Soundgarden
King Animal
Produit par Adam Kasper, Soundgarden
1- Been Away Too Long / 2- Non-State Actor / 3- By Crooked Steps / 4- A Thousand Days Before / 5- Blood on the Valley Floor / 6- Bones of Birds / 7- Taree / 8- Attrition / 9- Black Saturday / 10- Halfway There / 11- Worse Dreams / 12- Eyelid's Mouth / 13- Rowing
Cela faisait deux ans qu'on l'évoquait épisodiquement, mais après quelques tergiversations, cette fois ça y est, Chris Cornell et sa bande nous délivrent la preuve matérielle que Soundgarden s'est bel et bien reformé. Seize ans après leur dernier opus (Down on the Upside) et une fin conflictuelle, les quatre membres ont donc ressenti le besoin, voire la nécessité, de se retrouver en studio. Et ce pour de multiples raisons. Si Matt Cameron n'a cessé d'être comblé avec Pearl Jam, on se doute que Chris Cornell a eu envie de réaliser quelque chose de beaucoup plus rock'n'roll qu'un album solo ridicule avec Timbaland, alors que Kim Thayil et Ben Shepherd ont vécu une vraie traversée du désert et quelques grosses galères durant la dernière décennie... Alors soit, si chacun y trouve à nouveau son compte, pourquoi ce groupe culte du grunge made in Seattle ne retrouverait-il pas sa rage d'antan avec ce King Animal ?
Restait à en juger sur pièce, même s'il est toujours compliqué d'apprécier le come-back d'un groupe qui s'est arrêté depuis tant d'années. Les fans de la première heure attendent de pouvoir ressentir à nouveau la flamme entretenue dans leurs souvenirs les plus incandescents, les plus exigeants espèrent même être surpris musicalement, alors que d'autres vont véritablement écouter Chris Cornell et son band pour la première fois.
Pour (re)conquérir des ex et futurs fans, le groupe n'a évidemment pas chamboulé son paysage sonore si facilement reconnaissable grâce au timbre vocal de Chris Cornell et aux riffs de Kim Thayil. Pour preuve, Soundgarden nous lâche d'emblée un "Been Away Too Long" un peu trop révélateur en se pressant d'en découdre avec un hard rock basique à la AC/DC. Le morceau est efficace, dans son genre, quoique surproduit par Adam Kasper (QOTSA, Pearl Jam, Foo Fighters...), mais il faut attendre "By Crooked Steps" pour apprécier à nouveau les fameux refrains étranglés qui ont fait la réputation de Soundgarden du temps de Superunknown. L'intro psyché-hindoue zeppelinienne de "A Thousand Days Before", le riff pleinement stoner de "Blood On The Valley Floor", la mid-tempo "Taree" et la ballade "Black Saturday" rehaussent le coeur de l'album.
Cette résurrection a tous les airs d'être bien née. La voix de Chris Cornell est à la hauteur de nos souvenirs, Kim Thayil est inspiré, la basse de Ben Shepherd surprend même par sa belle et forte présence, il est également à l'origine de quelques titres, alors que Matt Cameron semble encore plus percutant qu'avec Pearl Jam. La puissance et la complicité du groupe sont réelles, même si deux ou trois morceaux un peu trop faciles atténuent le plaisir des retrouvailles ("Attrition", "Halfway There"...). "Worse Dreams" avec son couple basse-guitare tout aussi fusionnel que dissonant, comme l'étonnante et mouvante "Rowing", la plus hors des sentiers parcourus par le groupe jusqu'ici, agrémentent même cet album d'une fin haut de gamme.
King Animal s'écoute donc sans déplaisir et rien que pour cela on peut se réjouir du retour de Soundgarden. Le groupe y démontre une unité retrouvée et prouve que sa reformation n'est pas qu'une façade. Si King Animal n'égale pas Superunknown ou Badmotorfinger, il est assez riche pour ne pas décevoir la majorité de ses plus anciens admirateurs. Cependant, il manque toujours ce je ne sais quoi que Soundgarden n'arrive pas à provoquer sur la durée. Le charme de Chris Cornell a beau être incontestable, n'est-ce pas mesdames, cet être un peu trop normal ne possédera sans doute jamais la créativité de certains autres leaders de sa génération incarnée par le charisme d'un Eddie Vedder, la folie de Perry Farrel ou les fêlures de Kurt Cobain et de Billy Corgan.
Il faut simplement se rendre à cette évidence, à son image, Soundgarden est un groupe efficace dont on peut apprécier les albums sans pour autant crier au génie. Avec cet opus qui authentifie leurs belles retrouvailles, il faudrait être bien exigeant pour ne pas s'en satisfaire.