Blackberry Smoke
Salle : Ancienne Belgique (Bruxelles - BELGIQUE)
Première partie :
Et le temps fait pluie-pluie…
Une file de très vieux rockers (l’expression devient pléonastique) bedonnants se forme devant les portes encore closes de l’Ancienne Belgique. C’est qu’il est important de figurer parmi les premiers. Non pas parce que les places sont chères contre la scène mais parce que, dans le fond de la salle parallélépipédique, les fauteuils (très confortables au demeurant) sont rares et extrêmement convoités.
Il pleut. Évidemment. Il pleut toujours quelque part en Belgique. Parfois même partout à la fois.
Les Français du Nord qui ont préféré Bruxelles à Paris pour le concert des natifs de Géorgie (USA) ne sont pas affectés par ce climat qui leur est également familier. Le verbe est haut et fleuri. Les canettes de bière belge sont appréciées. Les souvenirs nostalgiques sont nombreux et parfois très approximatifs. Puis Téléphone en prend pour son grade. Aubert et Bertignac sont des imposteurs du rock. Des petites bites. Voilà, c’est dit ! Sur un ton qui n’admet pas la réplique. Il y a quarante ans, je me serais énervé et j'aurais sorti une contre-connerie définitive à voix haute. Mais je me contente de sourire et de noter l’anecdote.
Bones Owens
En première partie, le tatoué du Missouri ne convainc guère. Il a joué avec tout le monde (y compris les excellents Whiskey Myers) avant de se lancer dans une carrière solo qui n’a sincèrement rien d’emballant. Épaulé par un batteur et un bassiste peu expressifs, le gaillard peine à enthousiasmer la salle comble. Son country rock sudiste est terriblement basique et répétitif. Mal servies par une voix peu puissante et sans relief, les compositions s’arrêtent généralement au beau milieu du gué, là où l’on attendrait un petit solo de guitare rafraîchissant qui ne viendra jamais.
Blackberry Smoke
Il y a un côté évangélique dans la démarche des fumeurs de mûres. Cela fait (déjà) vingt-quatre ans et dix (souvent très bons) albums (huit en studio et deux live) que le sextet joue les prosélytes obstinés d’un classic-country-rock sudiste définitivement marqué au fer rouge de la décennie soixante-dix.
Une "dévolution" digne des terrifiants frères Mothersbaugh.
Les Berries sont simplement adorables. Sincèrement affectés par la mort de leur batteur Brit Turner (par ailleurs frère du bassiste), les Sudistes ont décidé de poursuivre leur route et de continuer à tourner pour lui rendre hommage en musique. Dans leur petit univers, le monde entier (musiciens, roadies et public) n’est composé que de frères et de sœurs chargés de transmettre la bonne parole des Pères Lynyrd Skynyrd et Marshall Tucker Band.
Abstinent convaincu (il ne boit pas une goutte d’alcool et a abandonné la cigarette), le chanteur-guitariste Charlie Starr (ce nom…) est un leader naturel. Mû par une résolution extraordinaire, le gaillard en impose malgré sa petite taille, ses grandes oreilles et sa très frêle silhouette. Sur scène, ses cinq frères se contentent d’une semi pénombre, tandis que Charlie s’expose en pleine lumière, sous les projecteurs de poursuite. Fort d’une voix extraordinaire et d’une gouaille roborative, le bonhomme met la salle dans sa poche dès les premières mesures.
Sous les ailes déployées du papillon qui orne la pochette de Be Right Here, les Sudistes déroulent avec aisance et professionnalisme une set-list attendue, truffée de titres souvent proches de l’anthologie.
Soutenu, côté jardin, par une section rythmique sans faille, le trio de guitaristes, épaulé par un claviériste ultra-vintage, tricote des soli complexes sans jamais jouer la carte de la virtuosité.
Et c’est peut-être par là que pêche Blackberry Smoke. Il manque par moment cette attitude, ce délire, cette expression de folie rock qui expédie l’audience dans une autre dimension. Et, quand Charlie Starr laisse le soin au public (non anglophone et non averti) de chanter ses meilleurs titres (comme le génial "One Horse Town"), le soufflé à même tendance à retomber au pire des moments.
L’ambiance est conviviale mais il manque clairement un hymne qui ferait se lever les grabataires ou voler casquettes et soutien-gorges (comme au vieux temps où nous avions le cheveu long, le ventre plat et des illusions d’éternité). Finalement, malgré quelques riffs ensorcelés ("Dig A Hole" est une tuerie absolue), le concert a des allures plus liturgiques que lysergiques, ce qui convient à merveille à cette salle intimiste à la jauge mesurée (2.000 spectateurs).
Un dernier salut, une gentille bousculade et les vieux rockers se retrouvent dans la rue. Où il pleut. Mais moins fort. Une tisane et au lit… Rock On !
Définition définitive
En plus d’être un chanteur d’exception (je suis plus réservé sur ses capacités de six-cordiste), Frère Charlie Starr est également un encyclopédiste de talent. Sa définition du southern rock est absolument définitive : C’est une musique imaginée par des groupes originaires du Sud (des États-Unis) qui n'avaient pas peur de jouer du rock'n'roll avec des ajouts de country, de delta blues, de Chicago blues et d'un peu (ou beaucoup) de jazz. Et peut-être qu'ils aimaient tous faire un boucan d'enfer de temps en temps...
Et c’est peut-être bien le fameux boucan d’enfer qui a manqué lors du concert à l’Ancienne Belgique...
Set-List
Workin’ For A Workin’ Man
Good One Comin’ On
Hammer And The Nail
Pretty Little Lie
Like It Was Yesterday
Hey Delilah
Waiting For The Thunder
Azalea
Rock And Roll Again
You Hear Georgia
Restless
Sleeping Dogs
Medicate My Mind
The Whippoorwill
Sanctified Woman
Ain’t Got The Blues
Run Away From It All
One Horse Town
Little Bit Crazy
Encore
Dig A Hole
Ain’t Much Left Of Me