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Chronique Cinéma

Cobain - Montage of Heck


"Décomposition du documentaire controversé par la rédaction"
Collectif, le 07/10/2016
( mots)

Montage Of Heck a récemment été diffusé par Canal+. L'occasion pour certains membres de la rédaction de se plonger dans un film controversé, sur lequel on a lu beaucoup de choses. Buzz Osbourne des Melvins, ancien copain de Cobain, a crié au scandale en déclarant: "C'est 95% de conneries". Nous avons tenté de comprendre au mieux ce documentaire sur notre icône, nous les enfants du début des années 90, débarqués sur Terre en même temps que Cobain dans les charts. Et voici nos avis.

Fanny: Un chérubin aux prunelles azur qui s'agite, envoie des baisers, gratouille une guitare jouet, et souffle ses bougies d'anniversaire sur fond d'"All Apologies"...

"I'm Kurt Cobain". La légende bâtie autour de -et entretenue par- le leader de Nirvana a fait couler beaucoup d'encre, et généré quelques productions cinématographiques de qualité inégale. "Kurt Cobain, Montage of Heck" vient s'y ajouter, avec l'accord de la famille du défunt -entendez Courtney et Frances Bean-, ce qui a suffi à déclencher la méfiance d'une partie des fans à l'égard du documentaire. Qu'en est-il?

À titre personnel j'ai été prise aux tripes par la première partie du film, narrée par les parents de Kurt, qui se focalise sur son enfance, sa réaction face à la décomposition de son noyau familial, sa perte de repères, et sa crise d'adolescence.  Le contraste entre les images, l'évolution des dessins de Kurt, le choix des morceaux, tout est fait pour créer l'immersion, et en cela la mécanique fonctionne. Ce trop plein d'intimité fascine autant qu'il dérange. 

Brett Morgen parvient sur cette partie du documentaire à dépeindre de manière très organique le contexte social d'une époque, et les névroses de l'adolescent; le travail d'animation des dessins de Cobain est titanesque, le montage épileptique et nerveux. 
La narration de l'adolescence est principalement le fait de Kurt lui-même, via des enregistrements. Certaines scènes de vie sont dépeintes sous forme d'animations. Le personnage de Kurt est plutôt bien reproduit. Des reproches ont été adressés par certains à Brett Morgen concernant la véracité des événements -looking at you, Buzz Osbourne-. S'il est de notoriété publique que Kurt Cobain pouvait se montrer affabulateur, et ce notamment pour se moquer de ses fans ou des journalistes, est-il pour autant criminel de reprendre ses propos ? Les on-dit de ses amis d'enfance valent-ils mieux que les dires du principal intéressé ? Personnellement cet argument n'a pas affecté mon jugement, le même reproche aurait pu être adressé à "About a Son", et ce dernier est bien moins construit et riche que "Montage of Heck". 

Ceux qui ont vu "Kurt & Courtney" ne seront pas surpris de retrouver à l'écran l'ex petite amie de Kurt, Tracy Marander. Mais contrairement à son interview dans le film de Nick Broomfield, l'amour de jeunesse est ici retranscrit avec beaucoup de tendresse, et pas cette volonté de sensationnalisme, bien que les faits soient identiques. L'initiation à l'héroïne de Kurt est également traitée sobrement, le film incluant cette phrase si lourde de sens : "I'm afraid that if I lost  these stomach problems, I might not be as creative".

Vient ensuite la seconde partie du film, le "phénomène Nirvana" et l'entrée en scène de la veuve éplorée. 
On peut regretter l'absence de Dave Grohl, plus proche de Kurt que Krist. Il en fut le premier étonné, ayant été interviewé par Brett Morgen. Ce cut est sans doute dû aux tensions de l'époque entre Dave et Courtney, cette dernière ayant probablement eu la volonté de montrer qui était aux commandes. 
Le versant du docu consacré à Nirvana est assez intéressant et reste relativement neutre; on y voit trois gosses plein d'humour se payer la tête des journalistes, des répétitions devant d'énormes salles vides puis des lives face à une marée humaine, les controverses suscitées par les textes du groupe et l'attribution à Kurt du fameux statut de représentant d'une génération d'adolescents perdus, dont il ne parviendra pas à se débarrasser. 

Les 50 dernières minutes du film sont à mon sens le seul véritable point noir du film. Non pas que je voue une haine particulière à Courtney Love. Mais il est indéniable que ce documentaire a été instrumentalisé pour mettre en valeur la veuve, qui en révèle davantage sur sa personnalité que celle de son défunt époux, y compris lorsqu'elle l'évoque lui. Extrêmement mégalomane, Courtney a donc choisi d'introduire dans "Montage of Heck" des extraits de films maison retraçant la vie intime du couple, où elle se balade à moitié nue, se plaint de mettre en parenthèse sa carrière pour se consacrer à Kurt et à sa fille, et s'attribue le "mérite" de la tentative de suicide à Rome de son mari, parce qu'elle aurait "pensé à le tromper". Kurt est alors dépeint comme un junkie dont le but ultime était d'atteindre 3 millions de dollars puis de se plonger dans son amour de l'héroïne. 
Si le but de la veuve était de s'attirer empathie et compassion pour avoir supporté son junkie de mari, c'est loupé.

Pour autant, comment éviter cette part si importante de la courte vie de Kurt? Cette interview était sans doute la condition sine qua non pour que le documentaire puisse voir le jour. On avale donc la pilule, en maintenant une distance de sécurité avec les propos de la veuve. 

Le film s'achève sur des images d'un Kurt se distançant peu à peu de son entourage, sombrant dans l'apathie, des extraits de textes de plus en plus sombres, et sur cet unplugged somptueux, inoubliable. 

Malgré ces quelques écueils je suis sortie assez bouleversée de ce "Montage of Heck". Le documentaire est très graphique, pointu, les ambiances musicales sont toujours appropriées, le fil conducteur est légèrement romancé mais reste sobre si ce n'est lors des extraits consacrés à Courtney. Le personnage de Kurt y est dépeint dans toute sa complexité et sa sensibilité, qualités comme défauts. Et on en ressort juste avec l'envie d'écouter du Nirvana, et le mal de l'époque. Que demander de plus ? 

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Etienne: On a déjà vu, lu et entendu beaucoup de choses sur Kurt Cobain, des légendes les plus coriaces aux inepties les plus loufoques, thèse sur un soi-disant meurtre orchestré par Love et j'en passe. Que pouvait donc bien apporter de plus Montage Of Heck à l'imposante pile d'anecdotes et d’images d’archives qu’on nous ressasse depuis tout ce temps ? Et bien pas mal de choses. Des bonnes. Et des beaucoup moins bonnes.

Le travail de documentation de Brett Morgen est fascinant, précis et fourmille de vidéos dévoilant le monde de Cobain, là où il est né, là où il a grandi, sa mère, ses premiers groupes etc. Les interviews sont filmées remarquablement, les lumières sont précises et mettent en valeur les traits tirés des uns (la mère de Cobain) et la peine des autres (Novoselic, au bord des larmes). Superbes témoignages journalistiques, ils dressent un portrait brut mais touchant de celui sur qui tant se sont permis un jugement. L’alternance de plans de face et de profil est par ailleurs sidérante de beauté tant elle semble percer le voile des secrets de chacun. Les questions les plus âpres ne sont pas esquivées: l’enfance de Kurt, ses rapports compliquées avec la hiérarchie, sa dépendance financière vis-à-vis de son entourage, sa psychologie instable. Tout y est abordé. Et la drogue bien sûr. Le "cancer" de Cobain, celui qui le conduira dans l’abysse.

Largement dépeint comme un toxicomane notoire, cet aspect de sa vie est très appuyé dans le documentaire, notamment dans la deuxième partie. C’est honnêtement assez dommage tant la personnalité complexe de Cobain ne peut se résumer qu’à son addiction à l’héroïne. Une époque sombre et torturée dans laquelle on le voit perdre les pédales, oublier son rôle de père et se dévouer corps et âme à cette purge de Courtney Love. Omniprésente, grillant clope sur clope, maquillée à la truelle, elle s’épanche sur son rôle dans la vie de Cobain, elle qui n’a fait que plomber la carrière d’un homme en manque de repères, n’ayant trouvé pour refuge que les bras d’une pathétique, jalouse et mesquine femme. Grohl viré du montage à cause d’elle, il n’y a plus aucune voix dissonante pour nuancer son récit pompeux et mégalo. A l’écouter, c’est elle qui a permis à Cobain de devenir la rock-star qu’il était. Elle, sa muse, qui est à l’origine de la réussite de son mari. Tout ce qu’on y voit c’est un Cobain abattu au moment d’entonner un « Where Did You Sleep Last Night ? » mythique à New York qui prend un sens franc, dramatique, intelligible. "Ma fille, ne me mens pas, dis-moi où tu as dormi la nuit dernière ?" sont autant les éructations d'un rock-star au sommet de son art que les cris d'un coeur blessé. Elle a tué Cobain. Pas directement - c’est en tout cas impossible à prouver - mais par son incapacité à aimer celui qui ne demandait que ça. Brett Morgen dévoile cette facette fascinante et dramatique du couple sans aucune forme de ménagement pour le téléspectateur. Brillant.

Là où Brett Morgen fait également fort, c’est qu’il n’y a aucune narration orale dans Montage Of Heck. Le réalisateur se sert des mots écrits par Cobain avec une aisance et une sérénité rare. Il sait exactement quoi projeter pour provoquer les réactions: l’admiration, l’interrogation, le dégoût, la gêne, l'inquiétude, l’empathie, tout y est. Sans qu'une seule syllabe ait fendue la permanente ambiance funeste du documentaire. Il se sert de belles animations où défilent notes de Cobain et autres photos d’archives pour semer son idée, sans la développer outre-mesure. Un coup de maître particulièrement habile. Le tout sur fond de bande-originale nirvanesque jouée à fond les ballons, évidemment.

Mais cette absence de narration se révèle aussi un point délicat pour la compréhension du documentaire. Un passionné remettra toutes les pièces du puzzle dans l’ordre. Un tout juste initié ou pire, un novice, ne peut décemment pas comprendre toute la portée du documentaire. Dommage car Montage Of Heck propose de très belles choses visuelles en détaillant la vie d’un homme sous un angle nouveau, celui qui consiste à inciter le téléspectateur sans le brusquer, à la guider sans l’instruire bêtement. Brett Morgen amène chacun vers une véritable réflexion sur la personnalité de la légende Kurt Cobain. Cette qualité majeure révèle aussi un défaut flagrant lorsqu’il s’agit d’évoquer l’héritage de Cobain: sa musique.

Qu’on soit très clair, on ne parle pas de musique dans Montage Of Heck. Et c'est certainement le défaut majeur du film. Concernant l'aspect musical, on vous conseillera plutôt l'excellent livre de Florent Mazzeloni, Nirvana & le Grunge. Là, on cause musique et c’est foutrement bien documenté. Mais comment mettre en second, voire troisième plan la musique quand on évoque Kurt Cobain. Un pari osé qui déséquilibre grandement le film, devenant à mesure que la star Cobain se renferme sur elle-même un témoignage intrusif et sans rythme. 

On ne parle pas des influences de Kurt Cobain, on n’évoque pas la genèse de Nirvana, on ne détaille pas la composition des albums. On parle de Kurt Cobain. Simplement, Kurt Cobain. Bleach est traité au travers de la présentation d’un garçon qui arpente les bas-fonds de Seattle, joue dans des clubs miteux et dort dans un van minable au moment de partir en tournée. Nevermind est évoqué au travers de l’oeil populaire, celui du succès et de la médiatisation. Le mal-être s’installe. Quant à In Utero, il laisse espérer une renaissance de Kurt Cobain, en vain. Non, Montage Of Heck n’apporte rien à l’intelligibilité du musicien. Mais il est un brillant portrait de l’homme. C’est déjà pas mal.

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Erwan : "Viens par ici. Je voudrais te montrer quelque chose". Ce quelque chose, c’est Kurt Cobain. Légende malgré lui, personnage déjà complexe rendu plus complexe encore par ceux qui voudraient que la légende ne s’éteigne jamais, brillant thermomètre d’une époque qu’on a tenté en vain de faire entrer dans la catégorie des génies de la musique. Kurt Cobain n’entre dans aucune catégorie et c’est bien cela qui pose problème. Lui disparu, chacun fait de l’histoire ce qu’il veut. Avec Montage of Heck, c’est autour de Brett Morgen de dessiner son Kurt Cobain. A travers des images et des enregistrements exceptionnels mis à disposition par la famille du regretté intéressé, principal point que soulèvent les détracteurs du film. Montage of Heck ne raconte-t-il pas finalement le Kurt Cobain que son ex-femme voudrait qu’on voit ?

L’enfance de Kurt, et plus particulièrement le contexte dans lequel il va naître, est racontée par celle qui l’a vécu au premier plan : sa mère. C’est aussi l’occasion de retracer le portrait d’une Amérique fertile, où l’argent n’était pas un problème. On découvre ce que les plus connaisseurs connaissent déjà, un Aberdeen tranquille, un endroit parfait pour élever ses enfants. Un couple amoureux qui décide justement d’en avoir. Et là apparaît l’un des gros points négatifs du film, alors qu’il n’a démarré que depuis un peu plus de cinq minutes. "Rien n’arrive par hasard. Il fallait que Kurt naisse. C’était un indispensable". Difficile d’aller contre la volonté d’une mère de décrire son enfant comme le meilleur des enfants, mais Wendy O’Connor ne sait pas parler de son fils avec du recul. Kurt est sans doute resté à ses yeux le petit ange blond timide qu’il a peut-être été à un moment. Mais le voir transformé en messie à chacune des prises de paroles de sa mère a tendance à agacer un peu. Surtout quand on sait ses moments d’égarement, sa scolarité plus que compliquée, et la façon dont elle ne l’a pas soutenu à l’époque en allant jusqu’à l’expulser de chez elle. Un peu plus loin, Wendy parle de la première fois que son fils lui fait écouter Nevermind, alors que celui-ci n’est même pas sorti, des étoiles dans les yeux, en rajoutant des caisses sur sa réaction de l’époque. "Oh mon dieu, cela va changer absolument tout sur terre. Tu n’es pas prêt pour cela". Le récit d’un moment touchant devient un autre prétexte à sacralisé Kurt Cobain un peu plus, lui qui est clairement en manque de cela.

Montage of Heck est un reportage relativement dérangeant dans la proximité qu’il instaure avec le côté intime de la vie d’un homme. Au-delà du procédé d’interview assez classique, des proches face caméra qui racontent une vie, un passé, une anecdote, les divers images et enregistrements de Kurt qu’on peut retrouver à l’intérieur nous le font sentir si proche qu’on pourrait l’imaginer comme une connaissance, un lointain cousin, voir un ami. Et l’intimité de Kurt n’est pas forcément du genre à mettre à l’aise. Le film est pour le coup totalement honnête avec cela. Les phrases que Kurt gribouille sur un cahier, mais surtout ses enregistrements personnels sur magnétophone, sont une fenêtre sur sa personnalité ravagée par un divorce qu’il n’a pas su gérer. Les récits de sa première tentative avec une fille, racontée de sa voix, des humiliations qu’il subit au lycée et de sa première tentative de suicide manquée sous un train, le tout sur fond de violons, sont absolument saisissant et difficile à digérer pour un spectateur attaché au personnage.

Ces récits sont d’ailleurs l’occasion de souligner le travail d’animation colossal réalisé pour le film. Tout ce qui ne pouvait être illustré par des archives l’a été par dessin, à travers un montage intelligent qui accompagne le récit sans chercher à trop en dire de façon subliminale, insufflant de la violence dans les propos violents, et de la tendresse dans les réflexions les plus calmes.

Le film est grosso modo divisible en deux parties : celle sans Courtney Love, et celle avec Courtney Love. Car il est évident que Courtney a pris la main sur la seconde partie du film, tant elle y est omniprésente (au contraire de Dave Grohl avec lequel elle ne s’entend pas), tant toutes les images d’archives tournent plus autour d’elle que de Kurt, et tant elles montrent le Kurt qu’elle veut raconter. Ce Kurt Cobain qui lui fait presque subir son addiction à la drogue, qui ne rêve que de se droguer d’ailleurs selon ses dires. Ce Kurt Cobain qui n’était plus vraiment sain mentalement, qu’elle ne voit que comme un drogué, un drogué pour lequel elle a peut-être de l’affection, mais certainement aucun amour. Sur les images, le couple s’amuse pourtant. C’est peut-être là que se trouve ce qui nous échappe réellement à tous sur le pourquoi de la relation entre Kurt et Courtney. Le fun de passer du temps à raconter et faire n’importe quoi en buvant et se défonçant.

Les problèmes de santé de Kurt sont abordés dans le film à travers les explications de Kurt lui-même, sur fond d’image de boyaux qui se tordent et saignent. Kurt raconte avec une simplicité déroutante comment il lui est devenu logique de prendre de l’héroïne pour se guérir, et la façon dont cette décision n’a rien arrangé à sa santé est finalement plus discrète dans le récit.

La fin du reportage donne une image sublime de l’artiste au sommet de son art, durant le Unplugged de 1994. Alors qu’on le voit se préparer, une interview est superposée aux images. "Vous pensez que vous êtes de plus en plus heureux ? Ouais, je pense qu’on peut dire ça". Kurt plaisante avec le public, s’adresse à ses proches, et commence à chanter All Apologies. Puis vient le moment de la peine (une fois passé un nouveau petit show Courtney Love), celui où Kurt chante Where Did You Sleep Last Night et où ce sont cette fois-ci les mots à l’écran et non les voix qui nous racontent sa première tentative de suicide, puis sa seconde, cette fois-ci réussie. Kurt Cobain a été retrouvé mort à Rome un mois après l’enregistrement de ces images, à l’âge de 27 ans.

Le film apporte autant de bonnes que de mauvaises choses avec lui. Au rayon des bonnes, une fois qu’on a évoqué ses qualités techniques, les dessins, la mise en musique, la façon de raconter les choses, il faut aussi parler du matériel qu’il a révélé. Les enregistrements de Kurt, ses écrits, et l’album qui l’a accompagné. La proximité qu’il instaure avec le personnage, bien que dérangeante, est extraordinaire à vivre pour un fan. De plus, le film ne cherche pas à donner d'explications sur la mort de Kurt, laissant le spectateur seul face à ce qui lui a été donné pour essayer d'expliquer ce geste. Au rayon des mauvaises, on se doit de noter le manque d’intérêt du récit de certaines des voix qu’on peut y entendre. Celle de sa mère, dont on a déjà parlé, mais qui elle n’a certainement aucune mauvaise intention. Et celle de Courtney, dont on ne dira rien de plus. A côté de cela, les apparitions de Krist Novoselic et de Tracy Marander sont précieuses. Pour finir, le film et l’album sont deux indispensables pour les fans. Mais l’album est plus intéressant à retenir.

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BenoîtIl y a 22 ans Kurt Cobain disparaissait dans le fracas d'une arme à feu.

Le légiste optera rapidement pour un suicide, cette conclusion reposant sur 2 faits incontestables : une lettre d'adieu retrouvée plantée dans un amas de terreau, ainsi que les témoignages répétés d'une veuve attestant du caractère suicidaire de son mari quelques mois avant son décès.

Si l'on considère cette conclusion d'enquête comme un axiome, alors ce documentaire, proposé par Brett Morgen et produit par HBO, est irréprochable, formidablement réalisé et novateur dans son approche intime et ses propositions graphiques.

Mais quand on sait que le projet a été commandité par Courtney Love, on est en droit de se demander si ces artifices de réalisation ne sont pas au service d'une cause plutôt douteuse.

Frances Cobain (co-productrice du film et fille unique du couple) ne voulait certes pas d'hagiographie pour raconter la vie de son père, mais de là à se retrouver avec une biographie orientée, publiée par des médias mainstream, il y avait tout de même un pas qu'il ne fallait pas franchir.

Le film joue sur son statut de documentaire authentifié par la famille Cobain et pêche par son manque cruel d'objectivité. Ainsi, d'instants intimes partagés en immersion dans l'univers toujours plus sombres de Kurt, la manipulation se fait de plus en plus palpable.

En prenant suffisament de recul, il devient évident que le montage, le choix des images ainsi que la dynamique du récit sont au service d'une thèse unique : expliquer pourquoi Kurt s'est suicidé.

A l'instar de l'absence au montage final de Dave Grohl, tout ce qui s'éloigne de cette assertion semble écarté du scénario.

Chaque documentaire ou bouquin sur le cas Cobain est à coup sûr un succès commercial et celui-ci ne déroge certainement pas à la règle : ventes de DVD, VOD, livre et OST, tout a été pensé pour faire consommer.

Peu importe le message, le profit est une motivation suffisante pour déterrer et ronger l'os de la curiosité lucrative.

Les intentions sont parfois certes louables, mais à chaque pelleté supplémentaire le souvenir de Nirvana en tant qu'icône de la contre-culture s'assombrit au grand dam de la volonté initiale de son défunt leader.

En outre, d'un intérêt musical plus que limité, ce documentaire ne semble pas s'adresser à des fans.

Le choix des images jamais diffusées s'étant plutôt axé sur le quotidien d'un homme en proie à ses souffrances et démons, il ne faut pas s'attendre à découvrir des images d'archive de concerts ou répétitions inédites.

Au niveau des performances musicales, Brett Morgen a préféré nous rediffuser des classiques : d'abord le concert Live and Loud In Utero Tour du 13 décembre 1993, puis le mythique Unplugged in New-York du 18 novembre 1993.

Le dernier mois de la vie de Kurt est eclipsé en 2 phrases que chacun pourra apprécier à sa convenance :  "One month after returning from Rome, Kurt Cobain took his own life. He was 27 years old." 

Clap de fin, puis générique sur la chanson la plus détestée du protagoniste principal ("Smells Like Teen Spirit"), ne manquant pas au passage de citer les maquilleurs de miss Love, les autres intervenants s'étant probablement poudrés eux-mêmes.

Apres avoir visionné ce film j'ai eu le sentiment de tirer moi-même sur les cendres depuis longtemps refroidies de Kurt, dispersant un nuage de fumée opaque sur la mémoire d'un groupe emblématique ayant su fédérer des générations d'amateurs sur les 5 continents.

On ressort néanmoins mitigé a l'issue de cette expérience manquant de sobriété, et privilégiant la forme au détriment du fond.

Car si sur le plan cinématographique la réalisation de ce projet est une réussite, son apport à la culture rock et plus généralement à l'art musical est nul, voire négatif.

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