Une parfait union des contraires, la biographie de Maynard James Keenan
Attention, si vous pensiez découvrir ici une explication du clip de “Parabol/Parabola” ou les secrets derrière les paroles du chanteur, passez votre chemin, car vous n'aurez pas de réponse. Le livre ne contient rien ou presque sur la composition des chansons, cependant, la remise dans le contexte d'événements de la vie de Keenan permettent de cerner ce qui pouvait nourrir ses textes ou l'imagerie de Tool. Comme par exemple son amitié avec Bill Hicks, un tremblement de terre chez lui pendant l'écriture d'Aenima, les textes de Melchizedek sur le pouvoir des mathématiques, ou encore les abus subis par sa mère. La biographie est bien plus intéressante que le passage obligé est superficiel auquel nous avons trop souvent droit.
MJK y intervient beaucoup, ainsi que des membres de sa famille, d'anciens camarades de classe, des colocs... et sa vie privée est pas mal mentionnée ; sa vie sentimentale chaotique, sa consommation de groupies, la naissance de son premier enfant Devo, les difficultés avec sa famille, les derniers instants de sa mère, une lettre désespérée à son meilleur ami Kjiirt après ses deux premières semaines dans l'armée, la description de sa première histoire d'amour... le tout accompagné de nombreuses photos personnelles.
Dès l'avant-propos, l'aspect mystique de la vie de Maynard James Keenan est mentionné : Alex Grey (artiste responsable des artworks pour 10,000 days) l'y compare à un chaman qui, à travers les problèmes de santé de sa mère apparus alors qu'il n'a que onze ans, voit ce que les autres ne voient pas, puis emmène ses fidèles avec lui pendant son spectacle. Le décor est planté et ce côté mystique subit est vite abordé.
Sa mère, divorcée de son père et remariée, impose à Maynard (encore appelé Jim à l'époque) les messes évangélistes desquelles il tente de s'évader en se mettant en scène dans son garage, derrière un micro factice, sur The Jackson Five. C'est dans ce climat familial que sa mère, Judith, est victime de trois AVC consécutifs, la laissant à demi paralysée et quasi aveugle. La considérant comme une pécheresse punie par Dieu, l'église la rejette, et MJK n'y retournera plus jamais, alors qu'une partie de la famille pense à une punition divine... Avec sa tante, Maynard s'occupe alors de sa mère, subit des brimades à l'école et évacue son mal être dans la course à pied puis la lutte dans lesquelles il excelle. Cette période restera un élément primordial dans sa vie, et ses textes...
A ses 13 ans, il va vivre chez son père, (remarié à Jan, ils tous deux enseignants dans le Michigan), et obtient les premiers prix dans toutes les catégories secondaires auxquelles il participe, qu'elles soient sportives ou artistiques. On comprend qu'ensuite il tâtonne entre différentes possibilités que ses talents lui offrent, tout en étant régulièrement barré par le destin. C'est ainsi que l'on découvre pourquoi il a mis en place un plan qui en surprit plus d'un : lui l'esprit libre et artistique allait s'engager dans l'armée pour trois ans, afin que la bourse reçue lui permette ensuite d'accéder à l'école d'arts que son père et sa belle-mère lui refusent.
C'est d'ailleurs à l'armée qu'il utilise le terme Tool pour désigner des suiveurs en manque de caractère. Caractère dont il ne manque pas lorsqu'il refusa d'entrer dans l'armée plus officiellement, malgré son succès haut la main à la sélection d'entrée, histoire de ne pas hypothéquer son avenir artistique. C'est à cette période, dans les clubs punks de Grand Rapids, qu'il comprend que la musique l'excite beaucoup plus que le design et la publicité.
À son arrivée à Los Angeles pour travailler dans une nouvelle animalerie, il squatte chez Tom Morello (alors entre Lock Up et Rage Against The Machine), à qui il apprend à jouer en 'drop D', le son du grunge, et postule pour être le chanteur de RATM. Mais c'est finalement avec Tool qu'il signe un contrat avec le label Zoo Entertainment... après seulement sept concerts dans des clubs de LA.
Avec ses styles vestimentaires ou capillaires bien spéciaux (allant jusqu'à se travestir dès la fac), et son humour parfois déconcertant, nous découvrons un Maynard investi dans son boulot dans des animaleries (dont il repense par exemple le design) et dans tout ce qu'il entreprend en général. On apprend aussi qu'en plus de cours de jiu-jitsu (qu'il enseigne maintenant) il a suivi des cours de comédie, et qu'au moment de réaliser le clip de Judith (dont elle, Judith, n'appréciait ni la musique ni le "fuck your god" du titre) David Fincher lui a proposé de faire des essais pour Panic Room.
Si le lecteur avait encore un doute sur la propension de Keenan à réussir la plupart de ce qu'il entreprend, celui-ci s'éteint en réalisant l'implication de l'américain dans la viticulture de l'Arizona. Bien réelle, cette implication le pousse à faire évoluer les choses autour de lui, jusqu'à tripler le nombre d'étudiants viticoles par exemple…
Voilà une biographie qui sort quelque peu des sentiers du genre, et qui nous donne à découvrir un Maynard bien plus ancré dans une vie simple que pourrait le laisser supposer son attitude publique. Le seul petit bémol quant à l'écriture de Sara Jensen serait qu'il y a plusieurs fois la mention de quelqu'un et l'on ne sait pas (alors) de qui il s'agit… Mais rien d'alarmant pour un livre toujours intéressant, qui nous montre aussi comment, à plusieurs reprises, il a suivi son instinct et écouté ses envies en esquivant un chemin souvent tout tracé.
Editions Camion Blanc.
32 euros.