octobre, durant leur tournée américaine. Alors les voir dans une petite salle a un petit goût de privilège. Un moment qui risque d'être interstellaire, surtout quand, une fois arrivée sur place, la nordiste demande au débotté une interview. 

Rencontre avec Sam Slocum, chanteur du groupe

Est-ce la première fois que vous venez jouer à Paris?

Non, on est déjà venus il y a cinq ans au Triskel, au Supersonic il y a deux ans, et on a aussi fait la première partie d'un groupe au Zénith. Et ce soir on joue ici, au Point Ephémère, comment tu le prononces ?

 

(Je donne le modèle avec plaisir). Vous êtes-vous habitués aux grandes salles de concert ? Ou vous préférez les petites salles ?

J'aime les deux mais je pense quand même préférer les petits endroits. On a eu la grande chance de faire les premières parties d'assez gros groupes: Fontaines DC, the 1975. Mais ça reste inconfortable d'être le "support act" car c'est comme entrer dans un univers qui n'est pas encore le tien. Donc ce soir ça nous semblera plus naturel et normal.

 

As-tu déjà assisté à un concert où la première partie était meilleure que la tête d'affiche ?

Oui, même si je n'ai pas de nom en tête. Je peux te dire en tant que personne qui officie souvent en première partie en ce moment, que c'est le but: faire en sorte que les gens se souviennent de ton groupe une fois rentrés chez eux. De ne pas être meilleur que le "headliner" mais au moins aussi bon, car tu es dans des circonstances défavorables, le public n'est pas venu au concert pour te voir. 

 

Comment tu décrirais le fait d'être un groupe de rock à New York. Bien sûr on pense souvent aux Strokes mais peut-être sont-ils passés de mode ?

C'est marrant quand on y pense (rires). Le simple fait d'être dans un groupe de rock c'est du délire aujourd'hui. Bien sûr on peut toujours romanciser le concept. Ça me fait toujours bizarre de dire que suis chanteur dans un groupe. Comme la boucle est déjà bouclée, plein de groupes de rock ont déjà existé, c'est comme une blague mais du coup qui te permet de chercher à être le plus honnête possible. 

 

Tu ne crois pas au retour du rock ?

Si certainement, et on en fait probablement partie, à certains égards... Aucun membre du groupe n'est originaire de New York mais on a formé le groupe là-bas. Il y a une longue lignée de groupes de rock new-yorkais et on ne peut qu'être très respectueux de cet héritage, mais ça peut être aussi impressionnant, c'est difficile à porter. Et en même temps on ne se décrit pas comme "un groupe de New York". Je ne sais pas, c'est une épée à double tranchant. Mais c'est intéressant à vivre (rires)!

 

Tu dis que ta musique est le reflet du bruit de New York. A quoi ressemble le son de New York ? A du grand bruit ? Ou au contraire c'est une ville qui peut être réconfortante ?

Je ne dirais pas que c'est une ville réconfortante... C'est le genre d'endroit qui s'impose vraiment à toi, c'est comme si tu ne pouvais pas lui échapper.

 

Comme si tu étais collé à la ville ?

Oui, il y a tant de choses folles qui s'y passent, et tu finis pas t'y habituer. Si tu y déposais un alien il serait choqué. Souvent dans la rue je me retourne pour vérifier que j'ai bien vu ce que j'ai vu, et je me dis, ou je me rappelle à moi-même: "Ça, ça n'était pas normal !". C'est une ville chaotique où tout est empilé. C'est aussi une ville jeune, que je compare souvent au "Wild West". Tout peut s'y passer. Dans un tel environnement, le langage parlé atteint parfois ses limites. C'est pourquoi tu entends très souvent des personnes qui se mettent à crier pour s'exprimer, ça peut être d'ailleurs des cris positifs ou négatifs. Les gens sont comme obligés d'en revenir à une communication primitive pour espérer se faire entendre, car la vie là-bas peut paraître irréelle. 

 

Et comment vous êtes vous rencontrés ?

Avec Skyler (l'un des deux guitaristes) on s'est rencontrés il y a douze ans, on est meilleurs amis depuis le lycée, on a emménagé à New York et c'est là que le groupe s'est formé. On a rencontré les trois autres membres, participé à des programmes musicaux, et organisé des concerts devant un public de la fac. Au moment du covid, on a pris le temps de faire l'inventaire de ce qu'on avait fait et ce qu'on avait envie de créer, et on a alors amélioré nos morceaux.

 

Au début vous n'aviez pas d'idée claire ce que vous vouliez faire ?

Non, on avait que treize ans avec Skyler, alors on ne pensait qu'à s'amuser. C'est encore le cas aujourd'hui sauf qu'on ne peut plus dire qu'on fait de la musique "juste pour blaguer". Ou alors la blague a été poussée très loin (rires).

 

Mais vous êtes encore jeunes, vous avez quoi, vingt, vingt-deux ans ?

Non, j'ai vingt cinq ans.

 

C'est encore jeune !

Oui on est encore plutôt jeunes je suppose.

 

Et quelles sont vos influences musicales ?

On essaie de combiner plusieurs styles. On aime la pop music car on aime les bon refrains sur lesquels on peut danser. On aime aussi un autre genre de catharsis: le noise avec Sonic Youth qu'on apprécie beaucoup. The Jesus and Mary Chains est l'exemple parfait: c'est "popy" mais fort en même temps. Le shoegaze est aussi très important pour nous. Bref, ça brasse large car on vient tous d'environnements musicaux différents. Mais j'avoue, on écoute beaucoup de musique des nineties.

 

Du grunge, mais mélodique ?

C'est tout à fait ça ! Je suis un grand fan d'Alice in Chains. Pourtant c'est le genre de groupe qui pourrait être méprisé par des jeunes comme moi, car c'est une musique qui parait un genre facile dont il est facile de se moquer, avec la voix bizarre... Mais une fois que tu regardes au-delà de l'esthétique parfois discutable, tu te rends compte que les paroles sont incroyablement bien écrites. C'est ce qu'on essaie de faire avec le groupe, se concentrer à écrire de bons morceaux.

 

Avec de bonnes paroles !

Oui et des belles mélodies. Vraiment c'est important pour nous d'être honnêtes dans notre musique parce que vraiment New York, ça peut être tellement... le merdier !

 

(Rires) Oui ça a l'air d'être un sacré délire !

Je ne citerai jamais de nom, car tout le monde est libre de faire ce qu'il veut. Des fois j'ai pu me sentir "dissuadé" par cette ville où les gens ont tendance, et ils n'ont pas honte, à se faire de l'argent avec du son plus qu'avec de vraies composition de morceau. C'est comme s'ils adoptaient une esthétique et c'est tout...

 

Ça sonne faux...

Oui un peu. Après je changerai peut-être d'avis là-dessus, et c'est pas comme si ça me mettait vraiment hors de moi. La musique offre tout un spectre de possibilités, il y a de la place pour la bonne musique, la musique pour le fun, la musique honnête... Enfin voilà quoi.

 

Prendre plaisir à faire de la musique c'est déjà pas mal...

Oui tout à fait.

 

Revenons-en à vos titres. Est-ce que "Pumpkin" parle de l'automne (je suppose que non) ?

Ça parle du fait d'être proche d'une personne et de se sentir inconfortable par rapport à cette promiscuité. C'est de s'autoriser à constater que la routine peut entrainer la monotonie. Quand j'ai écris les paroles, je pensais à ces gens qu'on peut voir chez eux, depuis la rue. C'est les paroles les plus abstraites de l'album. Le fait de creuser une citrouille est aussi un geste familier, rattaché à des traditions. Donc redondant et lassant...

 

Dans votre précédent album, le titre "Manhattan Youth" était-il une critique de la jeunesse dorée New Yorkaise ?

Non ce n'est pas une critique, ça rejoint ce que je te disais tout à l'heure. Je suis une personne qui n'a pas toujours habité à New York, je me dis que si ça avait été le cas, si j'avais grandi dans cette ville, ça aurait drastiquement modifié ma perception du monde. Les enfants sont exposé à des choses choquantes dans cette ville. C'est le cas dans plein d'autres villes aussi d'ailleurs. Il y a bien sûr des personnes qui n'ont pas les moyens d'aller vivre ailleurs. Mais il y en a d'autre qui font le choix de rester, de fonder une famille dans New York. Et je trouve que c'est une sacrée décision, c'est intéressant à analyser. Il y des bons et mauvais côtés certainement...

 

Et donc tu constates de grandes disparités socio-économiques à New York ?

Oui surtout depuis la gentrification qui creuse l'écart. Les gens déménagent de plus en plus vers l'extérieur jusqu'à l'arrondissement du Queens. Je le vois dans l'endroit où l'on vit, près du métro on voit maintenant des "fraternity brothers" (fraternités universitaires), c'est étonnant. Dans l'absolu j'aurais pu être l'un des leurs, il y a toujours des probabilités, mais j'aime à croire ne pas avoir de liens avec eux. Les changements dans les quartiers sont rapides. Les prix des loyers à New York sont absurdes, c'est difficile de subvenir à ses besoins. La réalité c'est que tous les membres du groupe ont un job à plein temps à côté de la musique. En ce moment on est en tournée, mais en revenant je sais que je vais devoir trouver un autre emploi. C'est...

 

... épuisant?

Oui totalement ! Skyler a travaillé dans un café dans l'East Village, qui est un coin où seuls les gens fortunés peuvent évoluer, et il a lu le livre de Thurston Moore (Sonic Life: A Memoir) qui y décrivait le East Village à son époque. Et Skyler a halluciné, tout aujourd'hui est différent de la description faite dans le bouquin ! Donc pour revenir à ta question, oui il y a des grandes disparités !

 

Et comment choisissez-vous les titres qui vont faire office de singles ? En vous fiant à vos goûts ou à ce qui pourrait plaire au public ?

On a choisi "Passing Judgements", je sais pas pourquoi on l'a choisi en tant que "lead single", pourtant c'est un titre long et assez agressif. On aurait pu plutôt se rabattre sur "Pumpkin" ou "Sweet" qui auraient été des choix plus logiques... Le label demande à ce qu'on choisisse un "single" et aussi un "vibe track", et je sais pas on s'est dit que "Passing Judgements" était cohérent car il constituait une pierre angulaire dans l'album.

 

En fait tu sais jamais comment tu vas ressentir/sortir les choses à l'avance ? 

Oui et puis c'est pas comme si c'était un single qui a atteint les top charts, ça sort juste de sa coquille...

 

Et quel est ton titre préféré sur cet album ?

Je pense que "Takedown" est celui que je préfère car on le joue différemment en live. J'y joue de la guitare acoustique, c'est la première fois que je tente ça, et franchement ça me donne envie de faire davantage de titres en acoustique dans le futur.

 

Et ressens-tu de l'engouement pour Been Stellar en France, aux Etats Unis, en Grande Bretagne ?

Je pense pas qu'on soit connus pour le moment... Je le dirais pas comme ça...

 

Bah quand même la critique musicale, au moins, est assez unanime à votre sujet...

En tous cas, ça fait plaisir à entendre ! Après j'ai peut-être pas assez de recul... Même si on a fait des belles premières parties, on a encore du chemin à parcourir.

 

Mais tu es confiant ?

Oui, confiant ça je le suis ! On est très confiants par rapport à notre musique et concerts. On en est qu'au début, ce qui est fou car on fait de la musique depuis si longtemps !

 

Et aimerais-tu jouer un concert dans un lieu en particulier ?

Normalement on va jouer en Australie et au Japon prochainement, donc déjà jouer à Tokyo c'est très cool. C'est sûr que le lieu suprême où tout le monde veut jouer à New York, c'est le Madison Square Garden. Ce serait bien, mais pour l'instant je reste concentré sur le travail à faire.

 

J'ai une question qui s'adresse à votre batteuse, mais tu pourras peut-être y répondre: est-ce encore difficile pour une femme aujourd'hui de faire partie d'un groupe de rock?

Effectivement je ne sais pas si je vais pouvoir répondre. Je pense qu'elle attire l'attention en étant batteuse. Les hommes comme les femmes lui disent "Yo, trop cool une femme à la batterie!". Oui c'est cool mais c'est aussi une remarque méchante cachée, et une déclaration déloyale ! On a rencontré Laila via des amis communs et on l'a juste trouvée trop cool, et on s'est jamais dit: "Oh ça serait trop cool d'avoir une femme à la batterie dans le groupe!". C'est dommage ce genre de réaction, mais c'est pas si étonnant, le monde est ainsi fait, construit sur des fondations sexistes. Tant mieux au moins si elle en inspire certain(e)s !

 

Et une question bonus: au Truck Festival à Oxford l'été dernier, j'ai cru vous avoir entendu jouer un riff de "Men's Needs" des Cribs entre deux morceaux... C'était bien le cas?

Ah trop drôle, oui c'était le cas, c'est un super morceau! Evidemment la liste des groupes rock anglais est très longue, on adore aussi les Smiths, Ride, The Bevis Frond...

 

Un grand merci de m'avoir accordée cette interview !

 

Merci aussi au régisseur de la salle, et à l'attachée de prod' pour m'avoir permise de réaliser cet entretien !

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