Uriah Heep
Salle : Cirque Royal (Bruxelles - BELGIQUE)
Première partie :
Reporté en 2020 et 2021, le concert, destiné à célébrer les 50 ans d’Uriah Heep, aura permis de fêter dignement les 52 années du groupe !
Est-ce que le rock serait la source de la fontaine de jouvence chère à Hérodote ?
Avec des âges qui oscillent entre 54 et 75 ans, les cinq membres d’Uriah Heep (dont l’historique Mick Box à la guitare) conservent une fraîcheur et un enthousiasme qui inspirent sincèrement le respect.
Le public au cheveu rare est à l’image du groupe : il claudique, boîte, traîne des pieds, toussote, trébuche, cherche des médications dans ses poches, ajuste ses binocles, laisse choir sa canne et trompe son impatience en parlant du passé ou en s’aventurant chez Monsieur Pipi (1).
Inauguré en l’an 91 avant Woodstock, le Cirque Royal (petit Olympia de Bruxelles), est une salle confortable à l’acoustique incomparable qui peut être modulée en fonction de l’audience, ce qui renforce son caractère chaleureux et feutré.
Il ne serait pas raisonnable de parler de foule mais il faut savoir qu’au moment où les billets ont été mis en vente, les règles sanitaires imposaient à l’organisateur de laisser deux sièges vides pour un siège occupé…
La soirée débute par la projection d’une série de témoignages de chanteurs et musiciens, contemporains ou amis du Heep (Joe Lynn Turner, Joey Tempest, Paul Stanley, Steve Harris, Brian May, Vanilla Fudge au grand complet, …). La palme de la dérision revient à Ian Anderson qui, après avoir un peu massacré le traditionnel happy birthday à la flûte traversière, déclare :"Je dois souhaiter un joyeux cinquantième anniversaire à une formation que je ne connais pas : Uriah And The Heeps. Mais je ne sais même pas lequel est Uriah sur la photo…"
Et le concert commence par un sublime set acoustique présenté à juste titre comme un vrai cadeau du groupe aux fans présents. Cette formule livre le quintet à nu, démontrant à quel point les musiciens sont bons et à quel point les compositions (de Ken Hensley dans l’ensemble) restent exceptionnelles.
Très en voix, le chanteur canadien Bernie Shaw est simplement extraordinaire, principalement lorsqu’il se livre sans compter en duo avec son claviériste funambule Phil Lanson (qui est – je sais que je radote – le meilleur de son âge et de son art avec Don Airey).
Après un intermède nostalgique (2) durant lequel sont diffusées des photos de tous les compagnons de route du groupe (un vrai cénotaphe…), Uriah Heep revient en force et en forme pour un set électrique très convaincant. Ce n’est pas un best-of mais plutôt le catalogue réfléchi de titres (parfois rares) provenant de 11 des 24 albums studio qui ont jalonné 52 années d’une histoire passionnante.
Le parterre réagit avec enthousiasme et se lève dès les premières notes pour ne plus se rasseoir, malgré les courbatures, les raideurs et les prothèses.
Emmené par un chanteur vraiment brillant, Uriah Heep brille par sa cohésion ; les cinq musiciens ne se cherchent jamais et forment un bloc sans faille, enrichi par le son ancestral de l’orgue Hammond et d’imparables harmonies vocales.
Fidèle à sa légende, Mick Box (qui cultive de faux airs de Gandalf trapu), n’a pas évolué d’un iota dans son jeu de guitare. Rigoureux en rythmique, il reste en retrait de ses pairs historiques (Iommi, Page, Blackmore) lorsqu’il passe en solo. Avec le temps, ce son pour le moins daté (avec la distorsion, la wah-wah et le phaser poussés à fond les boutons) est devenu une marque de fabrique ultra-vintage.
Il n’y a malheureusement pas de partition sans bémol : à force de surjouer tous les temps sur la double grosse caisse de son kit British Drum, Russel Gilbrook a tendance à envahir toutes les fréquences basses et infrabasses. Ce style de jeu, parfait en festival, est parfois fatiguant dans une salle plus intime. Les structures musicales du Heep mériteraient un peu plus de relief, d’autant que le bassiste Davey Rimmer évolue pour sa part dans un registre très riche et truffé de subtilités.
Le set, magnifié par un "What Kind Of God" d’anthologie, se termine sur la mélodie magique de "July Morning". "Gipsy" et "Easy Livin’", deux classiques incontournables, sont exécutés en rappel dans des versions particulièrement enlevées. Tandis que les musiciens se rassemblent pour saluer longuement un public absolument ravi, chacun et chacune ressent un petit pincement au cœur. Comme toutes les denrées, le temps semble plus précieux quand on sait qu’il pourrait se faire rare…
Après avoir récupéré sacoches, écharpes et petites laines, les plus audacieux tentent de quitter la salle dans la pénombre, tandis que d’autres attendent patiemment que les lumières se rallument. Dehors, il pleut. Mais, cette nuit, rien ne viendra doucher l’enthousiasme fidèle des anciens combattants du rock.
Acoustic set-list
Circus (Sweet Freedom – 1973)
Tales (The Magician’s Birthday – 1972)
Free Me (Innocent Victim – 1977)
Come Away Melinda (Very ‘eavy… Very’Umble – 1970)
Confession / Rain (High And Mighty – 1976 /The Magician’s Birthday – 1972)
The Wizard / Paradise / Circle Of Hands (Demons And Wizards – 1972)
Lady In Black (Salisbury – 1971)
Electric set-list
Against The Odds (Sea Of Light – 1995)
The Hanging Tree (Firefly – 1977)
Traveller In Time (Demons And Wizards – 1972)
Between Two Worlds (Sonic Origami - 1998)
Stealin’ (Sweet Freedom – 1973)
Too Scared To Run (Abominog – 1982)
Rainbow Demon (Demons And Wizards – 1972)
What Kind Of God (Wake The Sleeper – 2008)
Sunrise (The Magician’s Birthday – 1972)
Sweet Lorraine (The Magician’s Birthday – 1972)
Free’n’Easy (Innocent Victim – 1977)
July Morning (Look At Yourself – 1971)
Encore
Gypsy (Very ‘eavy… Very’Umble – 1970)
Easy Livin’ (Demons And Wizards – 1972)
(1) Avant, c’était toujours Madame Pipi. Les temps changent.
(2) Et Dieu sait combien j’abomine la nostalgie…