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Billet Albumrock

Edito novembre 2016 : Jesse and Donald in November Rain


Nicolas, le 09/11/2016

Le 13 novembre 2015, trois jihadistes ont investi la salle du Bataclan où se produisaient les Eagles of Death Metal à guichet fermé, alors que dans le reste de la capitale une vague d’attentats était perpétrée. 90 personnes ont trouvé la mort dans la salle de concert, 130 en tout sur l’ensemble des sites visés. 352 individus ont été blessés, dont une grande part gardera d’importantes séquelles, et ne parlons même pas du traumatisme psychologique vécu par les survivants indemnes. On sait désormais avec certitude que c’était non seulement la France, mais aussi le rock n’ roll qui était visé par cet acte de barbarie en raison des valeurs qu’il véhicule. Des valeurs occidentales bien sûr, mais aussi des valeurs de liberté, d’insoumission, de rébellion, de dénonciation des injustices. Cette prise pour cible ne doit aucunement occulter le fait que depuis le drame de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, 256 personnes ont péri à cause du terrorisme sur le sol français. L’horreur des faits se doit d’être réaffirmée crûment, mais aussi sobrement.

 

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« En rouvrant le Bata­clan, nous avons deux tâches impor­tantes à mener de front. Commé­mo­rer et hono­rer ceux qui ont perdu la vie dans l’at­taque de l’an­née dernière, et célé­brer la musique et la vie que repré­sente cette salle mythique. » Ces paroles de Sting, pleines de pudeur, d’humanité et de bienveillance, résument pleinement l’état d’esprit qu’il nous faut garder alors que l’ancien leader de Police sera le premier à jouer dans cette salle martyre le 12 novembre prochain, un lieu qui a bien évidemment fait peau neuve pour laver la souillure dont il elle a été victime. On avait un temps annoncé Pete Doherty comme premier artiste à se produire à la date du 16, mais nul doute que les gérants des lieux souhaitaient une personnalité plus médiatique, plus reconnue universellement par delà les frontières du rock, comme symbole de ce renouveau. Ils ne s’y sont pas trompés : les 1497 places pour le concert de Sting se sont vendues en moins d’une heure, ou plus exactement les quelques 500 qui restaient vu qu’environ 1000 d’entre elles étaient déjà réservées aux rescapés de ce funeste vendredi 13 ainsi qu’à leurs familles. Là-dessus, le bassiste-chanteur ne prendra pas de cachet, les recettes de ce premier concert devant être reversées à deux associations de victimes : Life for Paris et 13 novembre. Accessoirement, il se dit que 57th & 9th, le nouvel album de la guêpe, marquera un retour à un son plus dur, plus rock. Dont acte, mais l’un dans l’autre, ce choix de tête d’affiche, quoique par certains côtés éminemment consensuel, était certainement l’un des plus sages qui soit.

 

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La réouverture du Bataclan est évidemment une bonne nouvelle pour tous les parisiens amateurs de spectacles  - et de rock en particulier -, s’ajoutant à celle de l’Elysée Montmartre qui avait été ravagé par le feu en 2011. Bien sûr, rien n’éclipsera le drame humain qui nous a frappés l’an passé, mais gageons que le monde du live aura tout à gagner en continuant à aller de l’avant. Sur ce point, deux grands motifs de satisfaction sont à relever. D’une part, la fréquentation des salles de spectacle n’a pas fléchi significativement malgré une diminution importante des ventes de billets dans les trois mois qui ont suivi le carnage. Le baromètre du live table sur une chute de fréquentation de “seulement” 4 % par rapport à 2015. D’autre part, la surenchère sécuritaire à laquelle on aurait pu s’attendre n’a pas eu lieu. Les mesures préventives voulues par les salles et les festivals ont certes été appliquées, mais sans que cela n’entrave significativement le plaisir des mélomanes à se rendre à un concert. Un petit bémol néanmoins sur les festivals où l’on sent globalement, malgré les efforts consentis, que des progrès restent à faire afin de sécuriser concrètement des lieux il est vrai difficiles à ceinturer sur toute leur superficie. Espérons qu’il ne faudra pas une autre atrocité pour qu’un principe de précaution rationnel puisse s’appliquer dans ce cas de figure. On n’ose imaginer le bilan qu’il y aurait en cas d’attentat au Hellfest ou à Rock en Seine.

 

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Si les réactions du petit monde du rock vis-à-vis des événements du Bataclan ont unanimement versé dans l’empathie, le soutien aux victimes et la condamnation sobre de l’obscurantisme sous toutes ses formes, il est un fait que la tournure mi-paranoïaque, mi-redneck des déclarations de Jesse Hughes, visé en tout premier lieu par l’attentat, ont jeté un froid certain. Propos douteux sur les musulmans, accusations de connivence de certains membres de la sécurité de la salle avec les terroristes, affabulations quant à des célébrations d’allégresse dans les rues de la capitale française le soir même du drame… la coupe s’est retrouvée rapidement pleine, même si l’intéressé avait un temps fait l’effort de se rétracter et de s’excuser pour ses dires. Un an après les faits, on aurait voulu ériger une statue à la gloire des Eagles of Death Metal et de Jesse Hughes, les considérer en héros, en porte-étendards du monde moderne et d’un rock n’ roll à jamais libre et insoumis. On aurait voulu les voir rejouer sur les lieux de l’horreur, comme pour tirer un trait, peut-être pas définitif, mais décisif sur l’extrémisme, comme pour célébrer une victoire à haute teneur symbolique. Au lieu de ça, les EODM ont été blacklistés des festivals hexagonaux - très certainement à raison -, et gageons que le documentaire sur le groupe filmé par Colin Hanks (le fils de Tom) et d’ores et déjà programmé sur HBO en février ne changera rien à l’affaire, même si la polémique devrait y être éteinte. De quoi nous laisser un arrière-goût bien amer dans la bouche.

 

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Arrière-goût auquel vient s’ajouter la toute récente élection “surprise” de Donald Trump au poste de président des Etats-Unis d’Amérique. “Surprise” entre guillemets car n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, et les indices étaient pourtant là, sous nos yeux, depuis des mois. Albumrock n’a certainement pas vocation à étaler ses états d’âmes politiques, et à ce titre, il n’est pas question que nous versions dans les travers de nos confrères professionnels comme les Inrockuptibles qui ont depuis bien longtemps cessé d’être un média rock. Il n'est pas non plus question de se livrer à des opinions simplistes tant cette élection apparaît complexe à analyser, d'autant plus de notre point de vue de petits frenchies déconnectés de la classe moyenne américaine. Néanmoins, un axe de réflexion mériterait d’être mis en lumière maintenant que les ricains ont choisi, selon les dires de nombre d’observateurs, la “peste” plutôt que le “choléra” - un programme des plus réjouissants, n’est-ce pas ? Contentons-nous de rester factuels et de nous cantonner à notre sphère d’intérêt.

 

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Et ne tournons pas autour du pot : cela fait des semaines que le macrocosme pop-rock US se positionne à l’unisson non pas pour Hillary Clinton, mais contre Donald Trump, se livrant ainsi à une unanimité aussi sidérante que dérangeante. Un postulat qui s'exprime notamment au sein de l'initiative 30 Days, 30 Songs (30 Jours, 30 Chansons), sous-titrée "écrites et enregistrées par des musiciens voulant une Amérique sans Trump". Pas "avec Clinton", "sans Trump". Si on s’attendait à ce qu’un consensus pro-Démocrate voit le jour, comme lors de chaque élection présidentielle, la personnalité clivante de Donald Trump, aux propos volontiers racistes et misogynes, a cristallisé bien au-delà de l’habituelle sphère des activistes politiques que sont les Springsteen, Grohl, Vedder et autres Gibbard (ce dernier ayant écrit l'une des trente chansons en question). Ainsi, chaque jour, ce sont des milliers de posts anti-Trump qui ont inondé Facebook et Twitter, nombre d’entre eux ayant versé dans les attaques personnelles souvent peu finaudes contre l’homme ou ses potentiels électeurs. Il n’y a évidemment pas lieu de remettre en cause le droit de tout un chacun d’exprimer ses convictions personnelles, mais les “stars” du rock et de la pop, personnalités publiques s’il en est, feraient bien de prendre un tant soit peu de recul sur cette surabondance tant quantitative que qualitative qui s’est avérée par certains côtés prosaïque, voire putassière. Que certains s’expriment, c’est une chose, et l’on sera toujours gré aux punk rockers de se lancer à bras le corps dans tous les combats politiques qu’ils jugeront utiles. Quant à savoir que Lady Gaga, Madonna, Chris Martin, que tout le monde en fait abhorre Trump, quelque part, on s’en cogne. Quand on ne parle pas de société dans ses textes, quelle légitimité a-t-on pour imposer ses idées sociétales à un électorat ? Ces célébrités se sont-elles crues à ce point au-dessus du commun des mortels pour se sentir le droit, voire même le devoir, d’empêcher ce que beaucoup prédisent comme une authentique catastrophe, et ce en employant des armes peu ou prou similaires à celles de leur adversaire ?

 

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Il faut bien comprendre que dans une société démocratique, l’unanimité apparaît toujours comme suspecte, d’autant plus lorsqu’elle est malhabilement soutenue. Et ne parlons même pas de la vidéo de Marilyn Manson qui met en scène la décapitation de Trump, un type qui a fait de la provocation son fond de commerce et qui, quelque part, n’attendait qu’une seule chose : que l’on se livre à des ripostes du même acabit. Des ripostes auxquelles s’est abaissée Clinton elle-même et qui, loin d’alimenter le débat démocratique, ont au contraire contribué à fédérer les authentiques déçus de l’ère Obama. Certaines postures, après tout, ne devraient susciter chez nous qu’une indifférence affectée, un mépris trouvant sa voix dans un silence froid et posé. Laissons aux professionnels de la politique la mission de s’opposer à ceux qui cherchent à nous déstabiliser, non pas en répondant aussi bassement qu’eux à leurs appels à la haine, mais en s’attaquant réellement aux problèmes sur lesquels germent ces sarments nauséabonds. Et sachons rester dignes.

 

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Ce constat, on espère que nombre d’acteurs médiatiques français, du rock comme d’ailleurs, le méditeront à l’aune d’une élection présidentielle hexagonale qui, déjà, promet les pires intempérances d’un côté comme de l’autre, sans même parler du troisième bord nationaliste que, là encore, nul ne veut se résoudre à regarder en face sans ciller. Allez faire un tour sur le fil Facebook de Jesse Hughes, de Boots Electric ou des Eagles Of Death Metal : même si le frontman est un fervent admirateur de Donald Trump, vous n’y verrez nulle part une quelconque incitation à aller voter pour lui, ni quelque dénégation que ce soit d’Hillary Clinton. Nulle part, et ce n’est pas par honte ni par pudeur, soyez-en bien assuré. Parfois, taire ses opinions, c'est aussi faire preuve de sagesse. Faisons donc bien attention à ce que nous déclarons à nos “amis” Facebook - et je ne crois pas qu’il faille vous expliquer pourquoi le mot “ami” doit ainsi être mis entre guillemets. Disons-nous que nombre d’entre eux ne partagent pas nos opinions politiques et sociétales, même s’ils ne l’expriment pas. Et tout ce que nous pourrons dire, parfois maladroitement, parfois sous le coup de la colère, aura un impact totalement contraire au message que nous voudrions faire passer, notamment si l’"indignation" se fait trop consensuelle ou, à l'inverse, trop agressive. Sachons taire notre ressentiment. Sachons nous opposer aux idées sans nous attaquer aux hommes. Sachons débattre du fond sans nous retrancher derrière la façade offusquée d'une bien-pensance donneuse de leçons, un masque qui ne trompe de toute façon plus personne depuis bien longtemps. Sachons faire preuve de respect envers ces gens qui, en Amérique comme en France, sont suffisamment désespérés pour embrasser des opinions et des personnes que nous ne cautionnons pas. Et ayons à l’égard des extrémistes de tout poil la même attitude que celle que nous avons exprimée lorsque nous avons appris la nouvelle des atrocités commises au Bataclan : condamnons froidement et pleurons chaudement.

 

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Commentaires
Eily, le 14/11/2016 à 23:05
Une chose me gêne dans votre édito. Vous dites que nous avons un point de vue "de petits frenchies déconnectés de la classe moyenne américaine", ce avec quoi je suis d'accord. Mais vous analysez ensuite la vague de soutient des artistes américains avec justement un prisme de "frenchie", en particulier - et je ne suis pas expert en la matière - en omettant le fait que la liberté d'expression y est souvent bien plus une réalité qu'en France, et que l'expression des opinions s'y fait au grand jour. La dernière partie de votre démonstration, où le frenchie regarde la société française et ses enjeux, me semble bien plus cohérente. "Parfois, taire ses opinions, c'est aussi faire preuve de sagesse": je souscris.