Queens of the Stone Age
Enfin ! Enfin nous avons eu droit à un vrai concert de Queens of the Stone Age. Pas de gig de 50 minutes pour présenter un album pas encore sorti (Trabendo 2005, Elysée Montmartre 2007), pas de set d’une heure dix en tête d’affiche d’un festival (Eurockéennes, Rock en Seine, Furia Sound Festival). Non, une véritable performance où l’on peut prendre son temps, un espace libre propice aux jams improvisées, ne pas être simplement obligé de reprendre les morceaux du dernier disque mais farfouiller dans sa discographie pour aligner tubes attendus comme chansons plus confidentielles. Mine de rien, la dernière prestation longue durée des Queens remonte à … juin 2003. Oui, à ces deux fameuses dates à l’Elysée Montmartre, avec le line-up mythique (Nick Oliveri, Mark Lanegan). On écrase donc une petite larme nostalgique alors que l’on fait la queue devant un Zénith complet depuis plusieurs semaines. Pas mal de fans de la première heure ne sont pas présents et préfèrent se remémorer l’époque où l'on pouvait voir le gang de Josh Homme dans une Boule Noire clairsemée, bien au chaud, entre amateurs éclairés sachant farfouiller dans les bons bacs import. Désormais, Queens of the Stone Age est devenu, même dans une France qui en matière de rock est souvent en retard sur tout, un ponte du rock américain. La grosse attraction qu’il faut voir. Preuve en est le premier rang garni de t-shirts Nine Inch Nails, Marilyn Manson, Metallica… Comme toujours, on trouve toujours un quidam fièrement paré d’un t-shirt Kyuss, mais les collectionneurs de vinyles Man’s Ruin doivent ici se compter sur les doigts d’une main. Et tant mieux au fond qu’un si bon groupe accède à une telle notoriété. Le grand nombre peut, parfois, aussi avoir raison.
Qui dit gros ponte dit première partie assurée par un groupe de stature moindre, mais pas absolument underground pour autant. On a encore du mal à digérer le fait que les planches ne soient pas foulées ce soir par les Eighties Matchbox B-Line Disaster comme quelques mois plus tôt en Angleterre, mais par les écossais de Biffy Clyro. Le power trio investit la scène, mené par un Simon Neil torse nu, espèce de Devendra Banhart power-pop. Les fans du combo sont en très large minorité ici, preuve en sont les rares "‘Mon the Biff" ! que l’on peut entendre ici ou là. Conscient de son rôle de chauffeur de salle, Biffy Clyro enclenche rapidement les hostilités après un bref "bonsoir Paris !" Titres musclés, goût manifeste pour le triturage de cordes avant d’envoyer brutalement la sauce, chœurs hurlés sur le déferlement de décibels, la puissance prime avant tout. Trop d’ailleurs, à l’image de la basse sur-mixée qui donne au premier rang une constante envie de vomir. Tout cet attirail masque avec difficulté la monotonie des morceaux de leur dernier opus, Puzzle, principale source de leur set-list. On reste plus captivé par le spectacle capillaire, entre la touffe de plus en plus humide barrant le visage de Simon Neil et la belle crinière blonde de James Johnston qui, elle, revient toujours impeccablement en place. Neil a d'ailleurs jeu de scène assez séduisant, mélange de déchanchés brusques et de grands sarclages de guitare, sanglée près de la poitrine comme Albert Hammond Jr. Joli contraste, jolie bande-image. Dommage que la bande-son ne soit pas raccord. Fatalement, le meilleur moment du set reste le "Glitter And Trauma" jeté en ultime pâture, seul extrait de leur avant-dernier disque, Infinity Land, rappelant qu’il n’y a pas si longtemps le groupe était loin d’être inintéressant.
Rapide changement de plateau, le temps d’admirer les lustres en métal et faux cristal illuminant chaque musicien d’une couleur différente selon le morceau. Vers 21 heures 05, les reines de l’âge de pierre partent à l’assaut du public du Zénith. Ceux qui n’appréciaient que moyennement Era Vulgaris en auront pour leurs frais puisque la set-list lui sera généreusement dévolue. La bonne idée du quintet est de prendre le dernier opus par son autre versant et de préférer aux titres a priori ultra-efficaces en live ("I’m Designer", "Battery Acid", "Into The Hollow") des morceaux plus tortueux, moins évidents. Ouverture vaporeuse, donc, avec "Turning On The Screw", lourd éveil de riffs rauques qui ne cessent de tourbillonner avant d’exploser au final. C’est véritablement sur ses nouvelles chansons que le groupe semble s’amuser le plus et se transcender. Possédé, Josh Homme virevolte avec sa guitare sur "River In The Road", manquant de bousculer Michael Schuman de peu. "3’s & 7’s", une des meilleures plages d’Era Vulgaris est formidablement exécutée, brutale et nonchalante à la fois. L’éthéré "Suture Up My Future" est l’une des plus grandes réussites de cette prestation, s’achevant sur une formidable jam finale, volumineuse, débridée, débordant de violence superbe. "Make It Wit Chu", morceau sur lequel il y a consensus général pour en reconnaître la grâce suave, est le théâtre d’une foule chantant au groupe que c’est quand il veut, où il veut. Le combo entonne même "Era Vulgaris", excellente face B injustement écartée du tracklisting final de l’album, martiale, avec un côté presque industriel. Logique, sachant que Trent Reznor l’a co-écrit. Jeté avant le rappel, "Sick, Sick, Sick", certainement l’un des singles les plus faibles de la discographie des QOTSA, s’accorde cependant avec bonheur à la fougue du live et laisse le public en sueur et en extase.
Pour les titres plus anciens, on retiendra quelques échappées en terres lanegiennes : version speedée d’"Hangin’ Tree" et surtout un sublime "In The Fade", le fond de la scène s’illuminant de petites lumières bleues aux couleurs de Rated R. Pour bien montrer à quel point il aime la France, Josh Homme se lancera dans une énumération d’expressions à la french ("C’est magnifique, c’est fantastique"). Apparemment, le géant rouquin garde une image d’Epinal de notre beau pays qu’il résume à la bouffe ("couisse de piulé", "canard à l’owange") et à la baise ("Voici ce qui me vient à l’esprit quand je pense à Paris" avant de balancer "Do It Again"). Les strasbourgeois doivent s’attendre à de futures odes à la choucroute… Pour le reste, on notera l’absence de "Regular John" et de "The Lost Art Of Keeping A Secret" au profit d'un "Avon" cinglant et d’un "Feel Good Hit For The Summer" dans lequel s’intercale une reprise des Hall & Oates ("Your Kiss Is On My Lips"). Le petit incident de la soirée : un vigile de sécurité reconduisant un peu trop brutalement les slammers. Homme commence par le mettre en garde gentiment ("Hey, vas-y doucement avec les gamins, mec, ils veulent juste s’amuser un peu"). Manifestement, ça n’a pas suffit, puisqu’au rappel il enverra valdinguer un spectateur dreadlocké sur les amplis disposés entre la fosse et la scène. Pour l’ingé-son du groupe, la coupe et pleine, et il plonge de la scène pour aller copieusement enguirlander la brute épaisse qui ne sait plus où se mettre. Homme stoppe alors le show, demande au staff technique d’illuminer le gaillard et lance un définitif : "Virez-moi ce type". Ordre exécuté dans la seconde. Précaution quelque peu inutile, puisque le rappel se finit bientôt sur une version un peu bâclée de "Song For The Dead", pourtant l’un des plus gros cheval de bataille des Queens.
On sort du Zénith un peu partagé : très bon concert, son très correct (on a déjà entendu bien pire ici), mais qu’on aurait aimé plus bavard sur certains morceaux et plus concentré sur les autres albums. La qualité prime sur la quantité bien sûr, mais 80 minutes de concert pour un set qu’on attend depuis presque 5 ans, c’est un peu rat…
Set-List :
Turning On The Screw
Hangin’ Tree
River In The Road
Misfit Love
Do It Again
Feel Good Hit For The Summer
Go With The Flow
3’s & 7’s
Era Vulgaris
In the Fade
Suture Up My Future
Burn The Witch
Make It Wit Chu
Little Sister
Tangled Up In Plaid
Sick Sick Sick
Rappel :
No One Knows
Avon
A Song For The Dead