Très chère Anna (1),
Sincèrement, je ne suis pas très fan de ta musique. J’écoute. Mais ça ressemble un peu à du Kate Bush qui aurait abusé de la bière artisanale de chez moi.
Cela dit, très chère Anna, je défendrai jusqu’à mon dernier souffle le droit (l’obligation) pour tout(e) artiste de s’exprimer dans un environnement public. Parce ce que la musique (comme toute forme d’art) n’a de valeur que si elle est diffusée (et quand elle est diffusée).
J’aurais vraiment adoré entamer un débat avec le petit nombre de femmes et d’hommes qui s’est opposé physiquement à quelques-uns de tes récents concerts (en France comme en Belgique).
Fidèle à mes mauvaises habitudes, j’aurais longuement péroré au sujet de Dante Alighieri (pour ses "Enfers"), de Giuseppe Tartini (pour la "Trille du Diable"), de Johann Wolfgang von Goethe (pour "Faust"), de Robert Johnson (pour "Me And The Devil Blues"), des vilains Rolling Stones (pour "Dancing With Mister D"), de l’affreux Black Sabbath (pour toute son œuvre) et patati et patata…
Je suis intarissable quand il s’agit de parler de choses pédantes et de leur(s) contraire(s).
Mais, très chère Anna, alors que j’entamais ce long discours incendiaire à l’encontre des crétins qui ne souhaitent pas que tu t’exprimes, je me suis souvenu d’une phrase attribuée à Michel Audiard : "Je ne parle pas aux cons, ça les instruit."
Alors je me suis dit que, finalement, il était plus simple de laisser les cons se complaire dans leur prosélytisme obsolète et imbécile (2).
Le plus bel hommage que je puisse te rendre est simplement de traduire ton texte et de le diffuser. Tu me pardonneras si, par plaisir sémantique et sous mon entière responsabilité, je traficote un peu tes propos, mais tu admettras que c’est moins grave que vouloir te contraindre au silence !
"J’avais tout
Un peu jeune pour être vieille fille
Un peu âgée pour rester célibataire
J’étais aimée du monde entier
La compagnie idéale…
Au hasard d’un faux pas
Je suis tombée amoureuse d’un être malsain
Et cet amour a détruit ma joie d’être
Maintenant, ce sont des pilules qui m’aident à vivre
Elles me possèdent
Elles sont devenues l’unique habitude
De mon quotidien solitaire
Parfois j’écoute encore ce crétin qui me domine
Je supplie les pilules de m’accorder la vie
Cet amour me possède comme je le vénère
J’en suis malade, de chaleur et de froid
Il n’y a plus ni bien ni mal (3)
Je me suis simplement effondrée
J’ai fait l’Amour
L’Amour avec le Diable…"
Bien à toi, très chère Anna !
Si, fort accidentellement, tu passes un jour par mon patelin pour un concert, je serai au premier rang. Avec mon t-shirt vintage "Highway To Hell". Souvent porté. Jamais lavé. Tant pis pour l’odeur. Il paraît que le Diable n’est pas très regardant (4)…
Daniel (avec un "D" comme Diable)
(1) il s’agit évidemment de l’artiste suédoise Anna Michaela Ebba Electra von Hausswolff dont le nom me rappelle la citation d’un critique rock anglais qui avait écrit (circa 1984) : "Les parents qui appellent un enfant Yngwie Malmsteen ne doivent pas aimer leur fils." Juste pour détendre l’atmosphère…
(2) avec toutes mes excuses aux vrais "imbéciles" qui n’y peuvent rien, le terme est ici entendu dans son sens médical premier, c’est-à-dire "une personne intellectuellement déficiente".
(3) à titre d’exemple, les tintinophiles se souviendront que le capitaine Archibald Haddock a connu les mêmes affres dans Coke en stock (ouvrage au titre éminemment de circonstance, publié par Hergé en 1958) sans qu’aucun intégriste ne pense à s’enchaîner aux portes de l’imprimerie pour empêcher toute publication. Voir la page 42 de l’édition originale.
(4) dans son ouvrage de référence Rock'n roll. Viol de la conscience par les messages subliminaux, le Père canadien Régimbald relatait que les deux groupes de métal les plus sataniques du monde étaient évidemment Kiss (acronyme de "King In Satan’s Service") et Abba (parce que le premier "b" était orthographié à l’envers).