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Critique d'album

The Who


A Quick One


(09/12/1966 - Decca - British rock - Genre : Rock)
Produit par Kit Lambert

1- Run Run Run / 2- Boris the Spider / 3- I Need You / 4- Whiskey Man / 5- Heat Wave / 6- Cobwebs and Strange / 7- Don't Look Away / 8- See My Way / 9- So Sad About Us / 10- A Quick One, While He's Away
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le polaroid acoustique du Swinging London."
Pierre D, le 06/07/2015
( mots)

Ce n’est peut-être pas le meilleur album des Who. On est en droit de lui préférer The Who Sell Out, plus violent et électrique. Il y a des morceaux dispensables. Pour autant A Quick One est totalement représentatif de son époque, voire de son année, et vaut assurément plus que tout ce qui suivra The Who Sell Out.

En ces temps où la Pop avance à pas de géant chaque année voire chaque mois, les Who ne sont déjà plus les mêmes. My Generation était un parfait polaroid Mod, à la jonction entre les influences rythm n’ blues ("Maximum R&B!" clamait une publicité pour le groupe) et la mode soul qui allait bientôt déferler sur la jeunesse londonienne. Le single "I Can’t Explain", bien aidé par les radios pirates, a inscrit les Who sur la carte pop anglaise qui n’allait pas tarder à être marquée au fer rouge par les mirifiques singles envoyés tous les quelques mois par Pete Townshend : "Anyway, Anyhow, Anywhere" et sa nouvelle grammaire de guitare, "My Generation" tellement novateur à l’époque. Les Who sont les plus violents. Les Rolling Stones sont scandaleux mais les Who sont pervers. "The Kids Are Alright" dégorge de misogynie, "I’m A Boy" joue sur une ambiguïté sexuelle assez neuve en ces temps où David Bowie n’est pas encore à la mode. Par-dessus le marché, les membres des Who se détestent. Le groupe manque de se séparer régulièrement. C’est parfois Roger Daltrey qui se bat avec Pete Townshend. Ou alors le guitariste assène un coup de guitare et colle un œil au beurre noir au batteur. On est bien loin de la franche camaraderie de compagnons de galère. Et plus le succès grandit, plus les problèmes s’aggravent.
Roger Daltrey hait foncièrement les histoires perturbantes que lui ramène Pete Townshend. Le chanteur aime le blues et le rock n’ roll, le voilà à chanter d’une voix haut perchée des histoires de tapette. Pete Townshend, un intello très complexé, est quasiment seul maître à bord. Il se bricole un studio chez lui où il enregistre les maquettes qu’il présente au groupe. À part Keith Moon dont le jeu ne saurait être planifié à l’avance, les Who reçoivent des instructions très strictes quant à ce qu’ils doivent jouer et chanter. La tâche est énorme, la pression aussi car Townshend se trouve seul à devoir composer des tubes permettant de maintenir le groupe tout entier dans les charts.

Les choses changent sensiblement en 1966. Le manager Chris Stamp obtient du label une avance, à condition que tous les membres des Who mettent la main à l’écriture. De là, A Quick One n’est pas exactement le plus grand album des Who en ce qui concerne la composition. Pour autant, il montre une belle cohérence pour un disque écrit à 8 mains. Surtout il est un miroir charmant de son époque, celle du Swinging London. Le terme est forgé par le magazine Times en 1966 pour désigner le vent de libération qui souffle sur la ville. On a parfois dit qu’à l’apparition des Beatles à la télévision le vieux monde en gris et blanc issu de la Seconde Guerre Mondiale est enfin passé à la couleur. Comme souvent avec la Pop c’est sans doute vrai pour une petite partie de gens à la mode. On n’ira pas jusqu’à prétendre que la nation anglaise dans son entier est tout à coup passée d’une mentalité de gestion parcimonieuse des ressources à un hédonisme culturel. Cependant il est vrai que 1966 voit la sortie de grands disques de musique pop et du film Blow Up de Michelangelo Antonioni tandis que la mode se libère sous l’impulsion de gens comme Mary Quant. Encore une fois, la libération concerne l’avant-garde culturelle et pour elle la vie est une fête.

A Quick One est imprégné de ce parfum de liberté. The Who Sing My Generation dynamitait le rythm & blues et inventait la power pop au passage. Son successeur adopte le ton badin de son époque. La musique reste une affaire sérieuse pour les Who mais le disque lui-même ne semble jamais se prendre au sérieux. Au travers de ses compositions on découvre le sens de l’humour très particulier du bassiste John Entwistle. Ce Monsieur s’impose comme le compositeur secondaire des Who et signe deux chansons dont "Boris The Spider" qui deviendra un cheval de bataille pour les concerts du groupe dans les années qui suivent. La chanson est une mignonne plaisanterie, une comptine parlant d’une araignée donc. Mignon mais pas essentiel, d’où la déception à la découverte du disque car le reste est souvent à l’avenant. A Quick One est un vaudeville inconséquent où peu de compositions brillent. Le "Cobwebs And Strange" de Keith Moon voit le groupe s’amuser à utiliser tous les instruments à sa disposition. Des micros sont disposés un peu partout dans le studio et tout ce petit monde fout un joyeux bordel sous la direction de Moon en chef d’orchestre, un rôle qu’il tient en réalité de manière permanente chez les Who (surtout en concert). Rythmique ska, frénésie punk, fanfare complètement saoule, tout ça n’a ni queue ni tête mais tout est permis. Comme toutes les expérimentations l’ensemble n’a pas grand intérêt en dehors d’un laboratoire mais le morceau contribue à la bonne humeur communicative du disque.

Roger Daltrey ne se foule pas trop avec "See My Way" pour mener directement à "So Sad About Us". Pas à un paradoxe près, A Quick One contient deux titres restés dans les mémoires, "Boris The Spider" donc et ce "So Sad About Us" qui compte parmi les chansons du groupe reprises par le plus de formations (The Jam, The Breeders, Primal Scream). Presque naïf dans son propos, le titre est un monument de power pop (soit de la musique pop avec de grosses guitares) et marque une des seules incursions de la guitare électrique sur le disque. On finit par l’oublier, abrutis qu’on est par les riffs maousses de "Won’t Get Fooled Again", les Who furent pendant un temps des maîtres de la délicatesse anglaise. Pete Townshend n’a jamais caché son admiration pour l’art tout en dentelle élisabéthaine de Ray Davies chez les Kinks. "Tattoo", "Pictures Of Lily", le boulot de Townshend est simple et harassant : inventer à chaque single un nouveau type de chanson. Lorsqu’il s’inspire de "You Really Got Me" il s’en sort avec la charge amphétaminée "I Can’t Explain". Sur A Quick One à l’inverse, tout ou presque est acoustique. Il y a des harmonies vocales inspirées des Beach Boys que Keith Moon vénère ("Don’t Look Away"), bien loin des mugissements de bœuf aux hormones que poussera Roger Daltrey à partir de Who’s Next. La guitare très sale de "Run Run Run" n’est pas encore limitée aux power chords virils et affecte une retenue toute britannique. Lee Mavers s’en souviendra avec The La’s, groupe fondateur et oublié de la Britpop, très inspiré des Who de "Run Run Run" et "Magic Bus" justement.

Après l’échec du titre "I Can See For Miles" extrait de l’album suivant The Who Sell Out, Pete Townshend reviendra avec un concept-album qu’il qualifiera même d’opéra-rock : Tommy, un disque qui prouve que 1. les rockers n’écoutent pas vraiment d’opéra et 2. personne n’a le souffle nécessaire pour tenir la longueur d’un double album. Pourtant ça fonctionnera (commercialement du moins) et les Who alterneront alors entre concepts trop alambiqués et bourrinage simplet. Mais en 1966 personne n’aurait pensé à se prendre ainsi au sérieux, cette horreur. La mini-symphonie "A Quick One While He’s Away" (rien que ce titre, grivois sans être grossier) ce sont en réalité 6 mini-chansons enchaînées pour former une histoire d’infidélité finalement pardonnée. Quand le groupe manque d’argent pour s’adjoindre les services d’un violoncelliste, il remplace l’instrument par leurs propres voix chantant "Cello, cello, cello". Tout simplement.

La reprise du "Heat Wave" de Martha & The Vandellas vient rappeler l’appartenance des Who à la sous-culture Mod même si on n’hésitera pas à affirmer en ces pages que la très décriée version des Jam sur Setting Sons enterre la concurrence. Les Who ne seront pour autant pas considérés comme un groupe d’albums avant longtemps. Dans les sixties et jusqu’à Tommy ils passent pour des faiseurs de singles, plaisants mais impossibles à prendre au sérieux face à la concurrence des Beatles, Stones et Dylan. C’est injuste parce que leurs trois premiers albums sont ce qu’ils ont fait de meilleur. Maximum R&B avec My Generation, pop déjantée sur A Quick One et le freakbeat de The Who Sell Out. Groupe à singles, les Who bénéficient par contre de rééditions superbes car compilant une foultitude d’inédits éparpillés. Ici c’est l’EP Ready, Steady, Who ! qui est annexé à l’album en plus des faces B de singles et de chansons inédites (dont une intéressante version acoustique de "Happy Jack").

Bientôt la fête va prendre fin. Il ne sera plus question de pop ou de rock ‘n’ roll mais de rock. Les Who survivront aux sixties et s’adapteront aux années 70. Ils voulaient concurrencer les Kinks, ils se mesureront à présent à Led Zeppelin. Les morceaux se simplifieront pour coller aux Etats-Unis et à leur géographie qui implique de jouer dans des stades une musique forcément amputée de sa délicatesse. Tant mieux pour le groupe et son public alors grandissant, tant pis pour les amateurs des Who première période, anglais jusqu’au bout des ongles.

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