Rival Sons
Hollow Bones
Produit par
Après le succès en demi-teinte de Great Western Valkyrie , les californiens de Rival Sons reviennent sur le devant de la scène avec un nouvel opus, Hollow Bones, doté d'un artwork aussi allégorique qu’animal né des doigts de fée de Martin Wittfooth. A son habitude le quatuor s’est imposé une vitesse d’écriture, de composition et d’enregistrement pour le moins déraisonnables : 30 jours pour boucler le projet au LCS Studios de Nashville, entre deux concerts. Le résultat est-il de l’ordre du bâclé/expédié ou de l’inspiré/novateur ?
Pour filer la métaphore animale, le lion aurait été un choix d’artwork plus adapté. Jay Buchanan n’a plus la fièvre ravageuse de Pressure and Time, et le groupe a pris une direction artistique plus détachée de ses racines Led Zeppeliennes, bien que l’influence du mastodonte britannique soit toujours audible sur certains titres, dans les envolées de Scott Holiday ou le doigté de Mike Miley. Le chanteur a-t-il atteint ses limites vocales, ou appris à doser son énergie et l’intensité de son chant ?
Car cet album est tout en nuances et complexité. On est à la fois happé par un rock brut et agressif très « retour aux sources » ("Hollow Bones pt.1"), puis surpris à l’écoute de sonorités jazzy sublimant la voix feutrée de Buchanan – on pense ici à "Tied Up" et l’alliance clavier/breaks de batterie tout en douceur et sensualité –, avant de sombrer dans une soul assumée à travers cette revisite de "Black Coffee", qui nous transporte au cœur d’un gospel avec ses chœurs, son rythme marqué au tambourin, ses claquements de mains, et cet orgue enivrant. Mais la force de Hollow Bones réside également dans le fait que les Rival Sons ne s’égarent pas, et parviennent à insuffler du rock dans tout ce qu’ils touchent, à travers des riffs entêtants, des solos envoûtants ("Hollow Bones pt.2", "Fade out"), et la puissance de jeu de Mike Miley. Les morceaux sont parfois courts, parfois très construits ; "Hollow Bones pt 2" à lui seul mérite deux ou trois écoutes tant ses sonorités sont riches, la voix de Buchanan évoquant presque Sting dans ses intonations, portée par une guitare tout en reverb et un rythme nerveux, avant de reprendre possession de son vibrato puissant, puis de nous gratifier d’une démonstration a capella, en rupture totale avec le solo démentiel de Scott Holiday.
S’insère parfois une dimension presque mystique aux compositions, notamment à l’écoute de ce refrain surprenant de "Thundering Voices", qui flirte avec des sonorités amérindiennes étonnantes. Les thèmes de la religion, la création, l’amour sont omniprésents, et récurrents dans les textes de Buchanan. Et c’est d’ailleurs dans cette balade dépouillée et romantique qu’est "All I Want" que l’émotion transpire, à travers la voix brisée de ce frontman habituellement si sûr de lui, un accompagnement instrumental à peine perceptible, qui pourrait faire office d’un "Moon river" moderne. Par comparaison, "Only One" présente sur Pressure and Time transmet une énergie incontestablement plus brute et rageuse, alors qu’elle y tenait le rang de balade.
Tout bien considéré, la figure du loup paraît plutôt bien assortie à cet album. Le quatuor californien est revenu là où on ne l’attendait pas, avec une gnaque moins évidente mais tout aussi dévastatrice. Et quel pied !