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Billet Albumrock

Edito novembre 2015 : This is the Voice


Nicolas, le 06/11/2015

L’autre jour, à la faveur de quelques actualités postées par Etienne et rattrapant ainsi involontairement un retard mondial assez unique en la matière compte tenu de l’exposition médiatique de l’intéressée, j’ai entendu pour la première fois chanter Adele. Le single incriminé, “Hello”, n’a en lui même rien de caractéristique sur le plan mélodique, mais j’ai surtout été frappé et, disons-le clairement, touché par la voix de la jeune anglaise - qui n’est d’ailleurs plus si jeune que ça, mais passons. Et d’un seul coup, ce phénomène pop qui, dans mon inconscient, n’était qu’une énième passade populaire comme l’industrie musicale n’a cessé de nous bourrer les oreilles depuis l’avènement de Michael Jackson, s’est transformé en une authentique artiste dont l’organe sublime l’émotion la plus simple. De fait, peu importe le support, le style, la personnalité, l’identité et/ou les messages que l’on veut faire passer, on en reviendra toujours à cet outil musical si primordial, si essentiel pour communiquer et véhiculer les sentiments.

 

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Or si des courants comme la pop, donc, mais aussi le R n’ B, le reggae, le jazz ou, à l’extrême, l’opéra classique, ne peuvent faire l’impasse sur une voix qui apporte une plus value qualitative à des genres qui, instrumentalement parlant, seraient autrement plus ou moins superposables d’un artiste à un autre, il en va tout autrement dès lors que l’on s’adresse au rock au sens large et notamment à certaines de ses branches qui, crânement, osent mépriser totalement ou presque toute notion de traitement vocal. On reparlera bien évidemment du metal un peu plus loin puisqu’il s’agit de l’exemple typique de musiciens qui “chantent” (le terme étant d’ailleurs bien souvent exagéré) sans savoir chanter, mais il est un fait qu’à l’origine, les rock stars n’étaient pas des chanteurs à la base, j’entends par là des chanteurs “de profession”. Les bluesmen des 50’s étaient avant tout des guitaristes, idem pour les musiciens rock des 50’s qui ont d’abord brillé derrière leur instrument, guitare et/ou piano, cf Buddy Holy, Jerry Lee Lewis et plus particulièrement Chuck Berry. Un peu plus tard, on retrouve encore d’autres guitaristes de renom au micro, Eric Clapton, Jimi Hendrix ou Pete Townshend. Bien sûr, Elvis Presley réalisait un précédent en se montrant tout aussi remarquable par son rockabilly que par sa voix grave caractéristique. Et les Beatles ont eu tôt fait de remettre la voix au coeur de la pop music naissante, et déjà à ce moment-là, malgré tout le talent et la personnalité de George Harrison à la guitare, c’était la mélodie qui constituait le moteur musical des lads de Liverpool. L’exemple polyphonique des Beach Boys, les frères ennemis californiens, est encore plus typique de cette mouvance pop 60’s, même si Brian Wilson aura tôt fait d’offrir aux jeunes ricains leurs plus belles oeuvres au gré d’expérimentations psychédéliques, répondant en cela aux exigences créatives des Fab Four de l’autre côté de l’Atlantique. Mais qu’importe. En définitive, le fait est qu’à la base, pour faire du rock, il faut avant tout savoir en jouer. Le chanter n’arrive qu’ensuite, même si d’excellents guitaristes se sont également révélés être de formidables interprètes vocaux (Hendrix, again).

 

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Néanmoins, les architectes du rock ont bien vite compris l’importance que pouvait avoir le chant en terme de vecteur émotionnel, qu’il s’agisse de technique vocale pure ou de sentiments distillés au gré d’intonations et/ou de mises en scène. Dès lors, la voie (avec un e, cette fois) ne pouvait s’avérer que royale pour les Janis Joplin, Robert Plant, Freddie Mercury et autres Ian Gillan. Sauf que le vent a bien vite tourné et que les punks ont eu tôt fait de flanquer par terre tous les édifices bâtis dans les années 70. Non content de ne pas savoir jouer de leurs instruments, les ténors du créneau ne savaient bien évidemment pas chanter, ou très mal, ce qui revient au même. Et pour un Iggy Pop qui, malgré ses vocalises limitées et primaires, savait utiliser sa voix et la canaliser pour exhaler la rage débonnaire des Stooges, combien de Sid Vicious se contentant de brailler dans leur micro sans savoir ni même avoir conscience de ce qu’ils faisaient. Ainsi, retour à la case départ et CQFD : même si un bon chanteur apporte certaine une plus-value à un groupe de rock, il n’est nullement indispensable d’en avoir un dans ses rangs pour écumer les scènes du monde entier. On en est ainsi arrivé, au début des années 80, au cas extrême de Ian Curtis qui se résumait à une voix, une simple voix, certes imposante, majestueuse dans les graves qu’elle distillait, mais il est un fait que Curtis, à la base, ne savait pas chanter. Réécoutez donc Unknown Pleasures, pour voir.

 

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Or c’est justement dans les 80’s que la pop mercantile est apparue, et dès lors, toute voix un peu intéressante s’est vue happée par le star système. À ce stade, le rock a perdu tout droit de revendication à posséder d’authentiques chanteurs. Est-ce pour cela qu’il a connu un douloureux passage à vide au cours de la décennie ? N'allons pas trop vite en besogne. Mais allons plus loin. S’il est bien établi que le grunge a ressuscité un rock moribond au début des 90’s, à quoi doit-on ce succès ? Mettons de côté le phénomène Cobain qui serait trop complexe à analyser brièvement pour n’en retenir que ceci : malgré ses penchants punks et ses techniques vocales et guitaristiques limitées, l’apôtre du grunge avait une voix redoutable et a surtout appris, au fil du temps, à s’en servir (Nevermind, irréprochable de ce point de vue). Et lorsque l’on regarde ses petits camarades de Seattle, aucun doute n’est permis : Chris Cornell, Eddie Vedder et Layne Staley sont de grands, de très grands chanteurs. Alors oui, évidemment, réduire ce hard-punk de prolos en chemises de bûcheron à ses ténors serait ridicule, mais on ne m’ôtera pas de l’idée que le grunge n’aurait pas eu le succès qu’il a rencontré sans ses vocalistes. Et on ne m’ôtera pas non plus de l’idée que le rock ne retrouvera pas ses galons de gloire si de grands chanteurs ne se manifestent pas tôt ou tard.

 

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Si l’équation bon chanteur = succès populaire semble se vérifier assez souvent (en sachant que la même chose se vérifie parfois avec de mauvais chanteurs, Ian Curtis donc, mais aussi, au hasard, Rivers Cuomo, Anthony Kiedis, Lou Reed, Roger Waters, and so on...), que penser de ceux qui mettent un point d’honneur à chanter le plus mal possible ? On pensera ici bien évidemment à la sphère metal dont une frange plus que substantielle semble se complaire dans un extrémisme vocal rédhibitoire sous couvert d’authenticité et de respect du genre. Faut-il rappeler à ses adeptes qu’à ses débuts, au contraire, le heavy metal était l’un des pans du rock n’ roll où les vocalises étaient le mieux mises en valeur ? Si l’on excepte un Ozzy Osbourne qui a toujours été plus un pitre qu’un chanteur, ses disciples ont toujours pris soin de se montrer à la hauteur derrière leur micro. Or aujourd’hui, c’est bien simple : rares sont les bons groupes de metal à ne pas se vautrer dans les hurlantes braillardes totalement inaudibles pour le profane. J’ai lu il y a quelques années de cela une interview de Laura Pleasants (Kylesa) qui ironisait d’ailleurs à ce sujet en soutenant à peu près la chose suivante : si vous voulez jouer du rock et que vous ne savez pas chanter, adonnez-vous au metal, le succès sera garanti. La répartie est d’autant plus cinglante qu’elle vient d’une personne qui avoue clairement n’avoir aucun don pour le chant, caractéristique qu’elle partage avec son partenaire de Savannah Philip Coppe. Ce qui n’a pas empêché les deux leaders de travailler dur pour s’améliorer sur le plan vocal, délaissant ainsi progressivement leurs hurlements hardcore pour aller caresser des mélodies psychédéliques qui planent à 10.000 pieds. La mode est identique du côté de John Baizley (Baroness) mais aussi des quatre bûcherons de Mastodon. Dans cette optique, la présence de plus en plus importante derrière le micro de Brann Dailor, batteur surdoué mais aussi vocaliste le plus capable techniquement, ne doit certainement rien au hasard. Ceux qui ne jurent que par l’organe atypique de Brett Hinds en seront pour leurs frais, car il est peu probable que la tendance s’inverse un jour. Mais ne soyez pas dupes : en dehors du microcosme sludge géorgien ou de cas particuliers isolés (Ghost en étant le plus représentatif), les aboiements, beuglements, bramements, growls et autres shrieks ont encore de beaux jours devant eux. En définitive, cet enfermement vocal actuel du metal le limite de facto à un public restreint d’initiés. Tout ça pour dire que ceux qui égaleront les ventes du Black Album de Metallica ne sont probablement pas encore nés, d’autant que, là encore, le succès de ce disque est en partie lié aux cours de chant imposés par Bob Rock à James Hettfield. Parkway Drive peut certainement trouver là matière à réflexion…

 

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Évidemment, un bon chanteur sur le plan purement technique ne touchera jamais personne s’il n’a aucun talent, et l’inverse est tout aussi vrai. Il n’est ici nul besoin de rappeler que les Adele, Amy Winehouse, Florence Welch, Bruce Springsteen, Liam Gallagher et autres Jay Buchanan ont percé tout seul par la seule classe de leur organe, seul ou en groupe, sans avoir besoin de s’exhiber dans un télécrochet dont la persistance dans l’espace médiatique tant français qu’internationnal a de quoi laisser songeur. Au sein la sphère anglo-saxonne, qu’on me cite un chanteur de renom, un seul, issu d’un X-Factor, d’un The Voice ou d’un American Idol qui ait l’aura des personnalités pré-citées. A cet effet, ne nous complaisons pas dans le vocalisme à tout va, et reprenons l'analyse lucide de Noel Gallagher à ce sujet : “The X Factor n’a absolument rien à voir avec la musique et absolument tout à voir avec la télévision”. Comme ça, c’est dit.

Sur ce, souhaitons tout le succès qu’elle mérite à Adele, même si vous n’êtes évidemment pas obligés d’acheter son 25. Ceci dit, la concurrence en terme de rock ne sera pas des plus vigoureuses ce mois-ci. Mais ne boudons pas pour autant ce cru 2015 qui, quelques semaines avant l’heure du bilan, peut d’ores et déjà se targuer d’un niveau particulièrement élevé - même si tous à la rédaction ne partagent pas cette annalyse. On imagine que vous irez certainement jeter une oreille curieuse à ce Montage of Heck qui nous promet un Kurt Cobain intimiste. Pour la fin de l’année, une fois n’est pas coutume, décembre nous réservera quelques projets de choix, et on sera avide d’entendre ce que donnera le quatrième album de Baroness après le lourd accident de la route dont a été victime le groupe il y a de cela trois ans, ainsi que le nouvel album de Cage The Elephant produit par Dan Auerbach. D’ici là, lisez albumrock et keep rockin’ !

Commentaires
Raphaelle, le 10/11/2015 à 17:54
Chris Martin, faux? Ah non, je ne suis pas d'accord ! Souvenir également embarrassant de Jack Bugg en première partie des Stones à Hyde Park: mort de trac, sa voix ne sortait pas!
Etienne, le 09/11/2015 à 11:47
Ta référence à Hendrix est excellente, d'autant que sa technique vocale était assez limitée en tant que telle mais surtout il superposait la mélodie du chant et de sa guitare (Gypsy Eyes entre autres). Une singularité rare qu'on a tendance à oublier au profit de son talent guitaristique (oui c'est un nouveau mot). Quant au metal je trouve que la tendance est au chant clair, mélodieux (Periphery, Trivium) et je pense que le genre en sortira grandi. Reste que le trou d'air des années 80 a quand même vu naitre Bono au spectre vocal plutôt impressionnant en comparaison des mièvreries new wave de l'époque.
Nicolas, le 09/11/2015 à 11:22
En sachant justement qu'en live, Chris Martin est parfois (et même souvent) complètement faux ;-) Pareil, j'ai vu Sabbath au Hellfest il y a deux ans, et Ozzy, c'était une catastrophe ! Liam Gallagher, idem à Nantes en 2008, il devait avoir une extinction de voix et la justesse n'était pas vraiment là. C'est clair que le chant, ça compte aussi beaucoup pour moi, même si bon, parfois un mauvais chanteur parvient aussi à faire l'affaire.
Raphaelle, le 09/11/2015 à 11:12
Ah, le chanteur du groupe de rock... Vaste sujet ! Ton édito m'a fait penser à London Grammar, dont la pop minimaliste prend corps dès que la fabuleuse Hannah ouvre la bouche. Et comme on ne se refait pas, j'ai pensé à Dave Gahan, le chanteur de Depeche Mode. Ecoutez leurs premiers titres (et notamment Just Can't Get Enough): voix haut perché sans identité. Au fil des années, il a appris à dompter son baryton qui fait partie de l'identité du groupe (Personal Jesus en tête). Et que dire de Coldplay?! Que serait devenu leurs mélodies pop sans la délicatesse de la voix de Chris Martin? A titre personnel, je ne trouve rien de plus horripilant que d'aller en concert voir un groupe dont le chanteur chante comme un pied. Même si je vais voir un concert de rock, il y a quand même un minimum syndical !