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Compte-rendu de concert

Gong


Date : 06/11/2009
Salle : Théâtre Lino Ventura (Nice)
Première partie :
Geoffroy, le 11/11/2009
( mots)

La substance c’est Gong…


… et "Gong c’est la paix"… Dans un monde où les habitants sont des elfes à têtes de beuh et le moyen de transport commun la théière volante, on imagine mal contrées plus paisibles… Tout a commencé quand le cerveau gorgé de Foster de l’Australien Daevid Allen, ex Soft Machine, s’est vu offrir la révélation suprême au clair d‘une lune bien trop brillante; l’existence d’une planète jamais observée d’où émet une curieuse station radio… La Planète Gong… S’en suit la création d’une mythologie et de personnages dirigeant des musiciens sur une voie totalement folle: mettre toute son âme et son talent au service d’un délire tellement poussé qu’il pourrait engendrer une connexion mentale entre les êtres qui le comprennent, à l’instar d’une religion, mais sans dogmes ni sectarisme.

Près de quarante ans après la découverte de la Radio Gnome et la quête mystique de Zero The Hero, les délires acidifiés de Mr. Allen nous transmettent un nouveau message: la Planète Gong sera visible depuis notre système en l’année 2032, et préparer le monde à cet évènement, ça mérite bien une tournée et un nouvel album. Et c’est ainsi que l’on se retrouve dans un bus niçois, fébrile et impatient de pouvoir le vivre enfin. Car Gong se vit et ceci au-delà de tout rapprochement facile avec la bien connue niaiserie hippie.
 

Les mélodieuses dissonances du post rock de Rosa viennent nourrir les premières vagues fongiques à coup de breaks expérimentaux et montées progressives. La chanteuse donne de la voix sur des textes barrés coulant très vite dans le glauque et le malsain sur fond d’humour noir et de free jazz, son excentricité apportant une folie érotique à un groupe qui, s’il ne révolutionne pas le genre, a le mérite d’aller jusqu’au fond de sa pensée et de ne pas faire semblant. Léger souci, le public de Lino Ventura ne semble pas conscient de ce qui risque de se passer d’ici quelques minutes et reste assis, statique… le temps pour l’annonceur de leur rappeler que Gong veut que ça se secoue, et qu’ils sont désolés pour les bières, qu’on ne peut pas en avoir à tous les coups et qu’en même temps, la soirée ne sera pas vraiment tournée vers l’alcool, haha… Ainsi la fosse se voit investie par une curieuse population aux bonnets lunaires et fringues multicolores, se retrouvant à une cinquantaine de centimètres d’une scène surélevée de seulement vingt. Que la transe commence !


Sur fond de "How to Stay Alive" et de projections plus que psychédéliques, c’est Steve Hillage et la "Radio Gnome" qui font leur entrée, suivis par la belle Miquette Giraudy et le batteur Chris Taylor, venant entamer le Camembert avec "Escape Control Delete", extrait de 2032. En observant seulement le visage serein de Mr. Hillage, dont on encaisse les notes égrenées sur son ventre bedonnant, le mot décollage devient un léger euphémisme… Puis montent sur scène, le sourire large, le prophète de la Planète Gong, Daevid Allen, affublé d’un costume pattes d’eph’ blanc à paillettes et sa compagne de toujours, la légendaire Gilly Smyth, maîtresse du Space Whisper. Le temps d’expédier le riff d’intro de "You Can’t Kill Me" et la famille acquiert toute sa puissance et son mysticisme à grands flux de space rock et d’échos, incluant une énorme impro jazzy à son titre phare et s’employant à faire ce que personne ne fait mieux que Gong: des mélodies accrocheuses sous des structures tordues et un équilibre parfait entre l’hilarité du délire et le sérieux du musicien.

Après être passés par le premier volet de la trilogie avec "Zero the Hero and the Witch’s Spell", les choses prennent une tournure relativement surréaliste sous les assauts en chœurs de "Dynamite, I am your Animal" et le chant lascif de la sorcière à l’orgasme permanent qui devient à la fois notre mère, grand-mère, sœur, femme et fille tant l’innocence et la malice de l’enfant se lisent sur son visage de jeune femme travaillé par l’âge… Mais quelle valeur à le temps sur une sorcière ? Elle a traversé les décennies, aussi à l’ouest aujourd’hui qu’il y a quarante ans, marchant sur la pointe des pieds et bougeant lentement ses petites mains de fée lors des parties instrumentales, regardant dans le vide quelque chose qu’on ne peut voir… Et tous de se métamorphoser, de voir leurs cheveux repousser et leurs traits rajeunir jusqu’à l’extatique et transcendant "Yer finger at the trigger And yer body burnin' up... Camembert Electrique !"…

Le groupe présente les pièces de son nouvel album, moins barrées, plus modernes mais toujours drôles, donnant l’impression qu’ils ne vieillissent pas et ne vieilliront jamais. Du personnage de "Digital Girl" à l’énorme solo de Steve Hillage sur "Portal" en passant par les influences punk de "Waccy Baccy Banker", on se laisse flotter au son des poèmes cosmiques de Shakti Yoni interprétés par Gilly Smyth ("I am a witch !"), et des interludes français de Daevid Allen: "C’est un masturbator… ça veut dire quoi masturbator ? Oui c’est ça, petit branleur ! Sarkozy c’est un petit branleur"…  

Tout à coup on en vient à se demander si Gong joue depuis seulement dix minutes ou bien trois ans… Impossible de dire combien de temps s’est écoulé, ni de se débarrasser d’une impression de déjà vu. Tout se mélange et plus rien n’a d’importance, mis à part peut être la ligne de basse de Dave Sturt sur "I Never Glid Before"… Le solo de Ian East se fait planant et envoutant sur  "Flute Salad" et le duo à l’unisson de la flute et de la guitare nous rappelle le chant de deux oiseaux à moitié fous avant que retentisse le phazer de "Oily Way", son refrain entêtant et son passage ravageur: "You big daddy in your big sick city Gotta choose to loose your games now". Miquette Giraudy délaisse ses claviers, danse, rit, joue du air guitar sur les solos de Steve Hillage, elle est magique.

Suite logique avec "Inner Temple" et "Outer Temple", voyant Daevid Allen craquer une nouvelle fois ("Would you like some tea ?… Non vous les français vous êtes trop mous… Vous voulez du thé ou pas ?") et Gilly Smyth scruter nos pupilles alors que les esprits bouillonnent et qu’un sentiment d’omniscience envahit la fosse de manière progressive, tandis que résonne de plus en plus profondément la vibration universelle de "Master Builder"…

Les yeux clos… le troisième œil s’ouvre… Gilly Smyth nous fixe toujours et on peut maintenant lire sur les lèvres de celle qui a tout vu un "I-ao Za-i Za-o Ma-i Ma-o Ta-i Ta-o Now" qui se fait obsédant, "I-ao Za-i Za-o Ma-i Ma-o Ta-i Ta-o Now" de plus en plus intense, "I-ao Za-i Za-o Ma-i Ma-o Ta-i Ta-o Now" jusqu’à atteindre l’apogée, l’apothéose, la transcendance, le it de Kerouac juste là, à portée d’esprit… et c’est l’explosion ! La basse hypnotique de Dave Sturt donne la rythmique à l’envolée dantesque du saxophone de Ian East, transperçant les moindres recoins de l’âme à en faire disparaître les notions de temps et d‘espace, le chant de Daevid nous interpelle et nous guide, plus haut, plus fort, plus aigu, et Shakti Yoni de rentrer en nous encore et encore puis d’exulter en point d‘orgue: "Deep inside you, you can build an invisible temple in your own imagination if you will"…

Quand on rouvre les yeux c’est pour voir un Chris Taylor débordant de sueur, le visage défiguré par l’effort considérable qui vient d’être fourni par l’héritier du fabuleux Pierre Moerlen, et Gilly Smyth se penchant vers le sol avant de quitter la scène, un regard malicieux vers le garçon du premier rang qui lui a envoyé cette longue cigarette… La pause est de courte durée. Retour au dernier extrait de 2032 ce soir avec "Guitar Zero" et charmante surprise que "Tropical Fish Selene", Allen offrant sa lente complainte à l’esprit de la Lune, puis parlant avec son projectionniste ("Oui, peut être tu es là... Ou peut être tu es chez toi et tu fais quelque chose, je sais pas…") avant la troisième salve de "You can do what you want" et le toujours jouissif "Camembert Electrique !".

Et le public de redemander "Du camembert !" et l’Australien d’en remettre une couche ("Quoi ?! Vous voulez encore plus de camembert ?") avec la conclusion de la trilogie Radio Gnome Invisible, "You Never Blow Your Trip Forever", l’ultime pièce de l’album You, fin de la quête de Zero The Hero entré dans un cycle infini de vie et de mort, et dernière chanson des Pot Head Pixies interprétée par Gilly Smyth et Daevid Allen, les yeux dans les yeux, dans une osmose totale. Ainsi s’achève ce concert; sur une douce litanie reprise peu à peu en chœur par toute la famille… "You are I and I am You… You are I and I am You… You are I and I am You"… Au revoir Gilly Smyth, on se voit en 2032...


Maintenant que les lumières s’allument et que l’on se permet de regarder derrière soi, on réalise que ce soir pour Gong, salle comble est un terme un peu léger. Tout le monde en sort marqué, avec forcément un peu plus d’optimisme qu’à l’entrée. Plus qu’un concert, une communion, un sentiment de complétude et de bien être, celui qui fait que l’on se sent chez soi, partout. Et quoi qu’on en dise, la substance, c’est Gong.

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